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Le cardinal Bustillo sur l'autonomie de la Corse : "Valoriser la singularité de l'ile tout en évitant le divorce"


MV le Mercredi 27 Mars 2024 à 14:12

Alors que l'Assemblée de Corse se prononce ce mercredi 27 mars sur le projet d'écriture constitutionnelle finalisé à Beauvau entre le ministre de l'Intérieur et des élus insulaires, le Cardinal Bustillo partage avec nos lecteurs ses réflexions sur cette question. Originaire d'Espagne et ayant vécu en Italie, il aborde le sujet avec une perspective enrichie par son expérience personnelle. Dans une interview pourCNI, il insiste sur l'importance du dialogue et de la compréhension mutuelle pour façonner l'avenir de l'île.



Le Cardinal Bustillo. Photo Michel Luccioni
Le Cardinal Bustillo. Photo Michel Luccioni
- L'Assemblée de Corse doit se prononcer ce mercredi sur un accord trouvé le 11 mars dernier à Paris entre le ministre Darmanin et des élus insulaires sur des "écritures constitutionnelles" prévoyant "la reconnaissance d'un statut d'autonomie" de l'île. Qu'en pensez-vous de cet accord ?
- La mission de l'évêque n'est pas de se prononcer pour ou contre, un peu dans le style Facebook "j'aime" ou "je n'aime pas". La question de l'autonomie est complexe et significative, et nos politiques ainsi que nos élus travaillent sérieusement sur ce sujet. Dans mes rencontres personnelles en tant qu'évêque, j'entends des opinions variées, certains sont contre l'autonomie, d'autres pour, et certains encore prônent l'indépendance. Pour moi, il est crucial de dialoguer avec chacun, d'écouter et d'apprendre afin de comprendre les différentes perspectives. Comme tout Corse, je constate l'existence d'un processus politique et administratif sérieux de dialogue entre la Collectivité et l'État. Mon souhait en tant qu'évêque est que les Corses puissent vivre en paix.  Le chemin vers l'autonomie est en cours, marqué par des dialogues et des rencontres, mais nous n'avons pas encore atteint la fin de ce processus. Il reste encore des étapes à franchir. Mon vœu est qu'il y ait un dialogue continu entre les forces politiques de tous horizons, car la diversité et les divergences sont légitimes dans la vision de l'avenir de la Corse. Cependant, il est essentiel de maintenir un dialogue responsable et et fécond où on n'oublie pas le but final c'est-à-dire le bien commun de tous les Corses.

-  Vous êtes d'origine espagnole, vous avez vécu en Italie, deux pays où le mot "autonomie" est familier...
- En effet, j'ai vécu en Espagne où les autonomies existent depuis 1978, et en Italie où certaines régions bénéficient d'une autonomie. Pour moi, ce mot n'est ni un tabou ni quelque chose de compliqué, car je l'ai vécue. Cependant, il est important de comprendre ce que l'on entend par autonomie et comment gérer les compétences, ce qui nécessite un engagement dans le processus en cours.

- Vous avez récemment mentionné dans une interview que l'autonomie pourrait être un moyen de célébrer la singularité culturelle de l'île. Pourriez-vous nous expliquer en quoi cela consiste-t-il ?
- En tant que catholique, je ne suis pas pour le divorce, je ne suis pas pour une séparation radicale et agressive, mais je pense qu'il est important de mettre en valeur la spécificité de cette terre. La Corse est une ile qui possède une langue, une culture et des traditions spécifiques, et la religion y occupe une place importante. Il est indéniable qu'il y a une spécificité corse. Quand je regarde brièvement l'histoire, avant la République qui a centralisé les pouvoirs, chaque territoire avait sa spécificité qui était respectée. Je pense qu'il est important de pouvoir célébrer ces différences sans pour autant vivre le divorce. On peut être dans la différence et dans la divergence sans être dans la division.

  - Enfin, pourriez-vous nous parler des défis spécifiques auxquels l’Église catholique pourrait être confrontée si la Corse devenait autonome ?
- L'Église est confrontée à de nouveaux défis en permanence. Actuellement, j'observe, comme beaucoup, des tensions et des divisions. Le défi pour l'Église est de prêcher la communion et l'unité. Alors prêcher la communion de l'unité n'est pas un défi poétique ou juste un peu "peace and love" mais en reconnaissant et en assumant les différences de manière responsable et mature. Tout le monde parle de tolérance, de respect, de fraternité et de liberté, mais il est de notre devoir de les incarner, et de donner chair, si j'ose dire, à toutes ces différences sans tomber dans la division. Donc je pense que l'Eglise a le défi de mettre en communion les différences et de respecter chaque personne au-delà de son opinion politique ou idéologique.