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L'Assemblée de Corse adopte à l'unanimité le projet d'un centre hospitalier universitaire


le Jeudi 26 Octobre 2023 à 14:58

Réunis en session ordinaire à Aiacciu, les élus de l'Assemblée de Corse ont validé ce jeudi le projet de voir naître en Corse un CHU multi-sites sur une échéance de dix ans. Il reste maintenant à convaincre Paris.



L'Assemblée de Corse soutient pleinement la création d'un CHU en Corse. PHOTO ARCHIVES
L'Assemblée de Corse soutient pleinement la création d'un CHU en Corse. PHOTO ARCHIVES

La Corse est la seule région de France à ne pas disposer de CHU. En 2019, le taux de recours aux soins hors Corse était d’environ 20 % en moyenne sur l’ensemble de l’île. Selon des données fournies par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), près de 26 000 trajets depuis la Corse vers le continent, pris en charge par la CPAM, ont été comptabilisés en 2017. Au total, le coût de ces trajets remboursés s’est élevé à plus de 30 M€. 

Et ce jeudi 26 octobre à Aiacciu, en introduction de cette délibération "qui (lui) tient à cœur", Bianca Fazi, la conseillère exécutive de l'Assemblée de Corse en charge de la santé, a rappelé les maux dont souffrent les Corses en matière d'accessibilité aux soins : "Nous avons une population vieillissante, avec souvent la complexité de prise en charge de maladies chroniques. Nous avons une saisonnalité qui complique la prise en charge des patients. Nous manquons de médecins, notamment dans l'intérieur de l'île. La démographie médicale est déclinante, nous peinons à recruter des spécialistes. Nous avons le plus faible ratio de lits par habitant".

La Corse et les Corses sont à la croisée des chemins, abonde Jean-Marc Borri, de Fà Populu Inseme : "Sans le CHU, l'injustice serait encore accrue, avec une dégradation démographique médicale et un accès aux soins rendu encore plus difficile. Ce serait une situation catastrophique, en particulier dans le rural. Avec un CHU, on serait pourvu du moyen le plus sûr pour porter à un niveau élevé l'offre de soins à laquelle la population a droit et aussi pour lutter contre la désertification médicale."

Le CHU, par sa vocation, remplirait en Corse une triple mission de soins, d'enseignement et de recherche, les deux dernières favorisant l'attractivité du territoire à destination du corps médical et scientifique. "La crise sanitaire nous a amenés à constater les limites de fonctionnement du système de santé piloté par Paris, estime Bianca Fazi. Un système basé sur la tarification à l'activité, qui favorise la quantité des soins au détriment de la qualité." La conseillère plaide donc pour un projet corse "expérimental, résolument axé sur les services aux territoires." Ce CHU voulu par l'exécutif corse serait donc multisite, "inspiré du modèle réunionnais", associant établissements publics et privés.

Multisites ?

Cet aspect atypique d'un CHU multisite a inquiété quelque peu Jean-Christophe Angelini. S'il soutient bien évidemment la démarche déjà portée au niveau national par le député Paul-André Colombani issu de ses rangs, le président du groupe Avanzemu estime que se conformer à un CHU qui serait basé dans le chef-lieu de région donnerait plus de chances de voir la requête aboutir, "au regard de la législation en la matière". Ce n'est pas l'avis de Jean-Marc Borri, de Fà Populu Inseme : "Ce qui fait l'originalité de ce CHU, c'est qu'il sera multisite. C'est son gage de réussite, car ce modèle est en rupture avec le modèle qui montre ses limites sur le Continent depuis des décennies." Le débat "rappelle, il y a 42 ans, les discussions sur le lieu d'implantation de l'université de Corse", note la présidente de l'Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis.

Evelyne Galloni d'Istria (Fà populu Inseme) insiste sur les vertus universitaires d'un futur centre hospitalier en Corse : "En établissant un CHRU, nous permettrons à nos étudiants médecins de compléter leur premier cycle d'étude médicale sans quitter la Corse. Cette implantation est la réponse la plus efficace au problème de démographie médicale. Ce CHRU nous permettrait de former sur place la prochaine génération de professionnels de santé dont la Corse a tellement besoin."

Du côté des élus d'Un Soffiu Novu, on balance plutôt dans le "oui, mais...". Comme l'illustrent les propos tenus par Cathy Cognetti-Turchini : "Nous sommes bien conscients que la création d'un CHU permettrait de faire de la recherche et suivre des études en médecine sur place et dans leur intégralité. Mais là où ailleurs en France, un CHU concentre toutes les spécialités, chez nous il faudra agréger les hôpitaux et les cliniques, sur plusieurs sites, voire nouer des partenariats avec des établissements continentaux pour pouvoir disposer du socle nécessaire." Selon l'élue d'Un Soffiu Novu, il convient d'abord de moderniser les infrastructures existantes, voire d'en créer localement là où le besoin se fait sentir : "Il y a des paliers à franchir avant la création d'un CHU. Je pense à l'hôpital de Bastia et concernant lequel les Corses sont en droit d'attendre beaucoup mieux... Il en est de même pour une antenne médicale en Plaine orientale..." 

Josepha Giacometti rappelle de son côté qu'un CHU en Corse  "est une revendication très ancienne que nous avons portée à Corsica Libera. Aujourd'hui le CHU, c'est une évidence pour la Corse, mais pas une évidence de l'autre côté de la mer...  Lorsque Emmanuel Macron est venu, il a eu très largement le temps d'évoquer le CHU. Et pourtant, il n'en a pas dit un mot. Je pense que c'était volontaire, car il a évoqué d'autres besoins en matière de santé." Et la seule élue de Corsica Libera de l'hémicycle d'évoquer la perspective "d'un rapport de force et d'une mobilisation" en faveur de la création d'un CHU corse. 

Convaincre "de l'autre côté de la mer"
Pour rappel, en février, l'ancien ministre de la Santé, François Braun, avait freiné les ardeurs du Dr Paul-André Colombani, qui l'avait alerté, via une demande écrite, sur la nécessité de doter la Corse d’un tel établissement de santé. "S'agissant de la prise en compte de l'insularité et de critères de plus grande accessibilité aux soins et de réduction de la perte de chances, le développement de filières régionales et/ou d'hyperspécialités articulées avec des partenaires continentaux paraît la voie la plus opérationnelle à court terme, avec effectivement en perspective l'universitarisation de ces filières", avait répondu l'ex-ministre au député Colombani. 

Les élus de l'Assemblée de Corse espèrent désormais que cette délibération adoptée à l'unanimité pèsera de tout son poids dans les discussions à venir avec Paris : "L'objectif est de présenter ce projet devant le ministre de la Santé (Aurélien Rousseau), au cours d'un rendez-vous que nous espérons rapide. Puis, dans un second temps, d'obtenir le déclenchement d'une mission de l'inspection générale des affaires sociales en Corse, préalable à toute création de CHU. Enfin la création doit être actée par décret des ministres de la Santé et de l'Enseignement supérieur", détaille Bianca Fazi. Et dans l'éventualité où le projet recevrait le feu vert espéré, "le projet se construira sur le long terme, visiblement sur une échéance de dix ans."