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Jean-Félix Acquaviva : « Le Comité de massif est sur le pont tant au niveau sanitaire qu’économique »


Nicole Mari le Jeudi 2 Avril 2020 à 21:21

Le Comité de massif corse a décidé, à l’instar d’autres instances insulaires, de se mobiliser pour aider les Corses, surtout les territoires de montagne et de l’intérieur, à faire face à la crise sanitaire, économique et sociale générée par l’épidémie de Coronavirus et le confinement qui en résulte. Son président, le député de la 2ème circonscription de Haute Corse et secrétaire national de Femu a Corsica, Jean Félix Acquaviva, explique, à Corse Net Infos, les mesures et les aides directes mises en place pour un budget total d’environ 20 millions €. Il invite les Corses à échanger chaque semaine avec lui en direct sur sa page Facebook. Le premier live a eu lieu ce jeudi matin.



Jean-Félix Acquaviva, président du Comité de massif de Corse, député de la 2ème circonscription de Haute Corse (Corte-Balagne-Plaine Orientale), membre du groupe parlementaire Libertés & Territoires, et secrétaire national de Femu a Corsica.
Jean-Félix Acquaviva, président du Comité de massif de Corse, député de la 2ème circonscription de Haute Corse (Corte-Balagne-Plaine Orientale), membre du groupe parlementaire Libertés & Territoires, et secrétaire national de Femu a Corsica.
- Pourquoi le Comité de massif de Corse a-t-il décidé de se mobiliser contre l’impact de la crise du Coronavirus ?
- Comme l’a dit le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, devant cette crise sanitaire de grande ampleur, il faut que chacun soit à sa place, c’est-à-dire que la société doit faire preuve de solidarité, de cohésion et d’union. Aussi les institutions de la Corse, au premier chef la Collectivité de Corse (CDC), enclenchent des réactions. Il est normal pour le Comité de massif, qui intervient prioritairement dans les zones de l’intérieur défavorisées, c’est-à-dire dans près de 85% des communes de Corse, de prendre sa place dans ce dispositif à trois niveaux.
 
- Quel est le premier niveau d’aide ?
- C’est, dans le domaine de l’urgence sanitaire, de contribuer avec d’autres à aider financièrement à l’acquisition de matériel médical et à gagner le combat contre ce virus et son expansion. Ceci, en collaboration avec les deux conseillères exécutives Bianca Fazi, en charge de la Santé, et Lauda Guidicelli, au niveau des EHPAD - domaine d’intervention du 1er pilier du Comité de massif - et bien évidemment du milieu hospitalier et médical. Le second niveau, qui interviendra ensuite, est de soutenir l’activité économique et sociale en complément et en poursuite des actions déjà annoncées par le président de l’Exécutif, il y a quelques jours. A savoir une intervention ciblée sur les entreprises, les acteurs agricoles, les acteurs de l’économie sociale et solidaire de l’intérieur de la Corse. Ceci, en collaboration et en complément des actions de l’ODARC – nous avons échangé sur le sujet avec son président Lionel Mortini -, de l’Agence du tourisme (ATC) et de l’ADEC.

Centre Covid de Corti
Centre Covid de Corti
- Concrètement, quelles aides d’urgences pouvez-vous apporter ?
- Le Comité de massif bénéficie d’une facilité d’intervention en termes de procédure, ce qui permet une intervention d’urgence sur les demandes qui se manifestent. C’est le cas, par exemple, de la mise en place de l’unité COVID+ du centre hospitalier de Corti-Tattone. Le Comité de massif a décidé d’intervenir à hauteur de 80% du montant des dépenses engagées pour ce centre, il donne environ 47 000 €, le complément est assuré par d’autres actions comme celle de Corsica Sulidaria. Nous allons aussi aider au recensement des besoins dans les EHPAD et maisons de retraite de l’intérieur qui sont soumis à un fort confinement. L’idée est, pour combler le besoin de lien social avec l’extérieur et d’activités culturelles, de doter les structures, qui le souhaitent, d’IPad et de tout matériel adéquat comme des babyphones afin que le confinement se passe dans les meilleurs dispositions psychologiques pour l’ensemble des patients. Nous sommes également en lien avec le FabLab de Corti pour, à la demande du secteur médical ou hospitalier, contribuer à la montée en puissance de cette production endogène de masques et potentiellement des respirateurs. Ce qui démontre là aussi une innovation du territoire et une réactivité des acteurs et des associations, que ce soit à Corti, Aiacciu ou ailleurs, face à la crise.
 
- Quelles mesures comptez-vous prendre sur le volet économique ?
- Il est clair que de nombreuses entreprises dans de nombreux secteurs subissent déjà une perte d’exploitation partout en Corse et aussi dans l’intérieur. Il y a non seulement un besoin de trésorerie – ce à quoi a déjà travaillé le président de l’Exécutif, Gilles Simeoni -, mais aussi la nécessité absolue de répondre à la perte d’exploitation, donc à la perte de revenus de ces structures dans les semaines et les mois à-venir. Il faut, donc, agir en liquidités pour maintenir à flots les entreprises et les emplois, mais aussi le secteur associatif et, bien entendu, le secteur agricole. Nous avons mené, avec l’ODARC, deux réflexions sur le plan agricole. La première est d’anticiper les pertes d’exploitations par éventuellement l’acquisition de stocks qui seraient gérés par la CDC afin de rémunérer l’acte de production et garantir le revenu des agriculteurs. Ces produits seraient ensuite revendus à un prix bon marché, ce qui les rendrait accessibles à tous les Corses en ces temps de crise, et permettrait de faire face à d’éventuelles pénuries. La seconde est de répondre aux importantes pertes de revenus et d’exploitation, dès 30% de pertes, par une aide directe, en complément d’autres dispositifs existants, pour amortir le choc.
 
-  Ce n’est pas un prêt ?
- Non ! C’est une aide directe sans remboursement. Le tissu économique corse est composé à plus de 90% de TPE, de très petites entreprises. L’intérieur est fortement impacté par les conséquences de la crise sanitaire. C’est pourquoi nous pensons étendre ce principe à d’autres entreprises et services de proximité de l’intérieur, et aux associations culturelles qui seraient touchées par l’annulation des évènements, mais aussi aux associations d’aides à la personne. Le but de cette subvention de fonctionnement est de sauver l’activité et les emplois, surtout d’éviter les licenciements secs. Nous essayons de nous substituer pour partie à la déficience du dispositif prévu par l’Etat.
 
- De quelle façon ?
- L’aide de l’Etat, pour ces entreprises, est de 1500 € par mois. C’est tout à fait modique ! En plus, il faut atteindre 50% de baisse du chiffre d’affaires par rapport à 2019 pour y être éligible. Or, 2019 n’a pas été globalement une bonne année, les entreprises qui affichent 30 % ou 40% de pertes risquent purement et simplement la liquidation. Nous ne pouvons pas laisser au bord du chemin tous ceux qui sont dans cette situation. La précarisation de la société risque d’en être accélérée. C’est pourquoi avec le président de l’Exécutif, et les présidents des agences et offices, nous avons fait ce choix politique d’amortir les chocs avant, dans un deuxième temps, de travailler à un changement de modèle. C’est un pas pour injecter des liquidités en l’état des moyens de la CDC. Mais ce pas nécessite un deuxième pas de la part de l’Etat, notamment au niveau de la prise en compte des professions libérales, ce que l’Etat ne fait pas.
 
- C’est-à-dire ? 
- Les avocat, notaire, expert-comptable, chirurgien dentiste, kiné, ostéopathe… ont, tous, été obligés de fermer leur cabinet. Ils ne sont pas éligibles au chômage partiel. Leur perte d’exploitation n’est pas prévue par les assurances. En Corse, ces professions libérales vont être frappées de plein fouet. Elles représentent plusieurs centaines d’emplois. Il faut une réponse de l’Etat parce que c’est sa compétence. C’est pour cela qu’avec mon groupe parlementaire Libertés & Territoires, nous avons demandé la mise en place d’un état de catastrophe sanitaire.

- Vous avez parlé d’un troisième niveau. Quel est-il ?
- C’est le volet d’aides aux personnes précaires, aux personnes âgées en situation de précarité qui sont nombreuses dans l’intérieur, et aux personnes qui ont des difficultés à assurer le paiement de leur loyer ou de leurs factures. Nous allons renforcer, le temps de la crise, là où ce sera nécessaire, l’aide, déjà annoncée par le président de l’Exécutif de 150 € par mois.
 
- De quel budget disposez-vous ?
- La CDC n’est pas malheureusement pas une collectivité autonome au sens règlementaire et fiscal et ne peut donc pas jouer sur des recettes de TVA à réinjecter positivement sur ces dispositifs. Nous prévoyons environ une vingtaine de millions d’euros.
 
- Quand ces aides seront-elles disponibles ?
- Le dispositif d’urgence est applicable immédiatement, via un numéro vert et un mail de contact. Tout cela sera ensuite proposé à l’approbation de l’Assemblée de Corse, comme le plan d’action de 30 millions d’euros du président de l’Exécutif, Gilles Simeoni. Notre volonté est d’être très clairs en termes d’éligibilité, de rapidité du processus décisionnel, et aussi de contrôle et d’évaluation. J’ai mis en place une visio-conférence pour associer, à la gestion des dossiers sanitaires et économiques, les maires et les présidents d’intercommunalités de manière pratique, logistique et même financière pour les collectivités qui le peuvent. L’idée est de mettre en œuvre une solidarité transversale entre toutes les collectivités de Corse pour faire face à cette crise. Je tiens à saluer tous ceux qui sont sur le pont et que nous accompagnons au Comité de massif avec un maître-mot : solidarité, soutien pour tenter d’amortir le choc et éviter la grande précarisation.
 
- En tant que député, quel est votre sentiment sur la situation globale ?
- Je voudrais saluer la gestion de la crise en Corse sous la houlette du président de l’Exécutif, Gilles Simeoni, mais aussi des différentes instances de la CDC et de la société civile. On ne saluera jamais assez le courage et l’abnégation du corps médical et des sapeurs-pompiers qui donnent beaucoup et qui risquent beaucoup, tout comme ceux qui continuent d’assurer le service public ou restent en contact avec le public. La société corse est profondément solidaire et unie face à cette crise, chacun joue son rôle à sa place et interagit. Nous voyons que, sans jeu de mots, elle développe ses propres anticorps de solidarité humaine et culturelle, d’union et d’innovation… qui démontrent que ce peuple a beaucoup de ressources. Il faut s’appuyer sur cette solidarité pour résister et avancer. Mais de nombreuses compétences restent du domaine de l’Etat et là, malheureusement là, on ne peut que souligner un manque certain d’anticipation notamment en termes de matériels, de masques, de dépistage massif… mais le temps de la critique viendra plus tard. Aujourd’hui dans le combat immédiat sur le plan local, il faut souligner la bonne complémentarité d’action avec l’ARS et le Préfet qui tourne le dos aux incompréhensions des mois passés.
 
- Etes-vous inquiet ?
- Il faut regarder devant nous et anticiper pour relancer la machine par un profond changement de modèle en matière d’infrastructures publiques, notamment de santé, mais aussi de sécurité et d’autonomie alimentaires avec des circuits courts, une amplification des moyens de production agricole… Il faudra réfléchir à produire localement tout ce qui peut l’être, y compris du matériel médical puisqu’on peut le faire en temps de crise, afin d’acquérir une certaine indépendance pour faire face aux crises à-venir. En tant que député, je prendrais part au débat global parce que vraisemblablement la crise économique, sociale et politique qui s’en suivra bousculera les paradigmes au niveau national et européen. En attendant, ce qui compte, c’est de respecter le confinement pour sortir de cette période la plus difficile que nous ayons connue depuis longtemps, d’accélérer les dépistages et de permettre le traitement à la chloroquine quand c’est nécessaire.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.