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L'autre diner parisien qui met la Corse en vedette lundi 26 février


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Jeudi 22 Février 2024 à 08:06

Lundi 26 février, au Salon International de l’Agriculture, aura lieu le désormais traditionnel grand dîner, qui, depuis quelques années, offre une tribune à la gastronomie française. Cette année, la Corse est à l’honneur. Ses produits, mais plus encore, sa gastronomie, vont ainsi pouvoir bénéficier de cette vitrine internationale exceptionnelle.



Alessandro Capone, désigné en 2019 meilleur Jeune Talent de France par le prestigieux Gault&Millau
Alessandro Capone, désigné en 2019 meilleur Jeune Talent de France par le prestigieux Gault&Millau
Organisé par le Club de la Table française, le grand dîner du Salon international de l’Agriculture reste relativement peu connu du grand public. Et pourtant, cette manifestation qui réunit de l’ordre de 250 convives, est un lieu choisi pour faire découvrir les trésors de la gastronomie à nombre de décideurs. On y retrouve le monde politique avec ses élus et ses ministres, des journalistes et critiques gastronomiques, mais également des chefs cuisiniers, des agriculteurs, des transformateurs, des représentants de filières agricoles venus de toute la France… et également de l’autre côté des frontières : le Salon mérite bien son qualificatif “d’international” ! Aussi, pouvoir y démontrer la qualité de sa cuisine et de ses produits est-il un privilège envié… Un privilège qui, cette année, échoit à la Corse. Un hasard ? Pas du tout.


Les suites de la venue en Corse de l’ancien chef des cuisines de l’Élysée
Tout a commencé en mai dernier, à l’occasion de la visite en Corse de Guillaume Gomez, ancien chef des cuisines de l’Élysée et représentant personnel du Président de la République pour la gastronomie. « Avec sa venue, nous avons eu un contact privilégié, se rappelle Joseph Colombani, Président de la Chambre d’agriculture de Haute-Corse. Nous lui avons fait visiter plusieurs élevages de vitellettu : un produit qu’il a découvert, qu’il a pu goûter… Or c’est Guillaume Gomez qui organise ce grand dîner : nous lui avons demandé de nous ouvrir la possibilité de présenter un menu corse à cette occasion. Et il a accepté avec beaucoup d’enthousiasme… du moment que nous assurions l’intendance. »

De la structuration de la filière bovine… à l’assiette
Avec cette opportunité, la Corse est gagnante à plus d’un titre. Tout d’abord parce que le vitellettu qui aura la vedette dans le menu, est un élément central dans le projet de structuration de la filière bovine : un projet qui remonte aux Assises de l’élevage organisées à Corti, en 2013, par la Chambre d’Agriculture. Il articule la filière autour de trois segments de produits : un veau, ou manzu, fini à la céréale, qui répond à une marque de produits bovins corses ; un veau de race croisée ou même exogène, mais qui est né et élevé en Corse, le vitellu ; et enfin ce fameux vitellettu, un petit veau de race corse. Et dans ce cadre, on réfléchit déjà à des signes officiels de qualité pour les appellations de vitellu et de vitellettu… « La race corse a été définie en 2016 grâce à des recherches génétiques, explique Joseph Colombani. Cette enquête a démontré que parmi les 98 races bovines identifiées en Europe, la race corse présente la typicité d’avoir le plus de points communs avec la Brune de l’Atlas marocain. Et nous pensons que ce vitellettu issu de la race corse, a toute sa place dans la haute gastronomie internationale. Le grand dîner est justement l’occasion de le faire connaître à ce niveau international ».

De quoi mettre l’eau à la bouche
Le menu va ainsi permettre aux convives de découvrir cette viande de choix, autour du fromage corse, du brocciu et du vin de l’île – des produits qui, eux, sont généralement mieux connus… Et c’est un chef corse, Alessandro Capone, désigné en 2019 meilleur Jeune Talent de France par le prestigieux Gault&Millau, qui a concocté les recettes destinées à mettre le vitellettu à l’honneur : « Le but, c’est de travailler le veau en trois façons pour exploiter le maximum de parties de la bête », explique-t-il. Ainsi, trois plats seront proposés : des tripettes à la clémentine AOP – « pour donner un ton un peu plus élégant à cette partie-là », précise-t- il. L’idée est de faire découvrir les abats qui sont peu connus du public : ils seront confits puis servis dans une coque de clémentines. Viendront ensuite les parties nobles, avec le filet, le quasi, la noix pâtissière, servies en croûte de noisettes de Cervioni. Enfin, les épaules et gigots qui seront confits, pressés, puis détaillés et caramélisés aux agrumes… De quoi faire venir l’eau à la bouche ! Les recettes seront mises en œuvre au Salon par des “meilleurs ouvriers de France”. Alessandro Capone qui tient, à Follelli, le restaurant I Fuletti, avait déjà travaillé le veau sous la mère pour la venue de Guillaume Gomez, à l’occasion d’un dîner offert à l’hôtel Les Mouettes d’Aiacciu : « Avec des petits pois sauvages et des cerises, en fonction de ce que la nature nous offrait à cette époque de l’année », précise-t-il. Le respect des saisons, c’est important pour ce chef dont l’ambition est « de contribuer à faire connaître les richesses de la faune et de la flore corses. Je suis un fervent défenseur des produits de l’île. Je ne travaille pratiquement qu’avec des produits corses. C’est une question à la fois d’économie locale et d’idéaux. Notre gastronomie n’a rien à envier à celle de la France, de l’Europe ou du monde ! Mon continent, c’est la Méditerranée. Et la Corse est au centre ! »

Au-delà des produits corses, la gastronomie de notre île
Car c’est la deuxième facette de ce grand dîner : « Il a aussi pour fonction de mettre en avant une nouvelle génération de chefs corses qui ont appris à travailler en revisitant les classiques de notre gastronomie, ajoute Joseph Colombani. Ce sont des chefs qui veulent travailler à partir de produits corses. » Une dizaine d’éleveurs motivés, de Haute-Corse et de Corse-du-Sud, ont fourni les veaux pour le dîner. « On a fait abattre trois veaux vitellettu, précise Philippe Flori dont l’exploitation a fourni le plus grand nombre d’animaux. Ils voulaient une trentaine de kilos de pièces nobles, une trentaine également d’épaules et d’avant, une quinzaine de kilos d’abats et une vingtaine de kilos de pieds. Il leur fallait également cinq kilos de panzetta fraîche de cochon fermier et 2 kilos d’affinée : la panzetta provient de l’exploitation de ma femme, Casa Serena, à Cavru. Et pour finir, 500 grammes de feuilles d’olivier bio, de l’Ortu di San Ghjuva, à Cavru également. Nous avons préparé tout ça dans notre atelier et c’est parti au Salon par la Casincaise. »
L’éleveur se félicite de cette opportunité : « C’est une grosse porte qui s’ouvre pour nous. Ils veulent goûter la viande corse : c’est la concrétisation du projet que nous avons mis en route pour le vitellettu, avec la Chambre d’Agriculture. C’est quand même un salon international, le plus gros salon représentant des agriculteurs. L’opération peut nous ouvrir des portes sur de nouveaux marchés, avec l’occasion de valoriser cette viande qui a longtemps été délaissée, oubliée… Et puis, c’est notre patrimoine, nos recettes ! »


Un double enjeu
« L’enjeu de ce dîner pour l’agriculture corse est évident, explique Joseph Colombani. Mais il y a également un enjeu pour le tourisme : on sait qu’il y a toujours une dimension culinaire dans toute démarche touristique… Et si Guillaume Gomez connaissait déjà les produits corses, il ne connaissait pas forcément la nouvelle gastronomie corse ! Dans le monde entier, les produits corses sont connus. Mais il faut franchir une étape supplémentaire : au-delà des produits, faire connaître notre gastronomie. Alors rien de mieux, comme tremplin, que ce grand dîner, avec sa dimension internationale. »