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L’huile essentielle d’immortelle de Corse fait le pari de la qualité


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Jeudi 18 Janvier 2024 à 15:54

La démarche d’obtention d’une IGP pour l’huile essentielle d’immortelle de Corse vient de franchir une nouvelle étape, à l’occasion de l’Assemblée générale de l’APROHEC du 16 janvier dernier : un long processus qui permettra à ce produit phare de notre île, enfin muni de ce signe de qualité si convoité, de lutter plus efficacement contre la difficile concurrence européenne.



Crédit photo Michel Dubost
Crédit photo Michel Dubost
Mardi 16 janvier, l’Assemblée générale de l’Association des producteurs d’huiles essentielles de Corse a approuvé à l’unanimité les principaux documents constituant le dossier de demande d’une IGP pour l’huile essentielle d’immortelle de Corse. « Ça s’est très bien passé ! On a dit « on dépose le dossier ! , se félicite Michel Dubost, le Président de l’association. Restent juste quelques retouches de détail à réaliser… Ce n’est donc plus qu’une question de jours. C’est un soulagement pour tout le monde ! ». Un soulagement, parce que la compétition est rude ! Si la Corse est le berceau naturel de l’helichrysum italicum italicum, la plante pousse en effet tout autour de la Méditerranée, même si la composition de l’huile essentielle qu’on en extrait – et donc ses vertus – varient en fonction de l’environnement géographique. Les producteurs européens d’huile essentielle se livrent donc une concurrence acharnée ! Et sur l’île, la profession souffre. La validation de cette nouvelle étape dans l’obtention de ce signe de qualité – IGP pour “Indication Géographique Protégée” – est donc une excellente nouvelle.


Un processus long… mais incompressible !
Mais tout n’est pas terminé pour autant : « Maintenant, va commencer la phase d’instruction du dossier », précise Michel Dubost. Et ce n’est pas peu dire : l’INAO national (Institut National des Appellations d’Origine) va examiner le dossier dans le détail, pour s’assurer que tout est complet et conforme, avant de nommer une commission d’enquête. « Elle viendra nous poser des questions sans doute d’ici la fin de l’année : questions à chaque producteur, également à l’association, collectivement. Ils vont se faire leur idée du dossier, clarifier les choses. Après la remise de leur rapport à l’INAO, il faudra sans doute qu’on réponde encore à de nouvelles questions. Il faut être patient ! » La démarche est longue et contradictoire : mais n’est-ce pas le gage du sérieux de l’enquête ? Une fois cette nouvelle étape franchie, l’INAO lancera une procédure nationale d’opposition : deux mois durant, tous ceux qui ont quelque autorité sur le sujet sur le territoire français – groupements d’agriculteurs, institutions publiques… –, auront la possibilité d’adresser des remarques susceptibles de remettre en cause le dossier. Remarques auxquelles l’APROHEC sera tenue de répondre. En parallèle, l’association devra choisir un organisme de contrôle indépendant dont le dossier sera également transmis à l’INAO. Ce n’est qu’une fois toutes ces démarches accomplies – dans le meilleur des cas vers la fin 2025 ou le début 2026 – que l’organisme national prendra la décision finale. « A ce moment-là, notre cahier des charges s’imposera et la protection de l’IGP s’appliquera au niveau national. Nous aurons alors le droit d’inscrire “huile essentielle d’immortelle de Corse, IGP” sur les produits », explique Michel Dubost.


Une nouvelle procédure pour une application au niveau européen
L’IGP ne s’entendra alors que sur le territoire national. Pour se prémunir contre la concurrence des autres pays européens – notamment l’huile produite dans les Balkans – il faudra réitérer la procédure. « Si la France a bien fait son travail, comme s’est généralement le cas, nous n’aurons pas trop de questions. » En revanche, la procédure d’opposition sera plus longue – trois mois – avec un dossier traduit dans les 27 langues de l’Union européenne et adressé à l’ensemble des ministères de l’agriculture des pays membres. « Il faut avoir conscience qu’on n'est pas encore sorti ! Mais nous allons nous donner tous les moyens pour être prêts le jour où l’IGP va nous être accordée au niveau européen, insiste le Président de l’APROHEC. Parce que, si l’IGP est un outil indispensable qui nous permettra de redresser la situation actuellement catastrophique sur le marché, il ne sera probablement pas suffisant. Il faudra monter collectivement en gamme, en qualité, être au top ! »

Crédit photo Michel Dubost
Crédit photo Michel Dubost
Renouveler la commercialisation des produits
Dans cet esprit, l’Association œuvre dans deux directions complémentaires. Elle cherche, d’une part, à améliorer les capacités de commercialisation des produits, au niveau individuel mais aussi collectif. « On a décidé d’étudier la faisabilité d’un organisme commun de mise en vente, sous la forme d’une coopérative, par exemple, ou d’une SICA. Cela permettrait de déboucher sur de nouveaux marchés sur lesquels nous ne sommes pas présents, ou très peu. » Mais il ne s’agit pas d’opposer les démarches commerciales des producteurs pris individuellement et ce système collectif : seule une partie de la production de chacun serait commercialisée dans ce nouveau cadre. « C’est important de conserver des ventes directes par les producteurs : pour plus de diversification, pour l’innovation et la créativité qui viennent de l’initiative individuelle. Et puis la structure pourrait également commercialiser d’autres produits : des hydrolats, des huiles essentielles… pour aller vers une gamme de produits d’huiles essentielles de Corse, par exemple… ». Cette démarche aurait la vertu d’apporter une capacité de pénétration du marché plus importante.


Monter en qualité et s’appuyer sur des démarches scientifiques
La seconde piste explorée par l’APROHEC est celle de la montée en gamme. « Nous allons travailler avec l’ODARC et l’INTERBIO Corse pour recenser de façon détaillée les pratiques actuelles des producteurs. En faire une sorte de cartographie. Et également, les problèmes au niveau des cultures : à terme, l’INTERBIO pourrait faire un suivi technique ». L’objectif est de produire plus et mieux. « Quand on aura l’IGP, il faut être capable d’avoir une production en quantité et de qualité. Nous allons poursuivre le travail avec l’Université de Corse et l’ODARC, dans le cadre de la convention tripartite de quatre ans que nous avons avec eux, jusqu’en 2026. Dans ce cadre, nous allons améliorer les pratiques culturales et les modes de distillation. » Les producteurs sont partants : en 2023, ils se sont pratiquement tous portés volontaires pour fournir des échantillons nécessaires à des analyses. « Nous réalisons une sorte de monitoring de la qualité de nos huiles ! ». L’association poursuit également son travail de recensement des publications scientifiques sur le sujet, en liaison avec un groupe de professionnels de la santé, notamment l’AFAC – Association Française d’Aromathérapie Clinique – et la Fondation Gattefossé. Cette dernière assure en particulier la formation des praticiens hospitaliers utilisant les huiles essentielles dans les soins d’accompagnement, et a également élaboré un guide méthodologique pour la réalisation des essais cliniques. « C’est fondamental pour nous ! Nous voulons nous baser sur une approche validée scientifiquement » Car rien ne vaut le fait de prouver les bienfaits de notre huile corse ! L’association travaille à définir les essais cliniques qui seraient nécessaires pour y parvenir.


Faire bien… et le faire savoir !
Enfin, rien ne sert de faire bien et mieux si la clientèle potentielle ne le sait pas : la promotion est essentielle. « Dès maintenant, nous devons informer les Corses, mais aussi les continentaux. Nous allons réaliser un flyer pour expliquer la démarche, préparer les esprits des acheteurs sur le fait que notre produit va être labellisé… sur ses propriétés, ses caractéristiques. En complément, nous allons réaliser un site Internet. »

Créée il y a seulement un peu plus d’un an et demi, l’APROHEC regroupe aujourd’hui 56 % des terres cultivées en immortelle et près de 60 % de l’huile essentielle d’immortelle produite en Corse – si l’on tient compte à la fois des adhérents et de ceux qui sont prêts à franchir le pas. Une très bonne représentativité, donc, si l’on en juge par les dires de l’INAO. Les adhésions sont en constante augmentation. L’obtention de l’IGP devrait encore renforcer sa présence sur notre territoire.
Crédit photo Michel Dubost
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