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Langue, identité, investissements. Quelle politique culturelle pour la Corse ?


Naël Makhzoum le Mercredi 25 Janvier 2023 à 13:46

En préambule de la session de l'Assemblée de Corse qui se déroulera les jeudi 26 et vendredi 27 janvier, Gilles Simeoni, Président de l'Exécutif, et Antonia Luciani, Conseillère exécutive en charge de la Culture et du Patrimoine, ont présenté dans la matinée de ce mercredi 25 janvier leur rapport sur la politique culturelle de la Collectivité de Corse, "vers une nouvelle stratégie dans une perspective d'autonomie".



Gilles Simeoni et Antonia Luciani.
Gilles Simeoni et Antonia Luciani.
A la veille d'une nouvelle session de l'Assemblée de Corse, Gilles Simeoni et Antonia Luciani ont évoqué un document qui sera étudié par l'hémicycle durant deux jours. Ce rapport, intitulé "Politique culturelle de la Collectivité de Corse, vers une nouvelle stratégie dans une perspective d'autonomie : bilan et perspectives", sera soumis au vote de l'Assemblée durant cette session de janvier.

La dizaine de pages de travaux découle notamment de la nécessité de s'interroger, 20 ans après la loi de décentralisation de 2002 relative à la Corse avec différents transferts de compétences, sur une nouvelle impulsion à donner à la politique culturelle insulaire. 

"Depuis 2002, la Collectivité de Corse est le chef de file de la politique culturelle et il est essentiel, après vingt ans, d'en tirer un bilan et d'en faire l'évaluation, explique Antonia Luciani, Conseillère exécutive en charge de la Culture et du Patrimoine. On veut avoir les moyens d'analyser les avantages et les limites du statut hybride tel que nous le connaissons aujourd'hui, même si la majeure partie des financements et orientations sont passées de la DRAC (Direction régionale des affaires culturelles) à la CdC."

Une consultation sur deux ans

Une nécessité également liée à un contexte général favorable à une remise en question de la place qu'occupe aujourd'hui la culture dans la société insulaire. "Alors qu'on fait en sorte qu'elle soit au centre de nos politiques publiques, c'est un moment important pour réadapter nos politiques culturelles, assure Antonia Luciani. La crise sanitaire a fait diminuer la fréquentation des salles de spectacle et de cinéma, et il y a une modification des usages et du rapport à la culture, notamment chez les jeunes. Il est important que la CdC anticipe un éventuel décrochage de générations qui se tourneraient vers le numérique ou d'autres formes de "consommation culturelle"."

Plus largement, le contexte de dialogue avec Paris concernant un éventuel statut d'autonomie est aussi à l'origine de cette démarche. D'autant plus que cette dernière est confortée par la candidature de Bastia-Corsica au label de Capitale européenne de la culture en 2028. "Cela nous projette dans une dynamique méditerranéenne et européenne de valorisation de la culture, insiste la Conseillère exécutive. Nous souhaitons lancer une consultation et une étude sur deux ans, en proposant aux acteurs culturels et à la société corse de s'emparer de cette question. On sait aussi que la culture est un vecteur d'émancipation, d'intégration sociale. La langue, l'identité et la culture feront d'ailleurs l'objet d'une réunion spécifique avec le gouvernement." 

"Une reponse à la dérive mafieuse"

"La culture est aussi une forme de réponse sur le long terme à la dérive mafieuse où à la spéculation immobilière, appuie ensuite Gilles Simeoni, en référence aux grands axes de travail de l'Assemblée de Corse. Sur les cinq dernières années, la CdC est la seule collectivité régionale de France qui a doublé son budget en culture, y compris dans un contexte de crise budgétaire générale. Et au-delà même du budget, il y a tous les grands projets qu'on porte ou accompagne, comme la médiathèque de Santa Lucia di Tallà, les conservatoires de musique d'Aiacciu et Bastia, les salles de spectacles et de cinéma, entre autres..."

Dans les faits, les crédits alloués sont effectivement passés d'un peu plus de 8 millions d'euros en 2016 - au moment de l'arrivée aux responsabilités de l'Exécutif - à plus de 14 millions aujourd'hui. Un budget alloué à 85% en direction des tiers privés - ce qui en fait le plus important budget à destination des tiers - et 15% à des établissements de la CdC et des acteurs publics. Arts vivants, audiovisuel, livre-lecture publique, arts plastiques, appui logistique ou communication en bénéficient. Au total, 290 projets en fonctionnement et 219 en investissement ont été soutenus.

Une méthode en deux phases

Mais au-delà d'une stratégie d'optimisation budgétaire globale pour mieux aider le monde culturel et artistique, c'est davantage la réflexion sur les transferts de compétences et les moyens à solliciter dans la perspective d'un éventuel statut d'autonomie qui est au cœur du rapport. D'où le lancement d'une vaste consultation pour déterminer comment renforcer l'action de la CdC à droit constant, comme dans le cas de modifications institutionnelles. 

La première étape sera celle du bilan, "avec un temps d'analyse des différents programmes depuis 2002", précise Antonia Luciani. L'occasion de réinterroger le budget dédié à la culture, secteur par secteur, en identifiant ceux à maintenir et à renforcer. Une consultation - par entretiens - d'acteurs culturels, d'élus, représentants de collectivités, associations, etc. se déroulera sur une année, "bien que le CESEC a demandé à ce que soit plus rapide encore", explique la Conseillère exécutive.

La deuxième phase de la méthodologie présentée à l'Assemblée de Corse donnerait lieu à la proposition de dispositifs de coopérations entre élus, institutions, acteurs pour mettre en œuvre une politique culturelle intégrant les enjeux de la diversité culturelle. Une enquête qualitative préalable est imaginée "avec l'aide d'un institut de sondage spécialisé sur un panel de 1500 personnes : des questions sur les pratiques, les besoins, les enjeux et spécifiquement au regard des jeunes générations", développe Antonia Luciani. Suivront des débats au cœur de l'ensemble des territoires de la Corse, puis des débats médiatisés.