Corse Net Infos - Pure player corse

Grande Guerre : Pour que Virgo Luigi, "fusillé pour l’exemple", puisse enfin reposer à Casabianca


le Samedi 12 Novembre 2022 à 10:16

Depuis plusieurs années, la famille de ce jeune soldat tué durant la Première Guerre Mondiale se bat pour sa réhabilitation. Elle espère également pouvoir enfin rapatrier son corps dans son village natal de Casabianca et aspire pour ce faire à recueillir le soutien de tous ceux qui seront touchés par son histoire



Plus de 100 après la Première Guerre Mondiale, les plaies béantes que celle-ci a creusé en Corse restent toujours vives. C’est afin de réparer une injustice faite à un jeune soldat insulaire « fusillé pour l’exemple » pendant ce conflit que l’Associu Per Virgo Luigi se mobilise sans relâche depuis 2011. À la manœuvre, Virginia Baccarelli, sa sœur Géraldine, et plusieurs de leurs cousins ont à cœur de laver l’honneur de leur aïeul. 
 
Comme de si nombreux Corses, Virgo Luigi, bien que veuf et parent d’un garçon de 6 ans, fût mobilisé en août 1914. Après avoir quitté son village natal de Casabianca, il devint soldat du 173ème régiment d’infanterie, celui qu’on appelait « le régiment des Corses ». Loin de sa terre, le jeune trentenaire combattra courageusement durant deux ans dans l’Est de la France. Une guerre de laquelle il ne rentrera pas. Pis, ses proches ne connaitront jamais vraiment son sort. « Dans notre famille, nous savions que notre arrière-arrière-grand-oncle avait été fusillé, mais nous ne connaissions pas son histoire. Nous savions tout juste que sa sœur Sylvia, notre arrière-arrière-grand-mère, était partie à pied à Corte pour essayer de le sauver en plaidant sa cause auprès de la sous-préfecture, mais n’avait pas réussi. Ainsi, nous avons toujours cru qu’il avait été fusillé à Corte, alors que pas du tout », raconte Virginia Baccarelli.
 
Le voile sur la malheureuse histoire de Virgo Luigi sera levé près de 100 ans après sa mort, grâce au documentaire « Fucilati in prima ligna » de Jacky Poggioli, diffusé en 2011. Dans celui-ci, la journaliste racontait l’histoire de six Corses « fusillés pour l’exemple » pendant la Grande Guerre, dont elle avait retrouvé la trace. « Nous avons alors découvert que Virgo était inhumé dans le cimetière militaire de Ville-sur-Consances dans la Meuse », indique Virginia Baccarelli. Dès lors, la famille n’aura de cesse de vouloir réhabiliter la mémoire de ce lointain parent. Rapidement après la diffusion du documentaire, l’Associu Per Virgo Luigi est ainsi créée, et ses membres se mettent à éplucher les dossiers et autres minutes de procès qui les conduisent à comprendre pourquoi le jeune soldat a été fusillé : « Lors d’un assaut très meurtrier, il est porté disparu en première ligne. Il est retrouvé quelques jours plus tard auprès de son ami d’enfance blessé, natif du même village, en seconde ligne. Mais il est tout de même inculpé d’abandon de poste et de désertion », dévoile ainsi l’association. Comme il était de fait à l’époque, le jeune homme subit un procès expéditif, durant lequel il tente tant bien que mal de se défendre, même s’il parle très mal le français. Ses camarades d’infanterie essayeront eux aussi de faire valoir à quel point il est un bon et courageux soldat. Mais rien n’y fait. Virgo Luigi est condamné le 2 septembre 1916 et est fusillé à l’intérieur de son régiment dès le lendemain. 
 
« Il a été victime d’une injustice », souffle Virginia Baccarelli. À l’instar de nombreuses autres familles des plus de 600 fusillés pour l’exemple de la Première Guerre Mondiale, celle de Virgo Luigi attend ainsi patiemment sa réhabilitation. Un combat de longue haleine qui a donné un premier signe positif le 13 janvier dernier avec le vote d’une proposition de loi en ce sens par l’Assemblée Nationale. Un texte qui devrait bientôt être soumis au Sénat. « Cela fait des années que l’on attend ça », indique Virginia Baccarelli.

Mais la famille de Virgo Luigi n’a toutefois pas attendu que les rouages de l’État se mettent en marche et a entrepris de son côté une première réhabilitation dans son village natal. Le 9 août 2013, elle organisait pour ce faire une cérémonie en sa mémoire avec diffusion du documentaire de Jacky Poggioli en l’église de Casabianca. « Beaucoup de monde avait été touché par l’histoire », se remémore l’arrière-arrière-petite-nièce du soldat. Voulant réparer une autre injustice, la famille a aussi fait inscrire son nom sur le monument aux morts de la commune et a apposé une plaque en sa mémoire sur la tombe de sa sœur. « Nous sommes aussi partis dans la Meuse et avons été sur sa tombe. C’était très émouvant », livre-t-elle encore. 
 
Désormais, afin de réparer l’histoire, l’Associu Per Virgo Luigi souhaite aussi faire exhumer son corps et le rapatrier à Casabianca, « afin qu’il repose enfin en paix sur sa terre, auprès des siens ». « Mais comme il est inhumé dans un cimetière militaire c’est compliqué, car il est logiquement interdit de sortir les soldats des cimetières militaires », déplore Virginia Baccarelli. « Nous espérons que si la proposition de loi est votée par le Sénat, et que les fusillés de la Première Guerre Mondiale sont réhabilités, on nous autorise à le ramener », ajoute-t-elle.

Dans cette entreprise, l’Associu Per Virgo Luigi devra toutefois recueillir l’accord du ministre des Armées. Un sésame pour lequel elle espère pouvoir compter sur un certain appui politique. « Nous avons déjà le soutien du député Michel Castellani, et nous allons aussi solliciter le sénateur de Haute-Corse », détaille Virginia Baccarelli en indiquant que l’association aura aussi besoin de fonds pour espérer ramener Virgo Luigi sur sa terre natale. « Le devis des pompes funèbres est en effet très cher. Nous avons créé des briquets Virgo que nous allons vendre à partir de début décembre. Beaucoup de boutiques et de particuliers nous soutiennent déjà. Nous espérons que d’autres seront touchés par l’histoire et voudront nous aider, et réparer un peu cette page noire de l’Histoire de la Première Guerre. On oublie cette guerre parce qu’elle est loin, mais tous ces soldats se sont battus et sont morts pour notre liberté. Il faut perpétuer leur mémoire », instille Virginia Baccarelli. 
 

 

Vous pouvez joindre ou adhérer à l’association en la contactant via :
Sa page Facebook : « Associu per Luigi Virgo cunnusciutu « Quilicus »
Par courrier : Associu Per Virgo Luigi, 5 rue Luce de Casabiancea, 20200 Bastia
Ou par téléphone : Virginia Baccarelli 06 10 03 28 32 ou Géraldine Baccarelli 06 31 42 98 29