Le voyage en Corse de Guy de Maupassant coïncide avec le début d’une nouvelle vie pour lui. L’année 1880 fut en effet une période charnière pour Guy de Maupassant. Sa mère Laure en proie à des problèmes de santé, l’écrivain la rejoignit à Ajaccio où elle était partie se faire soigner. Officiellement, Maupassant se rendit en Corse en tant que reporter du journal Le Gaulois. À son retour, il démissionna de son poste de rédacteur de ministère pour se consacrer à temps plein à la littérature. Guy de Maupassant ne retournera sur l’île qu’une seconde fois, l’été de l’année suivante. S’il n’y séjourna en tout qu’un mois et demi, l’île deviendra pour lui la source d’inspiration de nombreux récits. Entre 1880 et 1885, la Corse sera présente dans près d’une quinzaine de chroniques et nouvelles, ainsi que dans son premier roman : Une Vie. L’auteur, Thierry Ottaviani a déjà publié plusieurs essais, notamment sur la Corse : «La Corse pour les nuls», «La Corse des écrivains », «Nietzsche et la Corse», «Les Corses qui ont fait la Corse»*...
- Thierry Ottaviani, un mot sur vos racines ?
- Comment ce livre est-il articulé ?
- Les rapports entre Maupassant et la Corse ?
- Votre île vous inspire, d’autres livres sur le sujet ? D’autres projets ?
*Editions Maia
- Thierry Ottaviani, un mot sur vos racines ?
-Mes racines sont à Saint-Pierre-de-Venaco. Mon arrière-grand-père André Mariani y avait fondé l’hôtel du Torrent. C’était il y a plus de cent vingt ans. L’hôtel est encore là, à mi-chemin sur la route Ajaccio-Bastia. J’y habite l’été, saison où j’ai toujours préféré aller à la montagne plutôt qu’à la mer. Sinon, j’ai passé une petite partie de mon enfance à Bastia. J’aime beaucoup cette ville. Je ne dis pas ça uniquement parce que j’y suis né. Je la trouve effectivement très belle et même de plus en plus belle. J’y habite de temps en temps. Aujourd’hui ma vie est partagée entre Paris, Bastia, Saint-Pierre-de-Venaco… et Belgrade, car ma compagne est d’origine serbe.
- Comment l’idée de ce livre sur Maupassant vous est-elle venue ?
- Après mon livre sur « Nietzsche et la Corse », celui de Christine Bretonnier sur « Giono et la Corse », il me semble qu’une collection « Les écrivains et la Corse » est en train de naître aux éditions Maïa. Aussi, je me suis dit que j’allais écrire sur Maupassant dont je connaissais bien la passion pour la Corse. En 2013, j’avais publié aux éditions Alexandrines un article sur « Les voyages en Corse de Guy de Maupassant ». Je m’étais rendu compte à ce moment-là qu’il y avait encore quelques questions en suspens concernant les deux voyages que Maupassant avait faits en Corse, en 1880 et en 1881. Où était-il allé exactement ? A quel moment ? Quelles étaient les personnes qu’il avait rencontrées ? Comme dans une enquête, il y a plusieurs indices, mais il faut reconstituer l’histoire. Ce travail est très passionnant. Mais, surtout, il permet de mieux comprendre les textes de Maupassant.
- Comment ce livre est-il articulé ?
- Le livre se compose de trois parties. La première est la plus biographique. J’y traite des chroniques que l’auteur a rédigées quand il était sur l’île. On trouve dans celles-ci beaucoup d’allusions à l’actualité corse de l’époque. Lorsqu’on lit aujourd’hui certains des passages, ils peuvent paraître obscurs si l’on n’a pas une connaissance précise de la Corse du XIXe siècle. Cette première partie permet de les relire avec un meilleur éclairage. Dans la deuxième partie de mon livre, il est question davantage de la représentation littéraire de la Corse dans l’œuvre de Maupassant. L’île y apparaît souvent comme un paradigme du bonheur. Paradoxalement, elle est aussi décrite de façon très sombre. Il est intéressant de comprendre pourquoi. Enfin, le lecteur trouvera en troisième partie l’ensemble des chroniques et des nouvelles sur la Corse. Les lettres que l’écrivain a postées d’Ajaccio, de Vico ou de Bastia sont également publiées.
- Les rapports entre Maupassant et la Corse ?
- On a souvent reproché à Maupassant les propos très durs qu’il a tenus sur les Corses, lorsqu’il parle par exemple d’« humanité monstrueuse ». Cependant, dans cet oxymore, il ne faut pas seulement regarder le mot « monstrueux », mais aussi celui d’« humanité ». Contrairement à Nietzsche qui voyait chez le Corse un homme fort, par delà bien et mal, Maupassant le considère comme un être des extrêmes, tant en bien qu’en mal. L’île en elle-même incarne cet excès, à commencer par ses paysages sublimes qui provoquent chez l’écrivain une formidable fascination. On a également reproché à Maupassant d’avoir parlé de la Corse sans avoir eu de considération réelle quant à son histoire et à son peuple. C’est vrai dans certaines de ses nouvelles et aussi dans son roman Une Vie. Et il y a une raison à cela que j’explique dans mon livre. Mais Maupassant a aussi produit, dans ses chroniques, une très belle observation de la Corse en tant que reporter pour le journal Le Gaulois. Nous lui devons même quelques « scoops » qui firent couler beaucoup d’encre à l’époque, comme la rencontre en forêt du baron Haussmann et du bandit Bellacoscia.
- Votre île vous inspire, d’autres livres sur le sujet ? D’autres projets ?
- En 2016, les éditions Maïa publiaient mon roman Chien de sang. Ce livre existe aussi dans une autre version, une continuité dialoguée dont l’action se passe en Corse, avec des indications de plans et d’images. Il est ainsi prêt pour une adaptation en bande dessinée. Mais il me manque encore le dessinateur ! Si parmi vos lecteurs une personne du métier est intéressée, qu’elle n’hésite pas à me contacter par Internet. C’est un projet qui me tient à cœur dans l’immédiat.
*Editions Maia