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« L’Office foncier de la Corse sera opérationnel dès janvier »


Nicole Mari le Samedi 6 Décembre 2014 à 21:13

L’assemblée de Corse (CTC) a, vendredi, après un très long débat de huit heures sur sa localisation, porté l’office foncier de la Corse sur les fonds baptismaux en lui conférant des statuts spécifiques, un siège provisoire à Ajaccio et des moyens de fonctionner. Installé dès janvier, il sera immédiatement opérationnel pour mettre en œuvre des stratégies foncières favorisant le logement tout en luttant contre la spéculation immobilière. Explications, pour Corse Net Infos, de Maria Guidicelli, conseillère exécutive en charge des questions foncières et du PADDUC (Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse), présidente de l'agence d'aménagement, de planification et d'urbanisme, qui revient, également sur la polémique du siège.



Maria Guidicelli, conseillère exécutive en charge des questions foncières et du PADDUC (Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse), présidente de l'agence d'aménagement, de planification et d'urbanisme de la Corse.
Maria Guidicelli, conseillère exécutive en charge des questions foncières et du PADDUC (Plan d'aménagement et de développement durable de la Corse), présidente de l'agence d'aménagement, de planification et d'urbanisme de la Corse.
- La mise en place de l’Office foncier connaît du retard. Avec le vote des statuts est-elle enfin sur les rails ? 
- Oui ! Enfin ! Ce vote est une phase importante de mise en place d’un outil qui a été décidé et voulu par la CTC dans le cadre de sa réflexion sur une politique foncière et du logement. Il n’y en avait pas ! Nous avons désormais plusieurs cordes à notre arc. L’Office foncier a été, c’est vrai, soumis à quelques retards qui ne relevaient pas de la CTC, mais étaient liés au cadre et au contexte législatif.
 
- C’est-à-dire ?
- Nous voulions un outil dont la CTC pouvait avoir la gouvernance et qui soit adapté à la spécificité des problèmes du foncier en Corse et, donc, au problème spéculatif. Ceci n’a été possible qu’au prix de la loi ALUR de mars 2014 qui a acté cet établissement public industriel et commercial (EPIC). Il est maintenant possible de l’installer comme il se doit, dès le mois de janvier. Il sera opérationnel immédiatement.
 
- Comment sera-t-il composé ?
- Conformément aux statuts, le Conseil d’administration comprend quatre membres : 27 membres avec voix délibératives et 27 membres avec voix consultatives. Pour les premiers, la loi exige que les élus de la CTC soient majoritaires dans le Conseil d’administration. Il comprendra, ensuite, des élus des deux Conseils généraux, des deux Communautés d’agglomération, des représentants des communes et des intercommunalités.
 
- Pourquoi, lors du débat, des élus ont-ils insisté sur la nécessité d’impliquer les Intercommunalités dans le dispositif ?
- C’est un échelon important puisque que la Corse est couverte d’intercommunalités. Toutes les communes seront, ainsi, représentées, via leurs intercommunalités. Il fallait, aussi, j’en ai moi-même fait la proposition, donner une place aux deux Communautés d’agglomération d’Ajaccio et de Bastia. Ce sont les seules à être dotées d’un Programme local de l’habitat (PLH). Le programme pluriannuel d’intervention de notre futur Office foncier sera déterminé par ces fameux PLH qui sont fondamentaux puisqu’ils fixent les objectifs en matière de construction de logements sociaux. Il est, donc, essentiel, que les Communautés d’agglomération soient parties prenantes du dispositif.
 
- L’Office a besoin d’un budget de fonctionnement. Pour cela, vous allez taxer les Corses ! Quelle taxe supplémentaire vont-ils payer ?
- Non ! Soyons plus modérés dans le propos ! Tous les établissements fonciers d’Etat, ailleurs en France, ont, comme recette principale, la Taxe spéciale d’équipement (TSE). C’est une taxe additionnelle aux taxes locales que sont les taxes d’habitation et les taxes foncières. Nous avons, bien évidemment, le souci de ne pas augmenter la pression fiscale sur les Corses. Ceux, qui sont exonérés de taxes foncière et d’habitation, le seront également de la TSE. Nous avons, donc, fait un certain nombre de simulations. Si, nous considérons que cette taxe pourrait produire une recette de l’ordre de 3 millions €, cela représenterait pour un contribuable entre 1 à 10 € par an et par foyer fiscal. Ce chiffre est, quand même, dérisoire ! Dire que nous allons taxer les Corses, c’est un peu réducteur !
 
- L’Office aura-t-il d’autres recettes ?
- Oui ! La TSE ne sera pas la seule et unique recette. Elle a un effet d’entrainement. Elle va, ainsi, nous permettre d’obtenir d’autres moyens financiers. Il y aura, bien évidemment, des emprunts bancaires et des dotations qui pourront provenir de la solidarité nationale et de la Communauté européenne. Pour la Corse, nous bénéficions, au démarrage, d’un moyen spécifique : une dotation de 30 millions € liée au PEI (Plan exceptionnel d’investissements). Elle est inscrite dans la convention d’application du PEI : 15 millions € seront abondés par l’Etat et 15 millions € seront abondés par la CTC.
 
- La localisation du siège de l’Office a déclenché une longue polémique. Pourquoi toujours choisir Ajaccio ?
- J’ai donné ma position très clairement ! J’ai proposé Ajaccio parce que nous sommes en train de mettre en œuvre un outil nouveau qui a été pensé, construit et est en cours de préfiguration grâce à l’implication forte, d’une part, de l’agence de l’urbanisme. Cette agence est à l’origine de l’assistance à maîtrise d’ouvrages visant à mettre en place le fameux programme pluriannuel d’investissement. D’autre part, nous nous sommes appuyés sur des ressources humaines, pour tout dire le directeur de l’ADEC (Agence de développement économique de la Corse) qui est le préfigurateur de l’outil et est basé sur Ajaccio.
 
- Combien de personnels comptera l’Office ?
- Nous considérons que, dans la phase de démarrage, nous n’avons pas vocation à doter cet outil d’un personnel pléthorique. Dès l’année 2015, nous n’aurons pas plus de cinq personnes dans cet office. Il faut mutualiser les moyens. L’agence de l’urbanisme a des moyens qu’elle pourrait mettre à disposition, y compris, d’ailleurs, des locaux. Ma proposition de localiser l’Office à Ajaccio est pragmatique et répond à un souci d’optimisation de nos ressources humaines.
 
- Les élus ont voté pour une localisation provisoire. Mais le siège à Ajaccio ne sera-t-il pas, dans les faits, définitif ?
- Ajaccio n’est pas une localisation forcément définitive. Nous avions laissé la possibilité, par délibération du Conseil d’administration de l’Office, d’éventuellement positionner le siège de manière évolutive. Y compris, pourquoi pas sur Bastia, sur Corte ou peut importe où ! Je considère qu’il ne faut pas se localiser sur la question du siège, qu’il faut être efficace et réactif. La meilleure façon d’être réactif est d’agir avec les moyens dont nous disposons et qui sont, d’ores et déjà, en place. Cet outil n’a pas vocation à être implanté en un seul et unique lieu. Il doit avoir une antenne de plein exercice. Si son siège devait être à Ajaccio, l’antenne pourrait être à Bastia ou vice-versa. Je n’en fais pas un problème rédhibitoire. Ce n’est pas une fin de non-recevoir !
 
- L’implantation d’un outil territorial ne procède-t-elle pas, comme le disent de nombreux élus, et pas seulement du Nord, de l’aménagement du territoire ?
- Je ne nie pas l’argument, qui consiste à dire qu’il faut avoir, dans ce choix, présentes à l’esprit les questions d’aménagement global du territoire à l’échelle régionale ! Cette réflexion, il faut effectivement que nous l’ayons, mais, alors, d’une manière générale ! Regardons comment le territoire de la Corse évolue ! Comment les projets de territoire se construisent ? Où sont implantés les différents équipements ? Quelles perspectives offre-t-on à tous les territoires de Corse, du plus profond de la Castagniccia jusqu’au cœur des villes ? Ayons une réflexion d’ensemble !
 
- Cette nouvelle polémique, après celle de la CCI, ne cache-t-elle pas, comme l’affirment les Nationalistes, un manque de vision de l’équilibre des territoires ?
- C’est un peu dommage que, sur le simple sujet de l’office foncier qui, à terme, représentera une structure de pas plus de 10 personnes et ne remettra pas fondamentalement en cause les équilibres territoriaux, on passe sur le vrai débat de l’intérêt de cet office. L’intérêt de mettre en place des logements sociaux, de maîtriser le foncier à moindres coûts pour réguler les mécanismes spéculatifs et d’aider les collectivités qui veulent répondre aux besoins sociaux de leurs administrés !
 
- Vous parlez de mutualisation des moyens. Les dix futurs personnels de l’Office seront-ils transférés de la CTC ou de ses agences ou seront-ils embauchés ?
- Les transferts supposent que les autres agences ou offices aient du personnel pour fonctionner ! Il faut un directeur à l’office foncier. On ne transférera pas un directeur, s’il n’est pas remplacé ailleurs ! Il y aura des embauches, c’est évident ! Cela ne me paraît pas révolutionnaire pour un outil qui va gérer près de 30 millions € et qui aura fort à faire. Ce, dès le premier semestre de l’année 2015 puisqu’il faudra élaborer la programmation pluriannuelle des investissements. Des questions juridiques et financières se poseront. Cela suppose à minima un personnel spécialisé en droit de l’urbanisme, en droit fiscal, sur des questions financières. Partout ailleurs, les établissements fonciers d’Etat fonctionnent en rythme de croisière, de manière tout à fait normale, avec une douzaine de personnes.
 
Propos recueillis par Nicole MARI