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Gilles Simeoni : « Il faut que la Corse continue de fabriquer des Corses »


Paule Cournet le Mercredi 17 Janvier 2024 à 15:53

Aux premiers jours d’une année 2024 à maints égards décisive pour le futur de la Corse, le Président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, s’est livré à un long entretien à Corse Net Infos : de l’autonomie à sa vision de la Corse et du peuple corse à leur avenir, il présente sa feuille de route et revient sur l’évolution politique et sociétale de l’île dans un monde en totale reconfiguration.
 



Gilles Simeoni
Gilles Simeoni
- Vous martelez que 2024 sera une année décisive pour la Corse avec l’aboutissement du processus de Beauvau et qu’il est capital « de ne pas rater le train de l’Histoire ». Etes-vous confiant pour l’avenir de ces discussions ?
- Nous avons un devoir de confiance et d’optimisme. Cependant l’optimisme, la confiance et la volonté n’empêchent pas la lucidité qui, elle, commande de mesurer la difficulté de la tâche. Une double difficulté objective, d’abord du point de vue de la situation globale, en France, en Europe, dans le monde. On vit un moment de l’Histoire de l’humanité extrêmement compliqué et anxiogène, avec le retour de la guerre en Europe, la barbarie au Proche-Orient, la famine, une démographie qui explose à l’échelle mondiale, le réchauffement climatique…Tout cela impacte aussi la Corse. Ensuite, la difficulté est celle de notre équation en Corse avec des réponses structurelles à apporter au plan politique mais également économique, social, culturel et sociétal. Et au plus haut niveau, cette perspective d’autonomie comme solution institutionnelle, et au-delà une solution politique et une dynamique collective à créer qui doit nous permettre de nous engager sur le chemin de l’espoir, du progrès et de l’émancipation. Ce chemin est étroit, mais il faut l’emprunter ensemble. Et ça, c’est la part de l’optimisme, de la confiance et de la volonté. 
 
- Vous parliez de « dynamique collective ». Le Président Macron a laissé six mois aux partis politiques insulaires pour trouver un consensus. Où en sont les discussions ?
- Les choses ont quand même avancé de façon très significative, y compris en faisant abstraction du tumulte de l’instant, et en prenant un petit peu de recul d’une année sur l’autre. L’année dernière, à la même époque, le processus était à l’arrêt. On ne savait pas si nous allions réussir à le réamorcer malgré notre volonté constante. Depuis, le processus est reparti, l’Assemblée de Corse, au terme d’un large débat, mené avec un esprit de responsabilité partagé, a voté la délibération du 5 juillet 2023… 
 
- Cette délibération est-elle toujours le socle sur lequel il convient de négocier ?
- Oui. Ce texte a recueilli une large majorité. Il est aussi une somme et un résumé du combat qui a été mené depuis plus d’un demi-siècle pour obtenir cette autonomie et cette solution politique. C’est un document très opérationnel qui intègre les contraintes qui pèsent sur nous et qui permet à chaque Corse, y compris ceux qui ne seraient pas totalement convaincus ou rassurés sur la perspective d’une autonomie, d’identifier un chemin progressif avec le bon niveau et avec des garanties au plan du transfert des compétences ou des clauses de non-régression sociale ou non-régression environnementale. Et puis, il y a eu la visite du Président de la République dans l’île, précédée de celle du Ministre de l’Intérieur, qui en a été la cheville ouvrière côté gouvernemental. Ce travail a donné lieu à un discours d’Emmanuel Macron devant l’Assemblée de Corse qui, pour la première fois, a exprimé clairement sa volonté de permettre à la Corse d’aller vers une autonomie, en réintégrant la Corse dans son destin méditerranéen. Toutes les grandes îles de Méditerranée sont autonomes, depuis longtemps pour beaucoup d’entre elles, et cette autonomie a généré une amélioration de la situation économique et sociale.
 
- Y-a-t-il, comme c’est souvent le cas dans ce type de processus, des discussions d’arrière-boutiques ou des négociations secrètes ?
- Non ! Nous sommes engagés dans la deuxième phase du processus, une phase à la fois opérationnelle et conclusive afin de construire, en Corse, un accord politique le plus large possible. Un accord politique qui doit bien sûr, pour des raisons  démocratiques, avoir pour substrat la délibération votée par l’Assemblée de Corse le 5 juillet dernier. Il doit en même temps permettre d’élargir la base et le soutien à la revendication d’autonomie. Ce travail est mené dans une totale transparence. Il n’y a pas de discussions d’arrière-boutiques ou de négociations secrètes. Ensuite, ce travail est mené en associant le plus largement possible, non seulement l’ensemble des forces politiques, qu’elles soient représentées ou pas au sein de l’Assemblée de Corse, mais également l’ensemble de forces vives, instances consultatives, bien sûr, syndicats, associations, jeunesse, diaspora, etc… L’idée est vraiment de construire un débat, puis une convergence et une dynamique les plus larges possible.
 
- L’accord entre Nationalistes, notamment avec Corsica Libéra, ne sera-t-il pas au final le plus difficile à trouver ?
- Au sein de la Conférence des Présidents, où tous les groupes sont représentés, nous avons la volonté d’associer Corsica Libera mais notre proposition n’a pas été suivie d’effet. Nous essayons de trouver un accord, mais Corsica Libera a dit, par avance, que les bases de la discussion étaient pour eux, insuffisantes, et que donc la discussion, dérivée de la délibération, n’a pas lieu d’être. Je continue à dire à Corsica Libera, ‘Jouez le jeu de cette discussion-là et essayons de voir quels peuvent être les points d’accord’.  Nous continuons à nous réunir et travailler autour des thèmes structurants de la délibération du 5 juillet et ce que pourrait être un statut d’autonomie, c’est-à-dire le contenu du titre spécifique consacré à la Corse, qui pourrait être mis en œuvre dans la Constitution. La question de transfert du pouvoir législatif : quelles modalités, quelles matières concernées, selon quelles étapes ? Le statut de la langue corse dans la vie publique et dans tous les actes de la vie courante, englobant la dimension scolaire et éducative, l’enseignement. Enfin la question, centrale, du foncier, dans toutes ses dimensions, est à mon avis, une priorité absolue.
 
-   Vous voulez que le lien entre le peuple corse et sa terre soit intégrée dans le titre de la Constitution. Pensez-vous réussir à décrocher un statut de résident ?
- Pour nous, il s’agit de faire converger l’ensemble des dispositifs, y compris un statut de résident, pour maintenir le lien entre le peuple corse et sa terre. C’est pourquoi nous voulons que cette notion soit intégrée, y compris dans le titre de la Constitution. Le transfert de compétences fiscales doit également répondre aux questions des choix de compétences et des modalités. De façon plus globale, le nouveau pacte budgétaire, économique, fiscal à construire entre la Corse et l’Etat doit mettre en œuvre la nécessaire adéquation entre les transferts de compétences et de ressources non seulement pour la collectivité autonome mais également pour les communes et intercommunalités.
 
- D’où la nécessité de bien penser la future organisation administrative de la Corse ?
- Oui, puisqu’il y aura une collectivité de Corse autonome, avec des prérogatives et des moyens fiscaux et financiers renforcés. Il est donc indispensable que de façon concomitante et complémentaire, nous réfléchissions à l’organisation administrative infra-territoriale afin que la Corse puisse statuer sur l’organisation administrative en impliquant l’ensemble des collectivités, et garantir les compétences et les ressources des communes, des intercommunalités, des territoires. La Chambre des Territoires travaille elle-aussi à faire des propositions sur l’évolution de ses compétences et de sa place au sein des institutions de la Corse. Enfin le dernier atelier nous amène à réfléchir à un nouveau plan, dont le principe a été validé par le Président de la République lors de son discours de septembre, pour financer la mise à niveau des infrastructures stratégiques de la Corse.
 

AFP/PASCAL POCHARD-CASABIANCA
AFP/PASCAL POCHARD-CASABIANCA
- Concrètement quelles sont les prochaines échéances ? Avez-vous des dates précises ?
- Des réunions de la Conférence des Présidents sont programmées et les échanges se poursuivent. Une année extrêmement chargée nous attend avec à la fois des dossiers importants et structurants qui relèvent de la gestion ordinaire ou qui étaient prévus indépendamment du processus. Par exemple, sur la session à venir, ou la suivante, nous aurons, en l’espace d’un mois, statué sur l’attribution de la DSP aérienne, enjeu majeur, économique et social et clôturé le premier cycle de travail sur les dérives mafieuses.
 
- Et un calendrier très serré sur le processus. Vous avez parlé de mars !
- Oui ! Nous avons obtenu que la question de la révision constitutionnelle de la Corse fasse l’objet d’un traitement spécifique et distinct. Il y aura un vote des deux assemblées et du Congrès uniquement sur la Corse : soit par un Congrès spécial, soit par une question spécifique posée à l’occasion d’un Congrès de révision constitutionnelle. On ne sera pas otage d’un package global et ça diminue les prétextes à ce que la Corse soit otage de surenchères liées au débat politique national. Si la question est posée uniquement sur la révision constitutionnelle de la Corse, ça veut dire qu’on ne peut pas instrumentaliser la question ‘pour ou contre Emmanuel Macron’ ou dans la perspective des prochaines présidentielles. Chaque force politique française aura à se positionner uniquement par rapport à la question corse et à la perspective donnée, et à apporter, à cette question, une réponse de nature constitutionnelle. En terme de calendrier, et afin que tout se déroule comme prévu, ce Congrès doit avoir lieu au plus tard avant la fin 2024. Ça veut dire qu’il y ait un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat au plus tard avant le 15 mai. C’est demain ! Et donc, ça veut dire que d’ici là, il faut qu’on ait un accord politique en Corse et convaincu le gouvernement. Dans le même temps, on continue notre campagne d’explication auprès des parlementaires français. Elle s’est notamment traduite par la venue en Corse des membres de la Commission des Lois, présidée par Sacha Houlié. Cette visite a été l’occasion pour les députés, quelle que soit leur sensibilité, de prendre l’exacte mesure des attentes et de la volonté largement partagée de construire une réponse forte, notamment au travers de ce statut d’autonomie. 
 
- Lors du remaniement, Gérald Darmanin, qui est depuis 2022, l’interlocuteur privilégié des élus corses, a été reconduit. Est-ce de bon augure pour la suite des discussions ?
- La vie politique française, en ce moment, est compliquée et bouillonnante. Forcément, lorsqu’il y a des secousses politiques, au plan global, on se préoccupe de savoir si elles vont avoir des conséquences sur le processus en cours. On ne peut pas l’exclure totalement, mais en tout cas, la question corse est posée en des termes politiques clairement identifiés depuis des décennies et qui ont été objectivés par le processus mené depuis mars 2022. Nous souhaitons une continuité dans l’action du gouvernement et dans les engagements pris au plus haut niveau de l’Etat. Je ne doute pas que ce sera le cas. Je suis bien sûr satisfait que Gérald Darmanin, qui est au cœur du processus et qui a été un interlocuteur loyal et engagé, soit maintenu dans ses fonctions, ce qui va lui permettre de continuer à être notre interlocuteur et le mandataire du Président de la République et du Premier ministre. C’est important car il est également la mémoire de ce que nous avons dit et fait depuis mars 2022. En revanche, des ministres qui avaient été très à l’écoute, ne font aujourd’hui plus partie du gouvernement. Je peux prendre l’exemple d’Aurelien Rousseau, qui a quitté le ministère de la santé avant le remaniement, ou de Clément Beaune, dont on ne sait pas pour l’heure s’il continuera à intervenir dans le domaine des transports. Nous avons, sur ces portefeuilles, des enjeux très forts comme la DSP maritime et aérienne, ou encore le CHU et l’hôpital de Bastia, voire plus globalement la politique de santé. J’espère que le nouveau gouvernement montrera le même engagement et le même intérêt pour les dossiers corses. Je n’ai aucune raison d’en douter a priori.

- Lors de la cunsulta de Femu a Corsica dimanche à Corte, vous avez consacré une partie de votre discours à la manifestation qui s’est tenue samedi à Paese Novu. Si vous reconnaissez que « la Corse est confrontée à des problèmes et à l’islamisme radical », vous mettez en garde contre une vision de la société qui n’est « qu’imposture » et prônez des valeurs de « démocratie, de liberté, de tolérance et de fraternité ». Un enjeu capital pour la Corse ?
- La question des valeurs et au-delà, la vision que l’on a de la société telle qu’elle est et telle qu’on souhaite qu’elle devienne, et les moyens que l’on met en œuvre pour que la société évolue, est une question fondamentale partout, et c’est une question fondamentale en Corse aussi. Certains participants au rassemblement de Paese Novu se revendiquent du nationalisme corse en disant que les nationalistes, notamment les responsables politiques, la majorité territoriale, seraient pervertis par une idéologie gauchiste. C’est en cela que j’ai parlé ‘d’imposture historique’ et de ‘falsification’. nous sommes dans un triple héritage en termes de valeurs, de vision de la société et du monde, qui est l’héritage indivis de l’ensemble du mouvement nationaliste dans sa très grande majorité. Il y a d’abord l’héritage paoliste où le patriotisme corse s’est conjugué de façon puissante et naturelle avec les valeurs universelles de liberté, de démocratie, de séparation des pouvoirs, d’égalité des sexes, de tolérance religieuse. Puis, l’héritage de la Résistance, qui est un moment glorieux parce qu’il a incarné ce que l’humain peut produire de meilleur face à tous les fascismes et face au nazisme.  Enfin, la part d’héritage issue du combat mené au nom du peuple corse depuis plus de 60 ans et qui s’est nourri de façon naturelle de la solidarité entre les peuples, de la volonté de continuer à faire que la Corse fabrique des Corses, comme elle l’a toujours fait.
 
- La Corse est confrontée à l’islamisme radical. C’est anxiogène ? 
- Oui. Cet islamisme radical est par nature, l’ennemi de tous les démocrates. C’est lui qui combat, par la barbarie et la terreur, toutes les libertés et l’essence même de la vie démocratique. C’est un ennemi et il faut le combattre, sans faiblesse et sans relâche.A un autre niveau, l’évolution démographique est extrêmement anxiogène pour les Corses. Cette anxiété se nourrit de données objectives rappelées régulièrement par l’Insee : en moins d’une génération, nous sommes passés de 220 000 habitants à 360 000, avec un taux de fécondité parmi les plus bas d’Europe et une augmentation de la population qui se fait uniquement par solde migratoire. Cela signifie que dans des proportions sans équivalent en France et en Europe, il y a aujourd’hui des gens qui arrivent pour vivre ici et qui n’ont aucun lien avec le territoire, avec sa langue, son histoire, sa culture. Cette situation, forcément, génère un sentiment d’angoisse car nous sommes confrontés collectivement à une modification profonde de la société dans laquelle nous vivons.
 
- C’est un constat que fait aussi un mouvement comme Palatinu ?
- Le constat est réel, ce qui nous différencie, ce sont les modalités de la réponse. Nous sommes en désaccord total avec ceux qui pensent qu’il faut répondre par le repli sur soi, par l’exclusion de l’autre. Et il y a les réponses, compliquées mais qui sont les seules qui vaillent, du projet politique : comment fait-on pour que les Corses de la Diaspora, reviennent en Corse, s’y installent, y vivent et y développent leur projet ? Comment fait-on, collectivement et individuellement, pour que les Corses puissent conserver ce qui les constitue en tant que peuple, c’est-à-dire le lien à la terre, la langue, la culture et une vision partagée du monde ? Et là, on retombe sur les réponses opérationnelles en termes par exemple de politique foncière, de statut de résident ou de politique linguistique. Nous revenons alors à la question : comment faire pour que la Corse continue de fabriquer des Corses ? La donne a tellement changé et les moyens de fabriquer des Corses sont tellement insuffisants, que nous sommes dans une situation de blocage.

 


Photo Paule Santoni
Photo Paule Santoni
- Quel système préconiseriez vous pour y parvenir ?
-  Je ne me pose pas en prescripteur moral qui invoque des valeurs creuses. Ce que je dis, c’est que n’importe qui peut être exposé à la tentation de la colère, à la réaction épidermique, et je passe à un autre niveau, celui de la réaction à des rixes ou des événements de délinquance : il peut y avoir des jeunes d’origine maghrébine, gitane, roumaine ou corse impliqués dans des événements de délinquance, que l’on parle de rixe, d’agression ou de trafic de drogue. Il faut bien sûr lutter contre toutes les dérives communautaristes et recréer du sens. Là encore, c’est le projet politique global qui compte. Je crois aussi, profondément, à l’éducation. C’est notre système éducatif, et celui que nous saurons construire avec des exigences de qualité et d’universalité, qui pourra fabriquer les citoyens de demain.  Notre approche est dans la continuité de l’héritage paoliste, et donc de la logique démocratique et émancipatrice. Sur la question de la religion, je suis attaché au principe de laïcité, qui est un principe universel. La laïcité, c’est la liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer ou de ne pas pratiquer ; elle assure également la neutralité dans le fonctionnement des institutions. Pour moi, ce principe est totalement compatible avec le fait de reconnaître que la Corse et que les Corses sont historiquement, de façon majoritaire, un peuple imprégné par la foi catholique, comme le montrent nos églises, nos chapelles, nos cimetières, les saints honorés dans les villages. L’attachement, y compris non-religieux, spirituel ou culturel, à ce patrimoine-là peut aussi bien se conjuguer avec la laïcité qui incarne aussi le respect des autres religions. Beaucoup de militants se reconnaissent dans cette approche et retiennent à titre d’exemple de l’Evangile ce que dit Saint-Mathieu : ‘Vous étiez étranger, je vous ai accueilli, vous aviez froid, je vous ai vêtu, vous aviez faim et je vous ai nourri’. Chacun peut tirer les conséquences qu’il pense de cet enseignement. 
 

- Parmi les priorités de ce début d’année, il y a le renouvellement de la DSP aérienne depuis et vers Paris. Les inquiétudes sont vives du côté des salariés d’Air France et d’Air Corsica dans l’île. Or la Collectivité est tenue de sélectionner le candidat le mieux disant. Comment concilier ces deux attentes ?
- Je ne vais pas aborder le contenu d’un appel d’offres qui est en cours pour des raisons juridiques. Les principes qui guident notre action : premièrement, défendre le service public, son périmètre, sa qualité. Deuxièmement, bien gérer l’enveloppe de continuité territoriale, parce qu’il s’agit de l’argent des Corses. Troisièmement, s’assurer que nous disposons d’un système de transport aérien et maritime conforme à l’intérêt de la Corse et des Corses, ce qui représente un enjeu majeur pour une île qui est la 3e île de Méditerranée dans un contexte économique et social que nous connaissons tous. Quatrième point, dans le domaine maritime comme dans le domaine aérien, nous avons en tête les enjeux sociaux en termes de défense de l’emploi et de prise en compte de l’intérêt des salariés. Nous concilions l’ensemble de ces intérêts avec la volonté de respecter la règle de droit et que nous ne soyons pas exposés à des sanctions financières. Les erreurs commises par certains de nos prédécesseurs nous ont coûté cher. Nous souhaitons construire et faire évoluer un système global qui nous permettrait de concilier l’ensemble de ces intérêts en intégrant bien sûr les évolutions du monde du transport, maritime et aérien. 

-  Mercredi dernier se tenait une nouvelle réunion avec les collectifs et associations engagés dans la lutte contre les dérives mafieuses. Où en est-on de ce dossier ? Un rapport sera-t-il présenté à l’Assemblée ?
- Oui, je m’y suis engagé. Ce rapport sera dans la continuité des travaux qui ont été menés, de la délibération qui a été votée en novembre 2022, il intègrera dans les propositions qui seront soumises à débat à l’Assemblée de Corse l’ensemble des travaux qui ont été conduits dans les cinq ateliers à savoir éthique et politique publique, les secteurs économiquement exposés, drogue et commerce illicite, procédures pénales et instruments de quantification et enfin enjeux culturels et sociétaux. Le rapport du Conseil exécutif proposera à la fois une synthèse, des orientations, sans doute des décisions et même si la session à venir n’a pas vocation à être un point d’aboutissement définitif, elle organisera sûrement selon des modalités que nous rendrons publiques dans quelques semaines une forme de pérennisation de l’action et de la réflexion collectives en matière de lutte contre les dérives mafieuses. 
 
 
- Face à la crise, la précarité dans l’île, comme partout ailleurs, s’aggrave. Comment aider les - -Corses confrontés à ce fléau ?
-  Beaucoup des moyens d’action directe de lutte contre la précarité relèvent aujourd’hui du régalien. Dans les domaines qui sont les nôtres, nous avons globalement une augmentation des dispositifs d’aide qu’il s’agisse de l’aide aux acteurs de la lutte contre la précarité, notamment de lutte contre l’exclusion ou la malnutrition, etc., ou encore une augmentation dans les dispositifs directs des aides sociales, le RSA (avec cette année un léger infléchissement quand même), l’aide aux personnes, et l’aide au logement également. Beaucoup des dispositifs dont nous avons obtenu la création ou la majoration vont prioritairement au soutien des personnes en situation de précarité ou de pauvreté, je pense notamment au protocole de 200 millions d’euros obtenus dans le cadre de la négociation sur la révision de la PPE.

- A quoi les consacrez-vous?
- Ils seront consacrés pour 150 millions d’euros à sortir du gaz de ville pour les populations de Bastia et d’Ajaccio pour aller vers des moyens de chauffage moins coûteux, et 50 millions d’euros au logement individuel ou bâtiment public pour l’efficacité énergétique. Au terme des travaux, les économies, qui seront réalisées et qui concerneront les ménages avec des petits salaires, pourront aller jusqu’à 1000 ou 1200 euros par an. C’est-à-dire que l’on restitue du pouvoir d’achat à concurrence de 100 euros par mois. De même, nous continuons à travailler sur des dispositifs spécifiques tels que ‘Territoires zéro chômeur longue durée’, dont la concrétisation reste largement dépendante de décisions prises au niveau gouvernemental. Je rappelle également que nous avons fait des demandes de prise en compte de la situation spécifique de la Corse, par exemple sur le pouvoir d’achat ou le prix de l’essence, y compris à travers des délibérations votées à l’unanimité par la Collectivité de Corse, mais qui n’ont pas été suivies d’effet. Là comme ailleurs, le transfert d’un certain nombre de compétences nous permettra d’être plus efficaces.
Enfin, les réponses de moyen et de long terme, au-delà de la lutte contre la précarité et des mécanismes qui la mettent en œuvre, s’inscrivent dans notre objectif de créer de la richesse et de réfléchir aux mécanismes de redistribution de cette richesse dans une logique de solidarité. Et ça, c’est l’un des enjeux du statut d’autonomie.