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La pénurie de médicaments s’intensifie aussi en Corse


M.V. le Lundi 24 Octobre 2022 à 13:49

Paracétamol, amoxicilline, augmentin, ventoline… La liste des médicaments faisant actuellement l’objet de difficultés d’approvisionnement est longue et les rupture de stock en médicaments se multiplient. Une situation difficile qui pourrait se tendre davantage et qui n'épargne pas la Corse



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A la longue liste des pénuries qui menacent l'hiver, il faut ajouter celle des médicaments. Les tensions d'approvisionnement se multiplient dans les pharmacies, qui depuis le début de l'année sont passées de 6,5 % à 12,5 % du nombre de références, indique le Gers (groupement d'intérêt économique créé par les entreprises de l'industrie pharmaceutique).
Et c’est bien sûr la même tendance en Corse, observe Sandrine Leandri, pharmacienne et membre de l'Union régionale des professionnels de santé (URPS) du secteur pharmacie. 

Une pénurie constatée sur de nombreux médicaments, dont certains essentiels, avec des délais pouvant atteindre plusieurs semaines selon les traitements. "Dans ces cas-là, on essaie de trouver des solutions de substitution en remplaçant un médicament par un autre. Ce qui n’est pas toujours simple." détaille l'apothicaire  qui déplore des problématiques "récurrentes" qui s'aggravent depuis le début de l'année. "On découvre les produits qui manquent au jour le jour, alors on essaie de s'organiser comme on peut et souvent on trouve des solutions alternatives, via les génériques notamment."

Même si la plupart des clients font preuve de résilience, d'autres, souvent les plus  âgés, ne comprennent pas les pénuries, ni les changements d'emballages, de couleurs et peuvent refuser de prendre les génériques par peur de se confronter à des effets secondaires ou à une moindre efficacité, constate une pharmacienne de la région bastiaise, qui explique "qu'un long travail de pédagogie est alors nécessaire." 

Les patients suivants des traitements spécifiques sont nombreux à avoir vécu cette situation au comptoir de leur pharmacie. Ce lundi Julie a déjà fait le tour de 5 pharmacies de Bastia pour trouver un traitement qu'un ophtalmologue a prescrit à son fils. "On m'a dit que la plupart des pharmacies ont les mêmes fournisseurs, les mèmes distributeurs donc les mêmes ruptures de stock..." regrette la jeune maman qui ne voit pas d'autre solution que rappeler son médecin pour l'informer du problème.

Si les pénuries de médicaments qui contiennent certains types de molécules, moins utilisés par le grand public ne sont pas un phénomène nouveau, depuis quelques temps des manques sur une variété plus grande de produits est constaté par les pharmaciens. L'ANSM (Agence nationale de la sécurité du médicament) qui recense et met à jour les signalements, souligne que actuellement les médicaments les plus exposés sont "d'intérêt thérapeutique majeur", soit ceux qui agissent sur le système nerveux, les anti-infectieux et les anticancéreux. Ces derniers ne possèdent pas toujours de références équivalentes et il est donc compliqué de trouver des alternatives.

Mais quelle est la raison de cette pénurie ? 
Interviewé par 20minutes, Thomas Borel, directeur scientifique aux Entreprises du médicament, évoque le conflit en Ukraine qui désorganise les délais d’approvisionnement des matières indispensables au conditionnement du médicament ainsi que la hausse des prix des matières premières, comme l'énergie et l'aluminium, le carton et le verre sont en cause. 
Mais selon les apothicaires ce qui pèse le plus dans cette situation, c'est la délocalisation d'une partie de l'industrie pharmaceutique en-dehors de la France et de l'Union européenne qui a mis sous tension les chaînes d'approvisionnement en principes actifs. Et si l'encadrement du prix des médicaments a l'avantage de protéger le portefeuille des Français, face à des pays prêts à payer le prix fort, les pharmacies de l'hexagone sont les dernières a être servies.

Mais quelle solution alors ?
Selon la Fédération des Syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) la solution est celle de tendre vers la souveraineté sanitaire et relocaliser les industries pharmaceutiques en Europe. 
Pour ce faire, l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) et la FSPF demandent au gouvernement de supprimer l’article 30 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 jugé contradictoire avec les promesses de souveraineté d'Emmanuel Macron, car il prévoit une nouvelle mise en concurrence des médicaments. 
Pour chaque maladie, le gouvernement lancerait un appel d’offres sur l'offre de médicaments et les laboratoires seraient sélectionnés sur des critères comme le prix ou leur localisation. Un choix qui pourrait freiner le développement de l'industrie pharmaceutique française, qui ne pourrait pas rester compétitive face aux bas prix des Asiatiques. "Pour faire des économies, le ministère compte mettre en place des appels d’offres sur certains médicaments, le laboratoire le moins cher les remportera et il sera le seul à être remboursé, ce qui aggraverait la pénurie", craint Sandrine Leandri qui invite tous les patients et clients des officines  à signer la pétition disponible dans toutes les pharmacies de Corse, même si "grâce à la mobilisation de tous, le cabinet du ministre a contacté le Président de l’USPOpour lui notifier que le gouvernement souhaite abandonner la mise en place de l’appel d’offres dans le PLFSS 2023."