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MSA : 75% des agriculteurs corses n'ont pas payé leur cotisation. La FDSEA propose des solutions


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Jeudi 20 Avril 2023 à 19:37

Mercredi 19 avril, les administrateurs de la MSA membres de la FDSEA de Haute-Corse organisaient une conférence de presse pour alerter l’opinion sur les difficultés que traverse actuellement la structure – en corrélation directe avec les difficultés des agriculteurs. Les élus ont d’ores et déjà proposé des actions pour faire face à l’urgence de la situation.



La conference de presse de ce mercredi
La conference de presse de ce mercredi
La principale mission de la MSA est d’assurer un système de sécurité sociale aux 2 700 agriculteurs de Corse qui en sont adhérents. Elle est naturellement financée par leurs cotisations. Un agriculteur, en Corse, lui verse en moyenne de l’ordre de 4 000 euros par an. Mais depuis le début de l’année, celles-ci ont bien du mal à rentrer dans les caisses : « Près de
75 % des agriculteurs n’ont pas payé la cotisation du premier trimestre,
constate Marie-Jo Alfonsi, agricultrice, membre du conseil d’administration de la MSA et élue FDSEA. D’ordinaire, le chiffre est d’environ 35 %. On n’a jamais vu ça ! ». Un écart alarmant qui témoigne des difficultés que traverse la profession. Ne pas payer sa cotisation peut avoir des conséquences importantes pour un agriculteur : outre les pénalités, il ne perçoit par exemple pas d’indemnités journalières en cas de maladie. Et, d’une certaine façon, pour celui qui ne s’acquitte pas de cette obligation, c’est un peu comme se trouver exclu de la société…

Le symptôme d’un problème plus profond
Mais au-delà de ça, ce sont les causes profondes de ce qui apparaît comme un symptôme, qui inquiètent les élus. Le problème est-il simplement conjoncturel ? Les conséquences de la période Covid, la guerre en Ukraine et l’inflation pourraient expliquer les choses. S’ajoutent à cela les sécheresses répétées que connait la Corse depuis plusieurs années : « Cela remonte aux années 80-85, précise l’un des élus. Mais c’est pire aujourd’hui. Lorsqu’on n’a pas de ressources fourragères, on doit compléter par des intrants. » Et leur prix a lui aussi augmenté. Or donner à manger à ses bêtes passe en priorité. Aussi, sans surprise, les éleveurs sont-ils les premiers concernés par le non-paiement des cotisations. Mais ils ne sont pas les seuls.


Un problème plus structurel
Cette première difficulté en rencontre une autre, celle-là indéniablement structurelle : la MSA de Corse est une petite caisse. Et avec une population vieillissante, les cotisations – même lorsqu’elles rentrent normalement – ne permettent plus de faire face sereinement aux dépenses maladie et prestations familiales. Plus généralement, le service que rend la structure se dégrade : certains services – comme le courrier par exemple – sont délocalisés sur le continent. « On perd de la proximité, donc de l’efficacité », analyse Joseph Colombani, président de la FDSEA de Haute-Corse qui soutient la démarche des administrateurs de la MSA.

La FDSEA, force de proposition
Face à ce constat, ces derniers ont proposé quatre actions pour lesquelles le conseil d’administration vient de nommer quatre élus référents qui piloteront chacun un groupe de travail, en lien avec la Direction et en concertation avec les salariés.

Pour répondre à l’urgence de la situation des agriculteurs qui n’ont pu payer leurs cotisations, une première mesure vise à étaler la période de remboursement de la dette correspondante : au lieu des trois ans avec ticket d’entrée qui avait cours jusque-là, la durée de remboursement
pourrait s’étendre de cinq à sept ans, et sans ticket d’entrée. Cette première mesure devrait voir le jour rapidement, sans doute dès le mois de mai. Un bilan devrait être réalisé en fin d’année.

Se mettre en mesure d’apporter des réponses ajustées
La deuxième mesure consiste à réaliser un diagnostic de la situation, compte tenu de ce niveau d’impayés. Comprendre finement les difficultés des agriculteurs permettra d’y apporter des réponses plus adaptées. « Il faut apprécier la gravité du problème », précise Joseph Colombani. Si la profession agricole est aussi en crise sur le continent, les difficultés supplémentaires propres à la Corse sont bien connues : éloignement, manque de développement, de structuration du foncier, problème de l’eau et de l’irrigation… « Mais en plus, cette année, il y a quelque chose qui démontre qu’on est dans une situation qui s’est aggravée. » 
Au-delà des intuitions qu’on peut en avoir, une analyse objective qui précise les profils des agriculteurs touchés, serait par ailleurs plus crédible vis-à-vis des financeurs et des élus.

Une nouvelle structuration des services sociaux
En ce qui concerne le problème plus structurel qui touche la MSA, les élus FDSEA proposent de profiter de l’évolution institutionnelle espérée en Corse, pour réfléchir à une nouvelle structuration des services sociaux. L’idée serait de fédérer différentes caisses : rapprocher
notamment la MSA et le régime général permettrait de mutualiser les services. Outre le fait que cela créerait des emplois en Corse, cette mutualisation permettrait d’améliorer le service proposé aux agriculteurs en préservant la proximité – en cas de difficulté, on peut se voir et discuter – et en faisant en sorte que les problèmes spécifiques à la Corse soient mieux compris – puisqu’ils seront traités sur place, par des personnes qui connaissent. Bref, les administrateurs FDSEA misent sur l’innovation pour offrir des réponses pertinentes aux besoins. A tout le moins, souhaitent-ils rapatrier en Corse les services actuellement délocalisés sur le continent. « Nous avons la volonté de maintenir la MSA de Corse, dans une Corse agricole et qui se développe », résume Marie-Jo Alfonsi. 

Enfin, de façon plus anecdotique, une dernière proposition vise à mettre en place un accueil permanent dans les bâtiments de Viscuvatu qui rassemblent les différentes organisations agricoles : Chambre d’Agriculture, MSA, SAFER etc. La construction du nouveau bâtiment avait justement pour objet de faciliter les démarches des agriculteurs, mais, dans les faits, l’absence d’un accueil ne leur permettait pas toujours de régler les problèmes qu’ils rencontraient. Suite aux démarches des élus FDSEA, un accueil mutualisé avec la Chambre d’agriculture est aujourd’hui à l’essai.