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Inseme per Bastia au chevet des pêcheurs du Vieux Port


Nicole Mari le Dimanche 3 Février 2013 à 23:17

Les pêcheurs du Vieux Port de Bastia montent, une nouvelle fois, à l’abordage pour réclamer les aménagements nécessaires à l’exercice de leur activité. Lassés d’être menés en bateau par la mairie depuis 20 ans, ils ont fait appel à Inseme per Bastia pour exprimer leur désarroi. L’opposition nationaliste a donc, lors du Conseil municipal de jeudi dernier, posé une question orale sur la dégradation du Vieux Port. Estimant la réponse de l’équipe municipale « évasive », elle a récidivé, dimanche matin, en faisant un constat accablant et en donnant la parole aux pêcheurs. Explications conjointes, pour Corse Net Infos, d’Yvan Rialland et de José Mei, patrons pêcheurs.



Inseme per Bastia au chevet des pêcheurs du Vieux Port
Il ne reste plus qu’une dizaine de pêcheurs sur le Vieux Port de Bastia. Et, pourtant, cette activité séculaire serait menacée de disparition, faute de conditions de travail adéquates. C’est, en tous cas, ce que les pêcheurs dénoncent haut et fort avec l’aide d’Inseme per Bastia. Dimanche matin, malgré le vent, ils s’étaient regroupés sur le quai Sud autour de Gilles Simeoni et de ses militants pour crier leur ras-le-bol. Ils avaient déjà sollicité l’opposition nationaliste qui, jeudi dernier, lors du Conseil municipal, a posé une question orale sur la dégradation du Vieux Port. Emile Zuccarelli n’a pas nié les problèmes, mais a argué de la difficulté de les régler, eu égard notamment au fait que la mairie n’est pas seule en cause et que la CTC, co-propriétaire, rechigne à exécuter son dû.
 
Des travaux en urgence
Des travaux dits de « Réaménagement du môle nord du Vieux Port en faveur des pêcheurs », d’un montant de 843 341 € HT, ont été votés à l’unanimité. Ils consistent à remplacer les trois pontons flottants actuels, par des appontements fixes. « La majorité, comme à son habitude, a apporté une réponse évasive. Elle a cependant le lendemain, dépêché sur place des effectifs conséquents aux fins de faire disparaître, dans l’urgence, certains désordres. Ce qui montre le bien-fondé de notre intervention, visant à souligner que la majorité actuelle délaisse totalement le Vieux-Port, qui est pourtant un site sans équivalent et devrait être une ressource majeure dans la stratégie de développement de la Ville », commente Gilles Simeoni. Un service minimum, disent les pêcheurs, qui ne répond pas aux demandes émises depuis 20 ans.
 
Des pertes sèches de filets
Les pêcheurs expliquent que Vieux de Port de Bastia est le seul port, non seulement de Corse, mais également de toute la façade atlantique et méditerranéenne, à ne pas présenter les équipements basiques. En premier lieu, c’est leur première revendication : des box pour stocker les filets. Ceux-ci sont entreposés à même le sol et sur le domaine public. De nombreux pêcheurs ont ainsi perdu tous leurs filets lors de la tempête de novembre 2008, sans être remboursés, ni indemnisés par les assurances, avec un coût direct (perte des filets) et indirect (manque à gagner, licenciement de trois marins) estimé à 150 000 €. Certains ont du vendre leur bateau pour éviter la faillite.
 
Manque d’équipements de base
La profession dénonce également le manque d’étals pour la commercialisation et d’installation froid pour le stockage et la conservation, le peu d’espace dévolu aux véhicules isothermes et l’absence de surveillance des lieux qui subissent, de façon récurrente, des vols, des incendies et du vandalisme. Enfin, le manque de sécurisation du bord du quai, coté Ouest, a déjà entraîné la chute de véhicules dans l’eau et le naufrage de deux embarcations. Le véhicule ayant été déclaré sans propriétaire connu, le propriétaire du bateau n’a pas été indemnisé ! « Ces conditions de sous-équipement dignes du tiers-monde ne peuvent que conduire à la question suivante : la majorité municipale actuelle veut-elle la disparition de la pêche professionnelle à Bastia ? En qui concerne Inseme Per Bastia, notre position est claire : Bastia a besoin de ses pêcheurs professionnels et la Ville doit leur donner les moyens d’exercer leur profession dans des conditions optimales ! », poursuit Gilles Simeoni.
 
Des plaisanciers mécontents
Inseme per Bastia se fait, également, le porte-parole de la grogne des plaisanciers qui se plaignent d’une dégradation des équipements. L’opposition nationaliste stigmatise, pêle-mêle, le mauvais état et le manque d’hygiène des sanitaires, le Quai d’honneur transformé en dépotoir par l’amas de tronc d’arbre, de matelas, d’épave de bateau…, des fuites d’eau potable permanentes et des ruptures de canalisation sur plusieurs pannes, des barres d’amarrage arrachées, des câbles électriques sectionnés, des chaînes d’amarrage de pannes cassées et remplacées par de simples manilles en acier galvanisé, susceptibles de rompre à tout instant, des platelages dégradés, rafistolés, enfoncés ou manquants, l’absence d’éclairage nocturne sur les pontons avec risque de chute… « De façon paradoxale, alors que la redevance annuelle augmente de façon constante chaque année : 6% par an, les services et prestations offerts aux plaisanciers se dégradent fortement, jusqu’à atteindre un état d’insalubrité incompatible avec la vocation touristique revendiquée du Vieux Port », s’interroge Gilles Simeoni. 
 
Un travail difficile
Inseme per Bastia fustige également les conditions de travail difficiles des employés de la capitainerie « qui ne sauraient être tenus responsables de l’état de dégradation du Port et qui en subissent d’ailleurs directement les conséquences négatives, non seulement parce qu’ils ont à gérer le mécontentement des usagers, mais aussi à travers des conditions matérielles de travail très dégradées, particulièrement depuis la tempête de novembre 2008 ». L’opposition pointe les infiltrations d’eau de mer et de pluie dans les locaux de la capitainerie, qui ont nécessité le creusement d’une tranchée d’évacuation des eaux à l’intérieur même des locaux, des vestiaires inutilisables pour cause d’humidité et de moisissure et des problèmes électriques.
 
La sécurité des usagers
Elle estime que la dégradation du site fait courir des risques à la santé et à l’intégrité physique des usagers. « En 2010, Inseme per Bastia avait tenu une conférence de presse pour dénoncer la pollution et les odeurs pestilentielles, en indiquant que ceci était dû à un problème de déversement régulier des eaux usées dans le Vieux-Port. Après les démentis de la majorité, l’opinion publique avait appris par voie de presse qu’une procédure pénale était engagée (ce qui confirmait le bien-fondé de nos affirmations), laquelle a donné lieu à une condamnation par le tribunal correctionnel, jugement frappé d’appel, l’affaire étant toujours en cours », rappelle Gilles Simeoni. Le leader nationaliste s’étonne que « des manquements en matière de sécurité, aisément identifiables sur les lieux, perdurent alors même qu’ils ont été régulièrement signalés ».
 
Une demande de réunion
Inseme per Bastia demande, donc, l’organisation sans délai d’une réunion entre la mairie et les usagers afin d’organiser la sécurisation et la mise aux normes du Vieux-Port et la réalisation des aménagements avant le début de la saison estivale. « La municipalité a réussi à dégager 1,5 million € pour l’arrivée du Tour de France en quelques semaines, elle peut et doit aussi trouver des moyens pour notre Vieux Port ! Ces travaux indispensables et urgents réalisés, Inseme per Bastia fera des propositions de fond visant à donner au Vieux-Port sa triple dimension de port de pêche, de port de plaisance, de trésor patrimonial et donc d’en faire un vecteur majeur du développement économique et touristique de la Ville. Une de nos priorités étant de protéger la partie sud, inoccupée, pour augmenter la capacité du port et de redonner à un quai Sud abandonné un aspect attractif, en accord avec la Citadelle qui le surplombe », conclut Gilles Simeoni. Affaire à suivre...
 
N.M.

Inseme per Bastia au chevet des pêcheurs du Vieux Port
Yvan Rialland : « La mairie veut la mort du pêcheur bastiais »
 
Rialland Yvan, patron pêcheur depuis 1977, membre du syndicat des pêcheurs de poissons pélagistes (thon, espadon…), explique que le manque d’aménagement rend les conditions de travail très difficiles.
 
- Quel est le sens de votre action conjointe avec Inseme per Bastia ?
- Cela fait plus de 20 ans que mon bateau est amarré sur le port de Bastia, ça fait 20 ans que la mairie nous promet qu’elle fera des aménagements prévus pour les pêcheurs et ça fait 20 ans que je ne vois rien venir. Chaque année, on nous sert la même rengaine : « Cet hiver, ça va être fait et l’été prochain, vous serez bien ! ». L’été arrive, les touristes et les plaisanciers avec. Nous, nous sommes pris entre deux feux et nous n’arrivons plus à travailler dans des conditions normales.
 
- Que demandez-vous ?
- Nous demandons des aménagements qui sont prévus, pour les pêcheurs, dans tous les ports de Méditerranée. Tous les autres ports de Corse les ont faits, sauf Bastia. Ce sont des aménagements tous simples, les mêmes qu’à Ajaccio, c’est-à-dire des box pour entreposer notre matériels et des frigos pour entreposer notre marchandise. Nous voulons travailler dans des conditions normales. C’est tout ! Par rapport à ce qui se passe pour les autres pêcheurs dans les autres ports, même ceux de l’île, nous travaillons dans des conditions lamentables.
 
- Est-ce ce manque d’aménagement qui rend vos conditions de travail plus difficiles ?
- Oui. Par exemple, un fileyeur a besoin de place pour ranger les kilomètres de filets qu’il met à la mer et son matériel. Quand les filets rentrent sales, il a besoin d’un endroit pour les nettoyer, les entreposer avant de les remettre sur le bateau. Sur le continent, les pécheurs disposent de clark ou de transpalettes pour déplacer les filets et de pallocks en plastique pour les stocker. A Bastia, il y a des voitures au milieu du quai, on ne peut rien faire ! On ne peut même pas vendre nos produits sur place. A Marseille au Quai des Belges, à Macinaggio, à Saint-Florent, il y a des petits étals de poisson où les pêcheurs peuvent vendre directement leurs productions, ce qu’on appelait, à l’époque, la pierre froide. A Bastia, c’est impossible !
 
- Comment écoulez-vous votre production ?
- Nous avons du mal à écouler notre production dans des conditions normales. J’ai été obligé d’ouvrir une petite poissonnerie pour pouvoir en vendre une partie. Dans les autres ports, les aménagements ont été conçus et financés par des fonds européens. Les pêcheurs sont tranquilles. Leurs étals sont tous prêts. Ils n’ont plus qu’à vendre leur production au meilleur prix du marché tandis que nous, à Bastia, nous sommes obligés de brader notre poisson alors que le gasoil est très, très cher. En fin de compte, nos entreprises commencent à ne plus être viables.
 
- Votre profession est-elle en danger ?
- Oui. A cause du manque de structure, d’aménagement et du manque de place. Notre marchandise souffre de la chaleur, du manque de glace, d’hygiène… Les normes européennes d’hygiène ne sont pas du tout respectées.
 
- En avez-vous avisé la mairie ?
- Oui. J’ai fait plusieurs interventions auprès du maire de Bastia. Il m'a, à chaque fois, fait la promesse d’agir, d’aménager, de faire ci, de faire là… Ça fait 20 ans que j’entends ces promesses et que je vois le port qui se dégrade et où rien n’avance. J’ai même pensé aller dans un autre port. On dirait que la mairie veut notre mort. Bientôt, on n’existera plus.
 
Propos recueillis par Nicole MARI
 
 

Inseme per Bastia au chevet des pêcheurs du Vieux Port
José Meï : « On me vole un filet par an ! »
 
José Meï, patron pêcheur, dénonce, pour sa part, le manque de sécurité qui règne sur le Vieux Port et les vols répétés des filets.
 
- Que se passe-t-il au niveau de la sécurité ?
- On nous vole nos filets parce que nous sommes obligés de les laisser sur le quai. Il n’y a pas de lumière, pas de caméra, pas de grille… Les filets sont à la portée de tout le monde. Tous les ans, on m’en vole un.
 
- Ne pouvez-vous les entreposer dans un espace fermé ?
- Où ? Je vis en appartement. Je n’ai pas de garage. Où vais-je entreposer mes filets ? Il faudrait que je loue quelque chose qui me coûterait 400 ou 500 € de loyer par mois. Puis, il faudrait les transporter… Comment faire ? On ne travaille pas comme ça ! Dans tous les ports du monde, les pêcheurs laissent les filets à côté de leur bateau, mais les gens, donc les voleurs, n’ont pas accès aux filets.
 
- Que demandez-vous à la mairie ?
- Que la mairie pose une grille d’entrée et un caisson de 2m/2m avec une porte devant chaque bateau de pêche. Un filet vaut 1500 €. L’assurance ne le rembourse pas. Des tas de plaintes ont été déposés. Moi, j’en ai déposé 5, parce qu’en 5 ans, on m’a volé 5 filets. On compte aujourd’hui un vol par an par pêcheur. Peut-être que demain, il y en aura 2 par an. C’est la débandade !
 
Propos recueillis par Nicole MARI