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La colère des médecins insulaires en conflit avec les CPAM et l'ARS de Corse


Philippe Jammes le Mercredi 11 Octobre 2023 à 17:06

Le Collectif des médecins de Corse est en colère. Les docteurs Frédéric Frau et Cyrille Brunel, porte-parole du collectif, déplorent aujourd’hui une fin de non-recevoir à leurs revendications qui les opposent aux CPAM de Haute-Corse et de Corse du Sud et l’ARS. Ils reviennent pour CNI sur ce conflit alors qu’une grève au niveau national est prévue ce vendredi 13.



Les docteurs F.Frau et C. Brunel très inquiets pour la santé en Corse.
Les docteurs F.Frau et C. Brunel très inquiets pour la santé en Corse.
- Docteur Brunel, quelles sont les inquiétudes partagées par la communauté médicale en Corse et les revendications des médecins ?
- En Corse, nous sommes de plus en plus préoccupés par la dégradation de l'offre de soins, la pénurie de médecins généralistes et spécialistes qui touche non seulement notre île, mais l'ensemble du pays. Le gouvernement semble, à nos yeux, manifester un certain mépris envers notre profession, et il semble vouloir instaurer un système de santé à deux vitesses. Ce que nous souhaiterions, c'est une plus grande confiance en notre profession, ainsi qu'une reconnaissance de la valeur de nos actes médicaux


- Le collectif créé en Haute-Corse aujourd’hui s’étend sur toute l’île ?
- Effectivement, à ce jour nous sommes 232 médecins généralistes et spécialistes de toute la Corse à faire partir de ce collectif créé en Haute-Corse en juin dernier.



On écoute le docteur Brunel
 



- Docteur Frau, face à ce blocage, quelles actions envisagez-vous ?
- Dans un premier temps on va se focaliser sur des actions dans le domaine administratif. Si nous ne sommes pas dans une action violente, ni pour pénaliser le patient, il faut tout de même qu’on arrive à faire bouger les choses. Ce n’est pas en mettant un brassard « médecin en grève » que ça va faire avancer les choses. Par contre en refusant certaines tâches administratives on va obliger les CPAM à traiter celles-ci comme le remplissage des feuilles de maladie ou les certificats d’arrêt de travail que du coup elles devront traiter. Tout ça pour leur montrer qu’on est important dans le système. On va leur montrer aussi par des actions simples que si elles refusent de valoriser les actes multiples en consultation, ça va retarder l’accès aux soins.


- Qu’est-ce qui pourrait débloquer la situation ?
- De nouvelles rencontres tout simplement ! Le minimum serait quand même de nous rencontrer pour nous expliquer pourquoi ils ont refusé les solutions qu’on leur proposait dont certaines n’entraînaient aucune dépense supplémentaire voire même parfois des fois des économies.


- Docteur Brunel, vous dénoncez aussi le ton un peu méprisant de la réponse par lettre ?
- Le mot pédagogie qu’ils emploient nous a vraiment irrités. Le mot a parfois même choqué certains de nos confrères. On veut nous donner des cours de pédagogie !! Pour eux leur solution est parfaite et disent qu’il faut qu'ils fassent preuve de beaucoup de pédagogie pour qu'on les comprenne... !


- L’ARS dans tout ça ?
- Elle décline une politique nationale qui est une vision verticale, une vision technico comptable de l’activité médicale qui ne correspond pas à ce que nous vivons tous les jours. Donc là aussi il y a une incompréhension et là aussi on aimerait bien arriver à se comprendre.


- Ce vendredi est journée de grève nationale, descendrez-vous dans la rue ?
- Ce n’est pas dans notre mentalité. On est très embêté de devoir bouger mais c’est pour mieux faire comprendre que quand un médecin bouge ça peut avoir des conséquences sur les patients. Notre lutte aujourd’hui est plus pour eux que pour nous. Nous on essaye de faire que la Corse ne soit un désert médical dans quelques années.


- Des problèmes qui se déclinent aussi sur le continent ?
- En France est en train de se lever un véritable tsunami. Les médecins sont de plus en plus nombreux au sein de divers mouvements, associations ou syndicats. 20 000 par ci, 5000 ailleurs, le mouvement de colère enfle tous les jours. Tout en haut de la pyramide le gouvernement conçoit le travail d’une certaine façon et puis il y a la réalité du terrain qu’on palpe nous. C’est pour ça que leurs mesures ne peuvent pas marcher car elle ne tiennent pas compte de la relation médecin/malade, de la difficulté de l’accès aux soins et sa qualité. En Corse tout ceci est aggravée par l’insularité et la très grande précarité.


-Vous avez reçu le soutien de tous les groupes de l’assemblée de Corse ?
- L'ensemble des groupes politiques de l'assemblée de Corse a en effet publié un communiqué le 5 octobre dernier faisant état de leur entier soutien à la profession et à ses revendications. Dans leur lettre, ils demandent, je les cite - sans délai, une réponse de l'ARS et des CPAM de Corse sur les différents points : simplification administrative, renforcement de l'attractivité et augmentation des capacités d'adaptation de la profession-. On a également rencontré la CDC qui elle aussi nous apporte son soutien dans toutes ses composantes. Soutien aussi de l’ensemble des collectivités, des médecins du continent et de tous les syndicats. Avec les usagers ça va prendre la forme d’une adhésion totale de l’ensemble des composantes insulaires.