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Le dessinateur corse Battì taille le monde à la pointe de son crayon


le Samedi 14 Octobre 2023 à 19:13

A bientôt 80 ans, Battì Manfruelli – il signe ses dessins Battì – continue de regarder le monde avec acuité et pertinence. Le dessinateur corse, qui collabore avec CNI, vient de remporter le prix du club de la presse du Limousin, comme candidat libre, pour sa vision de la liberté de la presse.



Battì Manfruelli, 79 ans, vient de remporter un concours de dessin de presse, à propos de la liberté de la presse.
Battì Manfruelli, 79 ans, vient de remporter un concours de dessin de presse, à propos de la liberté de la presse.
Sous une pluie de bombes, un militaire fend le ciel, lourdement armé. Il actionne son parachute et se tourne vers un homme qui n’en a pas, lui. Cet homme, micro en main et carte de presse autour du cou, on le voit léviter, au péril de sa vie. « Le journaliste de terrain va jusqu’à l’impossible pour l’info », commente succinctement Battì. Ce dessin, il l’a envoyé un peu « par défi » au club de la presse, lui que l’envie de croquer l’actualité ne quitte pas d’un crayon : « Je suis un vieux dessinateur qui a gardé la passion. »

Sans parachute

Le club de la presse du Limousin a fait son choix parmi 36 candidats. Dominique Pierson, vice-présidente du club et membre du jury, salue « l’efficacité » du dessin lauréat. « Ça​ peut concerner tous les conflits dans le monde. Le militaire, il a ses armes, son parachute. Le journaliste, il n’a que son crayon et son micro. »
 

Le dessin qui a valu au dessinateur corse le premier prix.
Le dessin qui a valu au dessinateur corse le premier prix.
Autodidacte et libre-penseur, Battì adore dénoncer les incongruités de ce monde, non comme un caricaturiste, mais comme le journaliste corrosif qu’il est. « Tout le monde est capable de trouver des dessins de presse, mais personne n’y pense. Nous, les dessinateurs de presse, on a un petit logiciel qui transforme l’idée en dessin. » Il aborde tous les sujets : « Si tu veux parler de l’universel, parle de ton village. C’est de Tolstoï. Car l’universel se trouve dans le particulier. » Son village à lui, c’est Cervioni. Il y a grandi un crayon à la main : « J’ai toujours fait du dessin dès l’école. Pour un enfant, c’est ce qu’il y a de plus accessible. Il suffit d’un crayon et d’une feuille. »

Tout a commencé à Aleria...


Mais l’enfant de Cervioni a réellement trouvé sa vocation un certain 22 août 1975. Ce jour-là, il descend à Aleria, curieux de voir ce qu’on raconte de ces militants qui occupent la cave d’un viticulteur pied-noir. L’acte fondateur du nationalisme corse, Battì Manfruelli l’a vécu aux premières loges. « J’ai vu les premières sommations, j’ai vu les mecs partir en chantant avec une dignité extraordinaire. Mais à la télé de l’ORTF, ils ont dit qu’ils avaient fui comme des lapins à travers les vignes. Ca m’avait choqué. Comment pouvait-on étaler tous ces mensonges ? »

Une vocation est née. De dessinateur de presse, pas de militant : « J’ai mes opinions que je n’impose pas. Mes dessins dénoncent des choses, ils ne sont pas militants. » Battì travaille pour divers titres, corses et nationaux, édite des albums, expose ses dessins. Il est également l’auteur de l’affiche iconique de Canta u Populu Corsu. Ses dessins, généralement très colorés, fourmillent de détails. Comme chez Franquin, qu’il adorait : « Faut pas avoir peur de copier, au départ. Mais après, faut se séparer de ses modèles. » L’inspiration de Battì Manfruelli, qui aura 80 ans en janvier, ne se tarit pas : « J’ai eu un crayon à la main très tôt, je pense que je le garderai très tard. »