Jean-Christophe Angelini, Conseiller exécutif, président de l’ADEC et de l’Office foncier, maire de Portivecchju, président de la ComCom de l’Extrême-Sud et leader du PNC. Photo Michel Luccioni.
- Quel bilan politique tirez-vous de cette année 2020 inédite, marquée par la crise sanitaire ?
- La prise en compte par notre majorité, et au-delà par la société, de la crise sanitaire a été l’élément premier, décisif qui a dicté, à la fois, notre doctrine en matière de santé, mais également en matière économique et sociale et dans tous les grands domaines de l’action publique. Nous avons fait un certain nombre de propositions fortes et simples, souvent placées sous le signe de l’unanimité, la dernière en date étant la première partie du plan Salvezza e Rilanciu adoptée par l’Assemblée de Corse. Notre vision se veut dynamique et intègre les contraintes, mais également l’état de délabrement annoncé de notre économie et de notre tissu social. Nous avons, donc, été force de propositions et de construction, mais nous avons subi une forme d’incompréhension de la part de l’Etat, avec tous les blocages qui en ont découlés. La voix des territoires, notamment insulaires, doit réellement être prise en compte et entendue par Paris dont la gestion de la crise est très controversée. Notre réponse est adaptée, territorialisée et évolutive, ce n’est pas un schéma descendant de Paris qui ne tient aucun compte des réalités vécues. C’est l’enseignement dominant de cette année écoulée.
- Le gouvernement prétend que la Corse ne va pas si mal ! Comment réagissez-vous à ce déni de réalité ?
- Nous avons eu vent des dernières indications données par l’Etat en Corse. Je m’inscris clairement en faux et sur toute la ligne contre cette analyse ! J’ai employé le mot : « délabrement annoncé », c’est un mot fort ! Notre économie est véritablement en proie, à la fois, à des difficultés structurelles que l’on sait – surcoûts matières, surcoûts transports, dépendance à un ou deux secteurs d’activité, fiscalité inadaptée… - et à des difficultés conjoncturelles liées notamment à la pandémie. Que l’économie corse soit, à certains égards, plus résiliente, plus armée que d’autres écosystèmes, je peux l’entendre, d’autant que le Conseil exécutif et l’ADEC y ont largement contribué, mais dire qu’elle se porte bien, voire beaucoup mieux que d’autres, est insupportable. Ce n’est pas vrai ! Notre économie est au bord du gouffre, surtout si l’Etat continue d’opposer une fin de non-recevoir à toutes les demandes que nous faisons et qui sont le fruit d’une unanimité de la société corse. En tant que conseiller exécutif, mais aussi maire d’une ville touristique, très dynamique économiquement, je dis que la Corse est plongée dans une difficulté majeure, systématique, qui, si elle n’est pas prise en compte au bon niveau, pourrait devenir fatale.
- La prise en compte par notre majorité, et au-delà par la société, de la crise sanitaire a été l’élément premier, décisif qui a dicté, à la fois, notre doctrine en matière de santé, mais également en matière économique et sociale et dans tous les grands domaines de l’action publique. Nous avons fait un certain nombre de propositions fortes et simples, souvent placées sous le signe de l’unanimité, la dernière en date étant la première partie du plan Salvezza e Rilanciu adoptée par l’Assemblée de Corse. Notre vision se veut dynamique et intègre les contraintes, mais également l’état de délabrement annoncé de notre économie et de notre tissu social. Nous avons, donc, été force de propositions et de construction, mais nous avons subi une forme d’incompréhension de la part de l’Etat, avec tous les blocages qui en ont découlés. La voix des territoires, notamment insulaires, doit réellement être prise en compte et entendue par Paris dont la gestion de la crise est très controversée. Notre réponse est adaptée, territorialisée et évolutive, ce n’est pas un schéma descendant de Paris qui ne tient aucun compte des réalités vécues. C’est l’enseignement dominant de cette année écoulée.
- Le gouvernement prétend que la Corse ne va pas si mal ! Comment réagissez-vous à ce déni de réalité ?
- Nous avons eu vent des dernières indications données par l’Etat en Corse. Je m’inscris clairement en faux et sur toute la ligne contre cette analyse ! J’ai employé le mot : « délabrement annoncé », c’est un mot fort ! Notre économie est véritablement en proie, à la fois, à des difficultés structurelles que l’on sait – surcoûts matières, surcoûts transports, dépendance à un ou deux secteurs d’activité, fiscalité inadaptée… - et à des difficultés conjoncturelles liées notamment à la pandémie. Que l’économie corse soit, à certains égards, plus résiliente, plus armée que d’autres écosystèmes, je peux l’entendre, d’autant que le Conseil exécutif et l’ADEC y ont largement contribué, mais dire qu’elle se porte bien, voire beaucoup mieux que d’autres, est insupportable. Ce n’est pas vrai ! Notre économie est au bord du gouffre, surtout si l’Etat continue d’opposer une fin de non-recevoir à toutes les demandes que nous faisons et qui sont le fruit d’une unanimité de la société corse. En tant que conseiller exécutif, mais aussi maire d’une ville touristique, très dynamique économiquement, je dis que la Corse est plongée dans une difficulté majeure, systématique, qui, si elle n’est pas prise en compte au bon niveau, pourrait devenir fatale.
- Les relations avec Paris ne cessent de se dégrader. Certains évoquent la nécessité d’un bras de fer avec l’Etat. Quelle est votre position ?
- L’incompréhension est clairement aujourd’hui la règle. Incompréhension par Paris des votes de l’Assemblée de Corse et de leur signification politique et technique, incompréhension de façon plus large quand à l’attitude du peuple corse. Le recul est encore plus marqué que dans les années 2010. Lorsque nous n’étions pas aux responsabilités, que nous ne disposions d’aucun levier, nous avions l’impression d’être plus écoutés, plus respectés par Paris que nous ne le sommes aujourd’hui, alors que nous disposons d’une majorité absolue au sein de l’Assemblée de Corse, d’une représentation au Palais Bourbon, au Sénat… Plus nous sommes représentatifs au plan politique et institutionnel, moins nous sommes entendus et respectés. C’est un problème grave d’essence politique, voire même démocratique.
- Qu’est-ce que cela vous inspire ?
- Deux choses. La première, c’est que personne, je dis bien personne, ni la Corse, ni Paris, n’a à gagner quoi que ce soit en persistant dans cette voie ! J’entends dans l’île des voix s’élever, à raison, pour dénoncer l’attitude de l’Etat. Nous devons garder notre sang-froid, conserver notre sérénité collective et, en même temps, emprunter les chemins de la mobilisation démocratique et populaire. J’entends à Paris que la Corse demeure un objet politique un peu étrange, mais tant que le fait démocratique n’aura pas été clairement pris en compte, nous demeurerons dans une impasse. Il y a une claire nécessité à reprendre les chemins du dialogue à partir d’un principe simple : les Nationalistes dirigent l’île pacifiquement et démocratiquement, Paris ne doit pas les combattre comme s’ils incarnaient un mal absolu. J’entends dire également que nous devons engager un bras de fer avec Paris. Nous devons prendre garde ! Les Corses attendent de nous que nous transformions leur quotidien par l’exercice des responsabilités, pas que nous engagions les institutions, que nous dirigeons, dans un rapport de forces ou une guerre de tranchées. Il faut distinguer les deux : continuer à transformer notre pays et, en même temps, nourrir un rapport de forces démocratique à partir de nos mouvements politiques, professionnels, syndicaux et sociaux, de notre jeunesse…
- Tous les présidents de région se plaignent du dirigisme de Paris. La Corse subit-elle un ostracisme particulier ?
- La dérive technocratique et jacobine de l’Etat, beaucoup d’autres s’en plaignent effectivement. Il suffit d’assister, comme nous le faisons régulièrement, aux débats des Régions de France, ou d’entendre les médias. Je pense à cette analyse d’Antoine Levy (Figaro Vox) qui a beaucoup fait parler d’elle et dit que la stratégie de vaccination française est un symptôme du déclassement du pays, de part la sur-importance des facteurs administratifs et son décalage avec les réalités vécues. Il y a une révolte au sein de la base, on l’a vu avec le mouvement des Gilets jaunes, mais aussi des élites… La gestion du gouvernement est rejetée par une large majorité de nos concitoyens. Ceci étant, il y a, à l’endroit de l’île, à six mois des élections territoriales, et peut-être parce que c’est le mouvement national qui dirige la Corse, une réponse, à la fois, particulière et plus dure. A nous, de ne pas tomber dans certains pièges : ne pas compromettre le fonctionnement des institutions dans le rapport de forces, ne pas verser dans la polémique ou l’affrontement par principe, en aucun cas n’avoir recours à la violence ou à l’anathème. En même temps, nous devons retrouver les voies d’une mobilisation large, non-partisane dont le mouvement national a vocation à être le moteur, mais qui doit très largement le déborder.
- Si la stratégie parisienne vise à privilégier un candidat, de droite ou de gauche, pour faire tomber le pouvoir nationaliste, cet ostracisme ne risque-t-il pas de s’amplifier ?
- Je crains très sincèrement que cette dérive ne soit à l’œuvre, mais il n’est pas trop tard pour Paris d’y renoncer. Je le dis, surtout en ma qualité de Nationaliste corse, dirigeant d’une composante de la majorité territoriale, le PNC. Cette stratégie serait mortifère, pas pour le mouvement national ou la majorité territoriale, mais pour la Corse ! Elle reviendrait à rouvrir une période d’hostilité, et plus sûrement à conditionner l’ensemble des politiques publiques, des concours financiers et des programmations engagées à des enjeux partisans. Et cela, plus personne n’en veut en Corse, y compris au sein de nos adversaires qui ont, je crois, à cœur de s’opposer démocratiquement et sans bénéficier de moyens indus, illégitimes, voire illégaux. Il y aura dans six mois une consultation électorale majeure où nous irons dans une configuration qui reste à préciser. Si Paris devait conditionner l’ensemble des moyens dont elle dispose à la victoire d’un camp qu’elle aurait désigné, alors je le dis sereinement : nous sommes au bord du chaos !
- L’incompréhension est clairement aujourd’hui la règle. Incompréhension par Paris des votes de l’Assemblée de Corse et de leur signification politique et technique, incompréhension de façon plus large quand à l’attitude du peuple corse. Le recul est encore plus marqué que dans les années 2010. Lorsque nous n’étions pas aux responsabilités, que nous ne disposions d’aucun levier, nous avions l’impression d’être plus écoutés, plus respectés par Paris que nous ne le sommes aujourd’hui, alors que nous disposons d’une majorité absolue au sein de l’Assemblée de Corse, d’une représentation au Palais Bourbon, au Sénat… Plus nous sommes représentatifs au plan politique et institutionnel, moins nous sommes entendus et respectés. C’est un problème grave d’essence politique, voire même démocratique.
- Qu’est-ce que cela vous inspire ?
- Deux choses. La première, c’est que personne, je dis bien personne, ni la Corse, ni Paris, n’a à gagner quoi que ce soit en persistant dans cette voie ! J’entends dans l’île des voix s’élever, à raison, pour dénoncer l’attitude de l’Etat. Nous devons garder notre sang-froid, conserver notre sérénité collective et, en même temps, emprunter les chemins de la mobilisation démocratique et populaire. J’entends à Paris que la Corse demeure un objet politique un peu étrange, mais tant que le fait démocratique n’aura pas été clairement pris en compte, nous demeurerons dans une impasse. Il y a une claire nécessité à reprendre les chemins du dialogue à partir d’un principe simple : les Nationalistes dirigent l’île pacifiquement et démocratiquement, Paris ne doit pas les combattre comme s’ils incarnaient un mal absolu. J’entends dire également que nous devons engager un bras de fer avec Paris. Nous devons prendre garde ! Les Corses attendent de nous que nous transformions leur quotidien par l’exercice des responsabilités, pas que nous engagions les institutions, que nous dirigeons, dans un rapport de forces ou une guerre de tranchées. Il faut distinguer les deux : continuer à transformer notre pays et, en même temps, nourrir un rapport de forces démocratique à partir de nos mouvements politiques, professionnels, syndicaux et sociaux, de notre jeunesse…
- Tous les présidents de région se plaignent du dirigisme de Paris. La Corse subit-elle un ostracisme particulier ?
- La dérive technocratique et jacobine de l’Etat, beaucoup d’autres s’en plaignent effectivement. Il suffit d’assister, comme nous le faisons régulièrement, aux débats des Régions de France, ou d’entendre les médias. Je pense à cette analyse d’Antoine Levy (Figaro Vox) qui a beaucoup fait parler d’elle et dit que la stratégie de vaccination française est un symptôme du déclassement du pays, de part la sur-importance des facteurs administratifs et son décalage avec les réalités vécues. Il y a une révolte au sein de la base, on l’a vu avec le mouvement des Gilets jaunes, mais aussi des élites… La gestion du gouvernement est rejetée par une large majorité de nos concitoyens. Ceci étant, il y a, à l’endroit de l’île, à six mois des élections territoriales, et peut-être parce que c’est le mouvement national qui dirige la Corse, une réponse, à la fois, particulière et plus dure. A nous, de ne pas tomber dans certains pièges : ne pas compromettre le fonctionnement des institutions dans le rapport de forces, ne pas verser dans la polémique ou l’affrontement par principe, en aucun cas n’avoir recours à la violence ou à l’anathème. En même temps, nous devons retrouver les voies d’une mobilisation large, non-partisane dont le mouvement national a vocation à être le moteur, mais qui doit très largement le déborder.
- Si la stratégie parisienne vise à privilégier un candidat, de droite ou de gauche, pour faire tomber le pouvoir nationaliste, cet ostracisme ne risque-t-il pas de s’amplifier ?
- Je crains très sincèrement que cette dérive ne soit à l’œuvre, mais il n’est pas trop tard pour Paris d’y renoncer. Je le dis, surtout en ma qualité de Nationaliste corse, dirigeant d’une composante de la majorité territoriale, le PNC. Cette stratégie serait mortifère, pas pour le mouvement national ou la majorité territoriale, mais pour la Corse ! Elle reviendrait à rouvrir une période d’hostilité, et plus sûrement à conditionner l’ensemble des politiques publiques, des concours financiers et des programmations engagées à des enjeux partisans. Et cela, plus personne n’en veut en Corse, y compris au sein de nos adversaires qui ont, je crois, à cœur de s’opposer démocratiquement et sans bénéficier de moyens indus, illégitimes, voire illégaux. Il y aura dans six mois une consultation électorale majeure où nous irons dans une configuration qui reste à préciser. Si Paris devait conditionner l’ensemble des moyens dont elle dispose à la victoire d’un camp qu’elle aurait désigné, alors je le dis sereinement : nous sommes au bord du chaos !
- L’attitude de Paris n’a-t-elle pas, pour effet, de resouder le mouvement national qui s’englue dans des querelles intestines ?
- Il importe, face à une attitude clairement provocatrice et potentiellement dévastatrice, d’être solidaires et unis et de ne pas céder aux sirènes de la provocation ou de la division. Ceci posé, l’opposition à Paris, si elle devait se manifester, y compris en des termes plus directs, ne doit pas nous conduire, à rejeter ou étouffer l’indispensable débat de fond dont nous avons besoin.
- Quel débat de fond ?
- Nous avons besoin d’au moins deux débats. Le premier concerne le fonctionnement de nos institutions sur lequel je suis très critique. On a fusionné les trois collectivités, mais on n’a pas encore créé une collectivité nouvelle. Or, nous avons besoin d’une collectivité dynamique, décentralisée à l’échelle de la Corse et plus ouverte que ne l’est la collectivité actuelle. On le voit à l’usage chaque jour un peu plus. Il faut repenser la relation aux territoires, mieux les représenter au sein de l’Assemblée, réfléchir à une intégration un peu différenciée. Je continue de dire que la Chambre des territoires est complètement inadaptée. Il faut aussi repenser les ressources et la fiscalité qui sont clairement insuffisantes. Sur ces sujets-là – territoires, ruralité, fiscalité, ressources – des plaintes, un mécontentement, remontent des élus locaux, des microrégions, des acteurs… On ne peut pas ne pas les entendre d’autant que nous ne sommes pas responsables. Ce ne sont pas les Nationalistes qui ont construit le projet de collectivité unique.
- Que pouvez-vous y faire ? Vous n’avez pas la main en matière institutionnelle ?
- Non, mais si nous sommes d’accord sur les réponses à apporter, nous n’aurons pas de grandes difficultés à les mettre en œuvre parce qu’elles ne demandent même pas, pour l’essentiel, de modification institutionnelle. Je ne parle pas ici du pouvoir législatif et règlementaire que je continue de demander par ailleurs, mais de réformes à très court terme. Quand il est question, par exemple, de fusionner un certain nombre d’offices ou d’agences - on en parle depuis 20 ou 30 ans - je ne vois pas pourquoi Paris s’y opposerait. Quand il est question de créer des Maisons de territoire ou de renégocier une fiscalité plus adaptée, comme nous l’avons fait au travers du premier étage du Plan Salvezza, qui pourrait s’y opposer, dès lors que nous sommes d’accord entre nous ? Mais encore faut-il en débattre ! J’ai ouvert le débat public sur la fusion des offices ou agences, j’attends qu’il connaisse un prolongement au sein de la majorité.
- Quel autre débat souhaitez-vous mettre sur la table ?
- Un débat de fond sur l’exercice du pouvoir territorial par les Nationalistes. Chacun sait que j’ai, en mon temps, pointé les velléités hégémoniques d’un certain nombre de composantes, que je me suis inquiété d’un certain nombre d’attitudes. Je veux qu’on en débatte sereinement, sans anathème. On le doit aux Corses qui nous ont fait confiance, on le doit aussi au mouvement national qui, depuis 50 ans, s’oppose à un certain nombre de choses. Ce n’est pas aujourd’hui que nous sommes dans la majorité que nous devons taire les réalités.
- Quel parti visez-vous ? Femu a Corsica ?
- Tout n’est pas noir ou blanc. Il n’y aurait pas le PNC, d’un côté, qui cumulerait toutes les vertus avec ou sans Corsica Libera, et, de l’autre, Femu qui serait hégémonique ou boulimique. La réalité est beaucoup plus complexe. Je veux bien admettre que les torts et les raisons sont partagés, mais, de grâce, qu’on puisse en débattre ! Il faut tirer un bilan critique, y compris à l’endroit de la formation que je dirige, comme des oppositions au sein de la famille nationaliste. Je pense à Core in Fronte, mais pas seulement. Ouvrons un débat dont on n’a rien à craindre, ne le faisons pas de façon personnelle ou dirigée, mais de manière sereine, ouverte, transparente, pourquoi pas publique, et tirons-en des conclusions pour les prochaines Territoriales. La réussite du mouvement national passe par un nouveau contrat entre nous et, au-delà, parce que c’est le plus important, entre le peuple corse et nous.
- L’agenda sanitaire et électoral vous donnera-t-il le temps de mener ces débats ?
- Oui ! Le report des élections est, à la fois, une nécessité et une opportunité. Une nécessité parce que l’urgence est clairement ailleurs ! D’un point de vue sanitaire, économique et social, nous avons des situations graves à gérer tous les jours, d’abord la santé de nos concitoyens, puis la vie de nos entreprises et le devenir de notre corps social. Personne n’a les élections comme priorité. Une opportunité parce que ce report doit nous permettre de déployer des politiques pour nos concitoyens, mais aussi d’ouvrir ces deux débats.
- Il importe, face à une attitude clairement provocatrice et potentiellement dévastatrice, d’être solidaires et unis et de ne pas céder aux sirènes de la provocation ou de la division. Ceci posé, l’opposition à Paris, si elle devait se manifester, y compris en des termes plus directs, ne doit pas nous conduire, à rejeter ou étouffer l’indispensable débat de fond dont nous avons besoin.
- Quel débat de fond ?
- Nous avons besoin d’au moins deux débats. Le premier concerne le fonctionnement de nos institutions sur lequel je suis très critique. On a fusionné les trois collectivités, mais on n’a pas encore créé une collectivité nouvelle. Or, nous avons besoin d’une collectivité dynamique, décentralisée à l’échelle de la Corse et plus ouverte que ne l’est la collectivité actuelle. On le voit à l’usage chaque jour un peu plus. Il faut repenser la relation aux territoires, mieux les représenter au sein de l’Assemblée, réfléchir à une intégration un peu différenciée. Je continue de dire que la Chambre des territoires est complètement inadaptée. Il faut aussi repenser les ressources et la fiscalité qui sont clairement insuffisantes. Sur ces sujets-là – territoires, ruralité, fiscalité, ressources – des plaintes, un mécontentement, remontent des élus locaux, des microrégions, des acteurs… On ne peut pas ne pas les entendre d’autant que nous ne sommes pas responsables. Ce ne sont pas les Nationalistes qui ont construit le projet de collectivité unique.
- Que pouvez-vous y faire ? Vous n’avez pas la main en matière institutionnelle ?
- Non, mais si nous sommes d’accord sur les réponses à apporter, nous n’aurons pas de grandes difficultés à les mettre en œuvre parce qu’elles ne demandent même pas, pour l’essentiel, de modification institutionnelle. Je ne parle pas ici du pouvoir législatif et règlementaire que je continue de demander par ailleurs, mais de réformes à très court terme. Quand il est question, par exemple, de fusionner un certain nombre d’offices ou d’agences - on en parle depuis 20 ou 30 ans - je ne vois pas pourquoi Paris s’y opposerait. Quand il est question de créer des Maisons de territoire ou de renégocier une fiscalité plus adaptée, comme nous l’avons fait au travers du premier étage du Plan Salvezza, qui pourrait s’y opposer, dès lors que nous sommes d’accord entre nous ? Mais encore faut-il en débattre ! J’ai ouvert le débat public sur la fusion des offices ou agences, j’attends qu’il connaisse un prolongement au sein de la majorité.
- Quel autre débat souhaitez-vous mettre sur la table ?
- Un débat de fond sur l’exercice du pouvoir territorial par les Nationalistes. Chacun sait que j’ai, en mon temps, pointé les velléités hégémoniques d’un certain nombre de composantes, que je me suis inquiété d’un certain nombre d’attitudes. Je veux qu’on en débatte sereinement, sans anathème. On le doit aux Corses qui nous ont fait confiance, on le doit aussi au mouvement national qui, depuis 50 ans, s’oppose à un certain nombre de choses. Ce n’est pas aujourd’hui que nous sommes dans la majorité que nous devons taire les réalités.
- Quel parti visez-vous ? Femu a Corsica ?
- Tout n’est pas noir ou blanc. Il n’y aurait pas le PNC, d’un côté, qui cumulerait toutes les vertus avec ou sans Corsica Libera, et, de l’autre, Femu qui serait hégémonique ou boulimique. La réalité est beaucoup plus complexe. Je veux bien admettre que les torts et les raisons sont partagés, mais, de grâce, qu’on puisse en débattre ! Il faut tirer un bilan critique, y compris à l’endroit de la formation que je dirige, comme des oppositions au sein de la famille nationaliste. Je pense à Core in Fronte, mais pas seulement. Ouvrons un débat dont on n’a rien à craindre, ne le faisons pas de façon personnelle ou dirigée, mais de manière sereine, ouverte, transparente, pourquoi pas publique, et tirons-en des conclusions pour les prochaines Territoriales. La réussite du mouvement national passe par un nouveau contrat entre nous et, au-delà, parce que c’est le plus important, entre le peuple corse et nous.
- L’agenda sanitaire et électoral vous donnera-t-il le temps de mener ces débats ?
- Oui ! Le report des élections est, à la fois, une nécessité et une opportunité. Une nécessité parce que l’urgence est clairement ailleurs ! D’un point de vue sanitaire, économique et social, nous avons des situations graves à gérer tous les jours, d’abord la santé de nos concitoyens, puis la vie de nos entreprises et le devenir de notre corps social. Personne n’a les élections comme priorité. Une opportunité parce que ce report doit nous permettre de déployer des politiques pour nos concitoyens, mais aussi d’ouvrir ces deux débats.
L'union Pè a Corsica à Corti en 2017. Photo CNI.
- Pour ces élections, Femu veut partir au 1er tour sur des listes séparées. Votre vœu est-il toujours de discuter pour repartir sur une liste d’union ?
- Non ! Ce n’est pas mon vœu ! Pas plus d’ailleurs que d’acter le principe des listes séparées. Le nombre de listes n’est pas un sujet. Le sujet, c’est quel projet pour nos institutions, pour le mouvement national et pour la Corse. Si nous sommes en désaccord sur le projet, il faudra naturellement présenter plusieurs listes au 1er tour, mais je ne peux pas préjuger du résultat. Je ne veux postuler ni la division, ni l’union au forceps au 1er tour. Je rappelle quand même que la stratégie dite des primaires n’a pas été voulue par le PNC au moment des Municipales, mais par Femu a Corsica. C’était une erreur ! Elle nous a conduit à ramener l’élection ajaccienne à un seul tour, nous a mis en difficulté à Bastia, aurait pu nous conduire à des difficultés ailleurs… Les municipales ne sont pas les Territoriales. Peut-être faudra-t-il que nous partions séparément au 1er tour ! En juin, septembre ou décembre prochain… On ne pourra le dire qu’au terme des débats, pas avant !
- Cela signifie-t-il qu’il faut refonder le mouvement national ?
- Oui ! Il faut poser un nouvel acte de refondation. Aucun Nationaliste et, au-delà, aucun Corse de progrès, n’a vocation à être exclu de la future majorité territoriale. Je ne suis pas certain que rester dans l’entre-soi, se contenter de reconduire les trois composantes actuelles au sein de la prochaine majorité, soit une solution. Il ne s’agit pas simplement de gagner une élection, mais de transformer la Corse. Sans être présomptueux, gagner une élection ne me paraît pas compliqué si on se rassemble au 1er ou au 2nd tour en reconduisant les termes de notre partenariat. La Corse y gagnerait-elle pour autant ? Je ne crois pas ! Nous avons besoin d’un débat critique et de nouvelles perspectives, donc oui, d’un acte de refondation politique, institutionnel et idéologique, besoin de repenser notre vision de la société à 30 ans, notre projet pour la Corse et nos propres organisations.
- C’est-à-dire ?
- Nous avons conservé les mêmes partis, les mêmes réflexes, les mêmes stratégies qu’au temps où nous étions dans l’opposition. Faut-il les conserver en l’état ? Je ne suis pas certain que Femu, le PNC et Corsica Libera soient encore des réponses politiques pertinentes. Concernant le PNC, j’interroge tous les jours la nécessité de conserver un parti, même s’il est le plus ancien et l’un des plus structurés de la majorité. Peut-être faut-il envisager une refonte de nos organisations politiques ?
- De quelle façon ?
- Il faut réinventer des mouvements militants. On a connu des périodes où l’Etat était beaucoup moins brutal qu’aujourd’hui, mais les mouvements nationalistes beaucoup plus mobilisés. Aujourd’hui, la réaction à l’hostilité de l’Etat se limite, pour l’essentiel, aux dirigeants de la majorité territoriale ou d’autres composantes du mouvement national. Mais, il n’y a pas sur le terrain, parmi tous les relais dont nous disposons, de réponse collective ou coordonnée. Nous avons perdu collectivement les réflexes militants qui, pendant 30 ou 40 ans, ont été notre ADN et, en même temps, notre clause de survie.
- Craigniez-vous une gentrification des partis et des militants, comme c'est le cas dans les autres tendances politiques ?
- Oui, je crains la normalisation. Nous avons besoin politiquement et démocratiquement de mouvements militants, d’organisations populaires, de partis politiques au sens historique du terme, pas au sens actuel où l’on tente de faire croire, depuis la création d’En Marche, que désormais les partis n’ont plus vraiment d’utilité. Je reste convaincu que le mouvement national puise sa force et sa légitimité dans la structuration de mouvements et de partis forts. Ce que nous n’avons plus aujourd’hui ! Ce constat, il faut avoir la lucidité et le courage politique de le poser. Il faut des organisations politiques plus réactives, plus dynamiques, en un mot plus populaires. Les mouvements politiques n’ont pas vocation à être simplement des écuries de candidats ou des lieux de sélection en vue des consultations électorales, ils ont vocation à être des lieux de bouillonnement, de confrontation, de résistance, d’opposition… Ce que le mouvement national a été pendant très longtemps et ce qu’il n’est plus vraiment aujourd’hui. Il faut retrouver ce chemin-là.
Propos recueillis par Nicole MARI.
- Non ! Ce n’est pas mon vœu ! Pas plus d’ailleurs que d’acter le principe des listes séparées. Le nombre de listes n’est pas un sujet. Le sujet, c’est quel projet pour nos institutions, pour le mouvement national et pour la Corse. Si nous sommes en désaccord sur le projet, il faudra naturellement présenter plusieurs listes au 1er tour, mais je ne peux pas préjuger du résultat. Je ne veux postuler ni la division, ni l’union au forceps au 1er tour. Je rappelle quand même que la stratégie dite des primaires n’a pas été voulue par le PNC au moment des Municipales, mais par Femu a Corsica. C’était une erreur ! Elle nous a conduit à ramener l’élection ajaccienne à un seul tour, nous a mis en difficulté à Bastia, aurait pu nous conduire à des difficultés ailleurs… Les municipales ne sont pas les Territoriales. Peut-être faudra-t-il que nous partions séparément au 1er tour ! En juin, septembre ou décembre prochain… On ne pourra le dire qu’au terme des débats, pas avant !
- Cela signifie-t-il qu’il faut refonder le mouvement national ?
- Oui ! Il faut poser un nouvel acte de refondation. Aucun Nationaliste et, au-delà, aucun Corse de progrès, n’a vocation à être exclu de la future majorité territoriale. Je ne suis pas certain que rester dans l’entre-soi, se contenter de reconduire les trois composantes actuelles au sein de la prochaine majorité, soit une solution. Il ne s’agit pas simplement de gagner une élection, mais de transformer la Corse. Sans être présomptueux, gagner une élection ne me paraît pas compliqué si on se rassemble au 1er ou au 2nd tour en reconduisant les termes de notre partenariat. La Corse y gagnerait-elle pour autant ? Je ne crois pas ! Nous avons besoin d’un débat critique et de nouvelles perspectives, donc oui, d’un acte de refondation politique, institutionnel et idéologique, besoin de repenser notre vision de la société à 30 ans, notre projet pour la Corse et nos propres organisations.
- C’est-à-dire ?
- Nous avons conservé les mêmes partis, les mêmes réflexes, les mêmes stratégies qu’au temps où nous étions dans l’opposition. Faut-il les conserver en l’état ? Je ne suis pas certain que Femu, le PNC et Corsica Libera soient encore des réponses politiques pertinentes. Concernant le PNC, j’interroge tous les jours la nécessité de conserver un parti, même s’il est le plus ancien et l’un des plus structurés de la majorité. Peut-être faut-il envisager une refonte de nos organisations politiques ?
- De quelle façon ?
- Il faut réinventer des mouvements militants. On a connu des périodes où l’Etat était beaucoup moins brutal qu’aujourd’hui, mais les mouvements nationalistes beaucoup plus mobilisés. Aujourd’hui, la réaction à l’hostilité de l’Etat se limite, pour l’essentiel, aux dirigeants de la majorité territoriale ou d’autres composantes du mouvement national. Mais, il n’y a pas sur le terrain, parmi tous les relais dont nous disposons, de réponse collective ou coordonnée. Nous avons perdu collectivement les réflexes militants qui, pendant 30 ou 40 ans, ont été notre ADN et, en même temps, notre clause de survie.
- Craigniez-vous une gentrification des partis et des militants, comme c'est le cas dans les autres tendances politiques ?
- Oui, je crains la normalisation. Nous avons besoin politiquement et démocratiquement de mouvements militants, d’organisations populaires, de partis politiques au sens historique du terme, pas au sens actuel où l’on tente de faire croire, depuis la création d’En Marche, que désormais les partis n’ont plus vraiment d’utilité. Je reste convaincu que le mouvement national puise sa force et sa légitimité dans la structuration de mouvements et de partis forts. Ce que nous n’avons plus aujourd’hui ! Ce constat, il faut avoir la lucidité et le courage politique de le poser. Il faut des organisations politiques plus réactives, plus dynamiques, en un mot plus populaires. Les mouvements politiques n’ont pas vocation à être simplement des écuries de candidats ou des lieux de sélection en vue des consultations électorales, ils ont vocation à être des lieux de bouillonnement, de confrontation, de résistance, d’opposition… Ce que le mouvement national a été pendant très longtemps et ce qu’il n’est plus vraiment aujourd’hui. Il faut retrouver ce chemin-là.
Propos recueillis par Nicole MARI.