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Grande Plaisance : comment allier préservation de l'environnement et activité économique?


Laurina Padovani le Mercredi 19 Juin 2019 à 17:05

Cartographier les zones protégées. Informer, communiquer. Interdire l’ancrage des bateaux de plus de 24 mètres dans les herbiers de posidonies. Une nécessité si l'on veut préserver la Méditérrannée qui voit passer 50% de la flotte mondiale dans ses eaux chaque année. Mardi, à l’occasion du workshop sur la grande plaisance organisé au Palais des congrès d’Ajaccio par l’Office de l’environnement de la Corse, les acteurs de la plaisance insulaire se sont retrouvés autour du projet GIREPAM. Le programme européen veut apporter des réponses à la problématique de la préservation de l’habitat marin tout en maintenant l’activité économique .



La destruction massive de la posidonie ‘’Ceci n’est pas un scénario futuriste, une anticipation scientifique. C’est au contraire la réalité du moment. C’est notre patrimoine naturel qui disparaît sous nos yeux.’’
C’est sur ce triste constat que s’achève le film de prévention sur l’impact des ancrages sur les herbiers de posidonies commandé par l’Office de l’environnement de la Corse dans le cadre du programme européen GIREPAM. Financé dans le cadre d'Interreg-Marritimo 2014-2020, le projet réunit 16 partenaires et 5 régions, dont la Sardaigne, la Corse, La PACA, la Toscane et la Ligurie. La stratégie  transfrontalière franco-italienne mise en place sur 3 ans vise en partie à informer et prévenir les acteurs de la plaisance. En partenariat avec les parcs et aires marines protégées, la mission GETC-PMIBB  permet de prioriser les actions dans le détroit de bouches des Bonifacio. Il représente en effet  la plus forte densité de réserve marine en Corse.

Dans ce worshop, un grand nombre d'acteurs locaux de la plaisance étaient présents. La DREAL, la DDTPM, l’Agence du Tourisme de la Corse, les directeurs des principaux ports de l'île.  Dans la matinée,  la Stareso  a présenté son analyse fine sur l'activité de la grande plaisance et ses habitudes de stationnement. La station de recherche a pu observer qu'en plein pic de fréquentation, c'est-à-dire sur la journée du 19 juillet,  1/3 des navires, (entre 24 et 45 mètres), soit 38% de la flotte, mouille sur des herbiers de posidonies. Une véritable catastrophe quand on sait que cette plante à fleur marine est en réalité une espèce protégée puisque indispensable au développement des écosystèmes marins. Véritable ''poumon de la Méditerranée'', elle occupe presque 53 000 hectares du littoral corse.  
Une autre étude menée par l'Université de Corse a également été réalisée dans le cadre du Girepam .Les chercheurs du laboratoire équipe écosystèmes littoraux  ont travaillé sur l’impact de ces ancrages.
Dans sa présentation, Christine Pregent-Martini, enseignante-chercheuse à l'Université Pasquale Paoli pointe du doigt les dangers de la sur-fréquentation des eaux corses. L’étude, faite au niveau de la baie de Santa-Manza (entre Bonifacio et Porto-Vecchio) dresse un constat sans équivoque : la fréquentation augmente. Mais pas uniquement.  La taille des bateaux aussi, et plus un navire est grand, plus les dégâts sont importants. En quatre ans, les scientifiques ont constaté une disparition de 7,5% de l’habitat initial de la plante marine.  

En parallèle de cette matinée d'information et de prévention, l'après-midi était réservé aux solutions à apporter à cette problématique. C'est ainsi que la Direction départementale des territoires et de la mer(DDTM) a évoqué l'arrêté cadre mis en place le 3 juin dernier. Ce dernier vise à règlementer l’ancrage dans les eaux territoriales françaises. Mais surtout à interdire le stationnement des bateaux de grande plaisance dans les zones protégées de posidonies. Une belle avancée lorsqu'on sait que la même direction conseillait il y a encore quelques années des mouillages dans les herbages, zones qu'elle considérait sûres puisque proches du rivage.La DDTM travaille donc actuellement sur l'application de l'arrêté au niveau local. Elle compte utiliser les données de l’Office de l ‘environnement (établis par la Stareso et l'Université), mais aussi les cartes graphiques de l’Agence de l’eau et de l’Agence française de la biodiversité.

 

Une démarche pas contre la plaisance et la grande plaisance assure Gianluigi Cancemi de l'Office de l'Environnement. ''Nous avons un problème de gestion de l’activité. Nous devons simplement trouver de nouvelles solutions pour que les bateaux puissent continuer à fréquenter les côtes de la Corse sans détruire complètement les écosystèmes du fond marin. Je pense qu’aujourd’hui il y a une importante conscience du territoire.''
Au-delà des dangers pour l'habitat marin, la destruction de l’herbier entraine également une dégradation de la qualité de l’eau. Les eaux cristallines deviennent troubles à cause de la destruction des plantes. Une perte en qualité qui impacte forcément sur l'activité économique. L'activité de plaisance a donc tout intérêt à faire de la préservation de l'environnement un véritable partenaire. 

Golfe de Santa-Manza, en marron, les mattes mortes qui ne cessent de progresser  ©Université de Corse
Golfe de Santa-Manza, en marron, les mattes mortes qui ne cessent de progresser ©Université de Corse