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Jean-Guy Talamoni : « Le changement le plus important de cette mandature est notre manière de faire »


Nicole Mari le Mardi 13 Décembre 2016 à 18:40

Plus qu’un traditionnel discours d’ouverture, c’est un discours d’anniversaire que le président Jean-Guy Talamoni a prononcé lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse qui se tient, date symbolique, le jour du premier anniversaire de la victoire des Nationalistes aux élections territoriales. Le leader indépendantiste dresse le bilan du travail accompli et des avancées obtenues sur les dossiers phares de la fiscalité du patrimoine, de la langue corse ou de la reconnaissance des spécificités de l’île, notamment en tant qu’île montagne. Il redit sa détermination à construire la Corse de demain en s’appuyant sur trois axes : la diversité culturelle, l’éducation et le développement économique et social.



Jean-Guy Talamoni, président de de l’Assemblée de Corse.
Jean-Guy Talamoni, président de de l’Assemblée de Corse.
Voici le texte du discours :
 
« Il y a un an, les Corses votaient pour le second tour des élections territoriales. Un an déjà que nous travaillons ensemble dans cette Assemblée.
En cette fin d’année, pour la dernière session de l’année 2016 de l’Assemblée de Corse, je voudrais revenir sur les dossiers majeurs sur lesquels nous avons travaillé et surtout sur les résultats obtenus. Tout n’est pas fait mais les choses ont déjà changé.
Nous avons travaillé ensemble à la défense de notre patrimoine foncier.
Le jour d’A Festa di a Nazione, le 8 décembre, plusieurs élus de cette Assemblée, le Président du Conseil Exécutif de Corse et moi-même, étions à l’Assemblée nationale pour suivre les débats sur la proposition de loi sur les successions, présentée par Camille de Rocca Serra et soutenue par tous les députés Corses ainsi que par François Pupponi. Nous l’avons dit, le vote de l’Assemblée nationale est le fruit de l’union de tous. Nous sommes conscients de la portée d’une telle union, d’autant plus que, lorsque nous avons initié notre démarche « Pè a Corsica », nous avons rappelé notre volonté de travailler avec toutes les forces politiques de l’île, pour le bien commun. Nous avons désormais fait la preuve que nous en sommes capables.
Je veux rappeler que, pour aboutir à ce vote favorable, nous avons fait un important travail de réflexion mais aussi de négociation avec l’Etat.
 
Tout d’abord, le 18 janvier 2016, avec le Président de l’Exécutif, nous avons rencontré Manuel Valls, alors Premier ministre. Deux heures de discussion nous ont permis d’aborder cette question de la fiscalité du patrimoine. La porte n’était alors même pas entrouverte. Elle était close. Le Premier ministre nous a expliqué qu’après les deux décisions du Conseil Constitutionnel on ne pourrait pas empêcher l’entrée de la Corse dans le droit commun. Ce à quoi nous avons répondu que nous ne pouvions admettre cette réponse.
Quelques temps plus tard, nous avons maintenu notre position devant le ministre Christian Eckert. A cette époque, j’ai chargé le bâtonnier de Bastia, Jean-Sébastien de Casalta, de rédiger un rapport sur cette question. Je veux ici le remercier pour son travail bénévole qui a servi d’appui pour la suite. Au printemps, le gouvernement nous a fait savoir qu’il prenait en compte notre position et qu’il était prêt à soutenir une démarche nouvelle sous la forme d’une proposition de loi. La condition était que les élus Corses se mettent d’accord sur le texte.
Nous nous sommes donc mis autour de la table, avec tous les élus de la Corse. Le Girtec de Paul Grimaldi a également apporté sa contribution, ainsi que les notaires de l’île, particulièrement Marie-Anne Pieri. Qu’ils soient tous remerciés pour leur participation active.
Avec le vote de l’Assemblée nationale, nous avons franchi un pas important pour tous les Corses et il nous faut désormais attendre le vote du Sénat au début de l’année 2017.
Au-delà du présent vote, particulièrement important et symbolique, nous pouvons nous féliciter de plusieurs avancées importantes.
 
Nous avons défendu et fait reconnaître les spécificités de la Corse.
Je pense surtout au statut d’île-montagne, inscrit dans la loi montagne. Je pense également à la stratégie nationale de santé qui mentionne la Corse dans un décret.
Sur d’autres dossiers, alors que certains critiquaient le retard de la Corse, ses exigences ou le fait qu’elle quémande toujours plus à l’Etat, il apparaît qu’elle a quelques coups d’avance sur les régions françaises. Par exemple, au congrès des régions, à Reims, vous le savez, Manuel Valls a annoncé la fin de la dotation globale de fonctionnement, remplacée par le produit d’une part de la TVA. Immédiatement après cette annonce, en conférence de presse, l’actuel et l’ancien président de l’association des régions, Philippe Richert et Alain Rousset, ont rappelé que la Corse était à l’origine de cette demande. C’est vrai. Le 12 décembre 2014, l’Assemblée de Corse avait adopté un projet de réforme fiscale reprenant la proposition des nationalistes.
 
Autre victoire fiscale, la contribution de la Collectivité Territoriale de Corse au redressement des finances publiques a été baissée, conformément à notre demande, à 3,5 millions d’euros. Ce n’est que justice. De la même manière, les économies de 30 millions réalisées sur la dotation de continuité territoriale ne seront pas perdues ; elles bénéficieront à l’aménagement de nos routes et de nos villages de l’intérieur. C’est également justice pour eux.
 
Autre exemple, lundi, la ministre Ségolène Royal a annoncé, par courrier, que la délibération de notre Assemblée sur la stratégie nationale pour la mer et le littoral servira à renforcer ce document. Je rappelle que l’objectif de notre proposition était de tenir compte de la pêche traditionnelle et particulièrement de la pêche artisanale corse.
 
Dans le domaine de l’éducation, la création d’une agrégation de langue et culture corses est un pas symbolique important, tout comme l’organisation de la formation de tous les enseignants. C’est un premier pas, nous en ferons d’autres.
 
Notre travail est de construire une vision partagée de l’avenir de la Corse.
C’est la raison pour laquelle, depuis un an, j’ai organisé trois conférences permanentes pour construire la Corse de demain. Face à l’évolution de notre société, j’ai choisi de travailler sur trois thèmes :
- Le premier, vous le savez, est la gestion de la diversité culturelle. Il s’agit là, en particulier, des notions de peuple corse, d’intégration, de langue, de dialogue interreligieux, de laïcité. Nous le constatons souvent, nous devons nous saisir de ces questions. La société nous l’impose, ainsi que notre sens des responsabilités. Nous avons voté en juillet dernier une résolution sur la sécurité publique et l’intégrisme islamiste. Ce travail a débuté. Le sujet étant particulièrement complexe, cela prendra du temps.
- Seconde thématique, celle de l’éducation. Au cœur de notre projet de développement de l’île. Vous le savez, à ma demande, le CESC travaille actuellement sur ce thème. Cette étude nous permettra de proposer le modèle éducatif dont la Corse a besoin.
- Enfin, le troisième thème : le modèle de développement économique et social. J’ai pris l’initiative de travailler à un projet de statut fiscal et social pour la Corse. Le 29 novembre, j’ai présenté un document aux socioprofessionnels et aux élus au Palais des congrès d’Aiacciu. Ce document est ma contribution à la réflexion. Je ferai prochainement une proposition à cette Assemblée et, comme pour la fiscalité du patrimoine, il me semble impératif que chacun s’approprie la démarche avant les négociations à venir avec l’Etat. Nous avons avancé également sur la charte de l’emploi local. Elle sera bientôt présentée aux acteurs économiques et sociaux.
Dans ces trois thématiques, vous reconnaitrez nos engagements de toujours. Sur chacun de ces sujets, un rapport de nature stratégique vous sera présenté en 2017.
 
Nous travaillons déjà à un règlement de la question sociale.
Nous avons créé une commission ad hoc relative aux difficultés rencontrées par les retraités en matière de transport. Cette commission a permis aux entreprises de transport de formuler un certain nombre de propositions. Cela sera finalisé au mois de janvier. Je souhaite que ce travail soit élargi aux conditions générales de vie des retraités. Je travaillerai également sur les conditions de logements, d’accès aux soins, à l’emploi et à la sécurité de certains publics en grande difficulté. Il ne peut y avoir de liberté sans une vraie égalité des chances et une équité sociale.
 
La création d’une nouvelle Collectivité de Corse a franchi des étapes importantes.
Sur ce sujet aussi, nous avons réuni l’ensemble des acteurs pour aboutir à la signature d’un protocole par les quatre présidents le 18 novembre. Je veux rappeler ici le sens de cette réforme majeure. Il s’agit de rendre la Corse plus forte, plus moderne, capable de relever les défis du XXIème siècle. Le 22 décembre à Bastia, nous discuterons la méthode travail avec les élus et les représentants des personnels réunis en comité pluripartite.
 
Je ne peux mentionner ici tous les dossiers traités et conclus depuis un an, comme les transports, l’énergie, l’agriculture, le plan d’installations sportives ou, à l’international le conseil permanent corso-sarde et les relations engagées avec l’Etat de Malte…
 
Le changement le plus important est notre manière de faire.
Sous l’ancienne mandature, j’avais proposé la création d’une commission d’évaluation des politiques publiques. Ce que nous proposions, alors que nous étions dans l’opposition, nous le faisons maintenant que nous sommes aux responsabilités. La transparence, l’ouverture et le bien commun étaient au cœur de notre serment sur la Justification. Ils sont désormais au cœur de nos actes.
 
Avant de conclure, un point d’information sur l’Assemblea di a giuventù : je rappelle que la campagne de recrutement dans le collège des « candidats libres » se poursuit jusqu’au 31 décembre. Après l’élection du Conseil Académique de la Vie Lycéenne, qui aura lieu le 18 janvier, après la sélection des candidats par le jury, la première réunion de l’Assemblea di a giuventù pourra se tenir au début du mois de février.
 
À quelques jours des fêtes de Noël, je ne peux terminer sans rappeler que plusieurs patriotes sont encore incarcérés ou recherchés pour avoir défendu la Corse. Je veux leur témoigner, ainsi qu’à leurs proches, toute notre sollicitude et toute notre fraternité.
Je pense aussi aux jeunes touchés dans l’affaire de Reims, à Maxime Beux et aux deux jeunes incarcérés. Nous demandons à nouveau avec force, et de manière solennelle, qu’ils puissent terminer l’année près des leurs, en famille, et que justice et vérité soient rendues à tous au plus vite ».