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Macron : Le temps du mépris


Jacques RENUCCI le Jeudi 8 Février 2018 à 19:56

Emmanuel Macron a multiplié les prises de distance vis-à-vis des élus de la collectivité, comme s'il les jugeait illégitimes.



Macron : Le temps du mépris
« Le Corse oublie plus aisément l'oppression que le mépris », écrivait Pascal Paoli. Un nouveau Président de la République, une nouvelle configuration territoriale : ce qui aurait dû être le lancement d'une approche différente dans les rapports entre la Corse et l’État s'est transformé en un speed-dating désastreux, au cours duquel les relations n'ont cessé de se détériorer.  
Au sein de la majorité territoriale et au-delà, le Président ne s'est pas fait que des amis. Il suffisait de se promener ce lundi matin dans les rues d'Ajaccio ou de Bastia pour s'en rendre compte. L'histoire de la Corse, dit-on, est faite de rendez-vous manqués. En voilà un de plus à ajouter à la liste... Mais pouvait-il en être autrement ? Le parti présidentiel, et cela a été l'une des raisons de son irruption sur la scène du pouvoir, manque d'ossature idéologique, balançant entre libéralisme débridé et protectionnisme d’État.

C'est en raison de ce flottement que l'on a pu entendre Emmanuel Macron prôner en même temps la défense de l'environnement et l'assouplissement des règles qui préservent cet environnement. L'absence de ligne directrice conduit aux simplifications abusives. Emmanuel Macron ne s'est pas privé d'y avoir recours, et c'est en grande partie pour cela que sa prestation n'a pas convaincu, au point que ce qu'il y avait de positif dans ses propos est passé au second plan.  

Mais ce que l'opinion retiendra, c'est son attitude de condescendance, de défiance et de distance vis-à-vis des élus, ravalés au rang de militants de causes indéfendables, le Glock sous la cravate... Jean-Guy Talamoni a parlé d' « humiliation », Gilles Simeoni a évoqué le mépris « des codes, des usages, des principes et des fonctions », alors que simultanément était imposé un protocole superflu et intransigeant au niveau des symboles – avec l'occultation systématique des signes d'une identité, le drapeau en particulier... Ainsi, le fond est passé au second plan, au bénéfice de la forme parfois inacceptable, non point tant du point de vue des dignités à respecter que parce qu'elle marque un net recul historique : des bonnes intentions assorties d'avertissements, de leçons assénées, la trique et le troc, l'état de droit et le droit de l’État. C'était le rapport Glavany, le préfet Bonnet – n'y avait-il d'ailleurs pas, dans la délégation présidentielle, Jean-Pierre Chevènement, le ministre paillotier ? Si l’État a de la mémoire, l'île aussi.  

En mettant les élus que la Corse s'est donnée en situation d'illégitimité, le pouvoir discrédite aussi une population soupçonnée de fait d'être immature, et justifie de même un paternalisme d'un autre âge. Paradoxalement, le Président, qui insiste tant sur la sécurité, peut se féliciter que les Nationalistes soient au pouvoir... Car ceux-ci, outre le bras-de-fer qui s'annonce dans les échanges avec l'administration centrale, ont à gérer la région au quotidien, quels que soient les aléas d'un partenariat difficile.  

Avec Macron, l’État a dit qu'il était chez lui sur l'île ; les Corses auraient sans doute aimé qu'il se sente aussi un peu chez eux.  

(Photo P. J)
(Photo P. J)