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Journées du patrimoine : un mythe européen


Jacques RENUCCI le Vendredi 14 Septembre 2018 à 16:22

A travers le partage culturel, la Communauté veut créer une citoyenneté européenne. Un pari difficile à tenir...



Journées du patrimoine : un mythe européen
L'an dernier, au plan national, les journées du patrimoine avaient attiré 12 millions de personnes, dont une bonne partie n'a pas l'habitude de fréquenter les lieux dits culturels. Encore que, dans ce contexte, la culture soit entendue au sens large d'ensemble de biens communs, qu'ils appartiennent au domaine de l'art, de l'architecture, de l'histoire, de l'industrie ou du paysage.   

Pour cette trente-cinquième édition, l'Europe a choisi pour thème « l'art du partage » : l'élément patrimonial dépasse son ancrage local et historique pour devenir lieu d'échange, de confrontation pacifique et de dialogue. 

Les journées du patrimoine restent fidèles à elles-mêmes : elles offrent à un public varié l'accès à des endroits significatifs. On peut noter que, lorsqu’ils en ont l'occasion, les curieux privilégient la visite de ce qui est d'ordinaire interdit, comme les lieux de pouvoir. Pour parcourir le palais de l’Élysée, par exemple, il y a d'ordinaire des files d'attente interminables et des heures debout avant d'accéder au saint des saints. 

 

 

Mais cette année, les journées prennent un tour plus politique et presque pédagogique. Dans la pluralité de leurs offres, elles sont là pour affirmer ce qu'il y de commun dans l'aventure européenne, au-delà des conflits passés et des tensions actuelles. L’ignorance divise, la connaissance rapproche. C'est sur ce postulat que l'Europe veut enfin mettre en place la citoyenneté communautaire, bien mise à mal par l'égoïsme des peuples et les poussées souverainistes en tous genres – et à ce titre on mesure combien les pays nouveaux entrants n'ont pas la culture européenne.... 

  

Une autre lecture de l'histoire 

  

C'est l’Europe économique, apparaissant comme dictatoriale et peu soucieuse de l'individu, qui pousse à l'euroscepticisme. La Commission mise donc sur la culture pour créer un tronc commun d'appartenance, bref une identité européenne, cette identité que les pères de l'Union ont souhaitée dès le début de l'aventure. A travers le patrimoine, on lance en quelque sorte des passerelles sociales destinées à faire envisager l'avenir avec sérénité et optimisme. 

Comment effectuer le passage de ce qui divise à ce qui rapproche ? En ayant une lecture de l'histoire sous d'autres perspectives, plus globales, moins conflictuelles. Cela sera difficile. La mémoire des peuples, pleine de traces de luttes, laisse peu de place à l'esthétique. Quand on regarde une citadelle, si harmonieusement construite qu'elle soit, on pense à son efficacité en cas de bataille. Il est difficile de se persuader qu'on n'en est plus là, et surtout qu'on n'en sera plus jamais là. Si partage il y a , c'est donc celui d'un patriotisme d'un nouveau genre, frontières estompées et drapeaux au placard. 

On voit ce qu'a de fragile, voire de factice, cette enjambée civilisationnelle que l'Europe nous propose – pour un week-end - au delà des États-nations, des positionnements religieux revigorés et des protectionnismes de toute sorte. 


Le Palais Lantivy (Archives CNI)
Le Palais Lantivy (Archives CNI)