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« Les filles d’Olfa » : le dernier film de Kaouther Ben Hania présenté à Bastia


Philippe Jammes le Lundi 10 Juillet 2023 à 19:54

Dans le cadre d’ « Arte Mare toute l’année », en partenariat avec cinéma Le Régent, la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania est venue présenter son dernier film : « Les filles d’Olfa », un film qui faisait partie de la sélection officielle du dernier Festival de Cannes. Rencontre.



Figure majeure du cinéma tunisien, Kaouther Ben Hania est une habituée du Festival Arte Mare. En 2017 elle avait obtenu le Grand Prix pour La Belle et la meute et en 2020 pour L’Homme qui a vendu sa peauun film primé aussi à la Mostra de Venise, premier film tunisien à concourir aussi à l’Oscar du meilleur film international.

​La réalisatrice est ainsi revenue à Bastia, ce 8 juillet pour y présenter Les filles d’Olfa un documentaire qui rencontre un beau succès depuis plusieurs semaines et les premiers retours du public sur le film sorti le 5 juillet dernier sont déjà très bons.

Ce film, a pour base un fait divers, peu connu en France, qui a défrayé la chronique en Tunisie. Olfa Hamrouni a acquis une notoriété internationale en avril 2016 lorsqu'elle a rendu publique la radicalisation de ses filles Rahma et Ghofrane Chikhaoui. Les deux adolescentes avaient quitté la Tunisie pour aller combattre aux côtés de Daech en Libye, où elles furent incarcérées.

À la lisière de la fiction, ce documentaire de création couvre 10 ans du vécu turbulent d’Olfa, mère tunisienne quadragénaire. Dans ce film la réalisatrice dresse le portrait touchant d’une mère à la mentalité ambiguë, femme de ménage d’un milieu pauvre. Elle use d’un dispositif de cinéma rare afin de lever le voile sur l’histoire. Elle se met elle-même en scène en train de réaliser ce documentaire bouleversant qui ménage le suspense.
Pour combler l’absence des filles d’Olfa, elle a fait appel à des actrices professionnelles. 


- Comment avec vous commencez à faire du cinèma ?
- C'est une longue histoire. A la base c’est ma passion pour raconter des histoires. Je voulais devenir romancière mais je n'avais pas un très beau style littéraire. Quand j'ai découvert le cinéma, je me suis dit qu’écrire pour le cinéma, être scénariste c'était ce qui me convenait le mieux. Je suis quelqu'un de très visuel.


- Quels sont justement les sujets qui vous ont inspirée dès le départ ?
- Je ne parlerai pas de sujet. Ce ne sont pas les sujets qui m'intéressent, ce sont les gens, les humains, leurs histoires qui me touchent, tout ce qui provoque en moi une émotion forte. J'ai envie de l'écrire, le filmer, le transmettre aux spectateurs.


- On vous a vu une fois comme actrice aussi...
- Oui, mais c'était pour jouer mon propre rôle. Je ne suis pas du tout bonne en tant qu’actrice. Je préfère être derrière la caméra. C'est un autre métier. Je pense que le plus beau métier au monde c’est réalisateur. C'est ce que disait Sydney Lumet : « Je sors tous les jours pour faire le plus beau métier du monde ». J'adore mon travail qui est de raconter des histoires, diriger des équipes, diriger des acteurs formidables.


- Les filles d’Olfa ?
- Comme le titre l’indique, c’est l’histoire d’une mère et de ses quatre filles. Une histoire vraie. Ses deux aînées disparaissent un jour. C’est pour moi un documentaire mais c’est très proche d'une fiction. L'histoire est prenante. On parle d'une tragédie mais le film est très drôle parce les vrais personnages pratiquent l'autodérision et donc on rit beaucoup,  on pleure beaucoup aussi. Emotionnellement parlant c’est un film très fort.


- Le thème c’est la radicalisation …
- Oui. Ce phénomène a connu son apogée il y a 4 ou 5 ans. Avec mon film on essaie de comprendre cela à travers une histoire intime, à travers des rapports entre la mère et mes personnages qui sont des jeunes filles, des adolescentes.  Donc c'est un prisme complètement à part pour comprendre ce phénomène-là. C'est le portrait d'une mère, le portrait de quatre adolescentes qui s'ouvrent à la vie, qui s'ouvrent à l'amour, à la sexualité mais qui s'ouvrent aussi à la recherche de sens. Des ados qui comme tous les adolescents dans le monde sont un moment en révolte. Elles veulent inverser les rapports de force avec leur mère et se retrouvent dans un cheminement de non-retour.


- Comment avez-vous accueilli cette sélection à Cannes ?
- Je pense que le film était à Cannes parce que c'est un film qui se passe dans un contexte tunisien mais qui parle à tout le monde puisqu’au cœur de ce film on parle de rapports et les rapports c'est quelque chose d'universel, c'est quelque chose qui parle à tout le monde.


- Des projets, outre la promotion de votre film à travers le monde ?
- Je prépare un film qui se passera en Tunisie aussi. Un film sur la force des légendes. On espère le tourner l'année prochaine.