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Gilles Simeoni : « Cette nouvelle mandature sera celle de la concrétisation de notre projet collectif »


Nicole Mari le Samedi 15 Mai 2021 à 22:24

C’est le choix d’un modèle de société dans le droit fil de son engagement que Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et leader de Femu a Corsica, propose aux Corses pour les élections territoriales des 20 et 27 juin prochains. Avant la présentation de sa liste dimanche matin à Corti, il revient, pour Corse Net Infos, sur les raisons de la désunion des Nationalistes, et répond aux critiques en tirant les enseignements des deux mandatures écoulées. Réaffirmant son projet, ses valeurs, ses principes et sa volonté de mobiliser toutes les forces vives autour d’un contrat clair, il demande aux Corses de lui renouveler massivement leur confiance dès le 1er tour pour rendre irréversible la révolution pacifique débutée en 2015 et la concrétisation du projet national.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et leader de Femu a Corsica, candidat à sa propre succession à l'élection territoriale des 20 et 27 juin. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité de Corse et leader de Femu a Corsica, candidat à sa propre succession à l'élection territoriale des 20 et 27 juin. Photo Michel Luccioni.
- Vous avez décidé de partir seul sans vos partenaires de la majorité. Pourquoi ?
- Ce n’est pas exactement selon ces termes que les choses se sont déroulées. Au terme de six ans d’exercice de pouvoir partagé, j’ai proposé aux membres de la majorité de faire l’analyse de ce qui avait bien fonctionné et de ce qui avait moins bien fonctionné, aussi bien dans notre action collective que dans les rapports entre nous. J’ai proposé également qu’une fois ce bilan effectué, nous en tirions ensemble les leçons et que nous définissions une façon de nous projeter dans la mandature à-venir afin d’être dans la continuité et l’approfondissement des engagements que nous avons pris ensemble devant les Corses en 2017, et à la hauteur des enjeux qui attendent notre île. Nous aurons à relever de nombreux défis au plan politique, économique et social. La mandature à-venir doit nous permettre de concrétiser notre projet collectif et d’enraciner irréversiblement la Corse dans une logique d’émancipation. Donc, j’ai fait des propositions en ce sens, mais également pour dépasser la logique de quotas, d’esprit de partis afin de nous inscrire dans une réelle ouverture à la société corse et d’être dans un fonctionnement respirant de nos institutions. Ceci, dans un équilibre et dans le respect des prérogatives et des sensibilités de chacun, mais aussi dans une discipline d’ensemble de la majorité. Ces propositions qui devaient être au cœur d’un contrat pour repartir ensemble au 1er tour, n’ont pas été partagées par le PNC, qui s’était en fait préparé depuis longtemps à partir seul, et Corsica Libera.
 
- Vos ex-partenaires vous accusent d’être l’artisan de la désunion et Jean-Christophe Angelini vous impute une « tentation hégémonique ». Que leur répondez-vous ?
- Dans cette élection, j’ai un adversaire : Laurent Marcangeli, tout simplement parce que nous avons deux visions très différentes de la Corse, de son présent et de son avenir. Je ne vais, donc, pas entretenir la polémique, ni avec Corsica Libera, ni avec Jean Christophe Angelini. Je rappelle, quand même, que la logique de division n’est pas de mon fait et que le PNC, lui-même, a choisi de se désengager de Femu a Corsica après avoir validé la fusion devant 1 000 militants, et qu’il a même créé son propre groupe à l’Assemblée de Corse. Sur la question de l’hégémonie, les Corses ont de la mémoire. Ils se rappellent qu’en 2017, la liste, que j’ai eu l’honneur de conduire, a bénéficié d’un soutien massif avec 56 % des suffrages et qu’au lendemain de cette élection, j’ai réparti les responsabilités, aussi bien au sein du Conseil exécutif que dans les postes à responsabilité de la Collectivité de Corse, d’une façon très généreuse avec le PNC et Corsica Libera, sans doute bien au-delà de leur poids électoral. C’était, pour moi, un signe fort, public, de ma volonté de permettre à chaque composante d’être valorisée, y compris au-delà de son poids électoral, et de créer ainsi les conditions pour nous inscrire dans une démarche collective transcendant les appareils et les appartenances partisanes. Il y a eu, en réponse, des critiques très fortes, publiques, de l’action pourtant menée en commun, et des attitudes, à mon sens, inappropriées. Je n’en ai jamais fait un objet de polémique, je ne les ai même jamais évoquées publiquement. J’ai demandé et je demande simplement que l’on respecte le fonctionnement des institutions et que nous soyons en cohérence totale avec tous nos engagements. C’est un message que j’ai porté de façon sereine et que je considère de mon devoir et de ma responsabilité de placer au cœur de notre fonctionnement collectif, aussi bien en ce qui concerne l’ouverture à l’ensemble de la société corse que l’exigence de rigueur, de transparence et d’éthique. C’est valable pour le 1er, le 2ème et le 3ème tour.

Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni au temps de l'union de Femu a Corsica. Photo M.L.
Jean-Christophe Angelini et Gilles Simeoni au temps de l'union de Femu a Corsica. Photo M.L.
- Le dialogue se poursuit-il avec les autres Nationalistes ?
- Il a vocation à se poursuivre. Ma conviction profonde, c’est que le sens de l’histoire, au-delà des péripéties, des difficultés électorales ou politiques, est de faire converger l’ensemble des Nationalistes sur une vision partagée en termes de projet politique, de démocratie réelle, d’exigence éthique, et de les faire gouverner ensemble. Mais aussi, comme nous nous sommes engagés à le faire, avec l’ensemble des Corses qui ne partagent pas nécessairement nos idées, mais qui se reconnaissent dans la volonté de construire ce pays. Je suis exactement dans le fil historique du nationalisme corse, comme dans la continuité des engagements que nous avons pris entre nous d’abord et vis-à-vis de des Corses ensuite, aussi bien en 2015 qu’en 2017. La situation, aujourd’hui, en Corse est difficile, la société se débat dans des difficultés graves et s’interroge collectivement sur son devenir, elle est minée par des forces de prédation et de pression importantes. Je pense qu’il faut mobiliser toutes les forces vives et toutes les énergies positives de notre île et donner un cap.
 
- Des reproches sont formulés par un quarteron de vieux militants qui vous demandent de redresser la barre. Comment accueillez-vous ces critiques ?
- Des militants historiques m’ont écrit une lettre ouverte. Je vais leur répondre, là aussi, par écrit. Je sais qu’il y a une impatience, quelque fois une déception, en tous les cas, une attente forte pour que nous allions plus vite et plus loin. Ces critiques, je peux les entendre et même, pour certaines, les comprendre et les partager. Ceci étant, on ne sort pas un pays de deux siècles de dépendance, d’assistanat, de mauvaises pratiques de clanisme et de clientélisme, en six ans ! Nous nous sommes donnés l’objectif de construire une Corse démocratique, moderne, émancipée, maîtresse de ses choix essentiels et j’ai toujours dit que ce travail prendrait 10 ans, 15 ans, voire une génération. Il faut nous inscrire dans cette durée. Le meilleur moyen, aujourd’hui, de faire avancer l’idéal qui nous porte tous est d’améliorer notre action, et, donc, d’abord de gagner les élections - c’est une condition nécessaire, mais non suffisante – et de créer les conditions politiques pour que nous portions à leur terme la dynamique et le processus qui ont été enclenchés en 2015. Ce qui s’est passé en 2014 à Bastia, puis en 2015 et 2017, est une véritable révolution pacifique. Nous devons nous donner les moyens de la mener à son terme, dans le rapport à l’État et dans la transformation profonde de la société corse.
 
- De quelle façon ?
- Même si la situation actuelle est insupportable pour nous, Nationalistes, aussi bien dans le rapport à Paris que dans un certain nombre de mécanismes qui nous entrainent dans des situations irréversibles, comme la spéculation, la difficulté d’accès à la terre, le recul de la langue, les fractures sociales et économiques, la perte de sens et de valeurs qui minent la société corse…, cela doit se faire dans un rapport de forces qui ne peut pas être autre que démocratique. Il ne peut pas y avoir de retour en arrière, notamment sur la question de la violence clandestine ! À partir d’un problème réel, on ne peut pas envisager d’apporter des réponses qui, non seulement ne nous rapprochent pas de la solution, mais nous en éloigneraient. Notre responsabilité, en tant que Nationalistes et en tant qu’élus, est de maintenir et de renforcer la logique d’apaisement. Nous ne voulons plus, pour nos enfants et pour les générations à venir, des logiques de conflit et de violence politique. En même temps, je le dis à Paris, le meilleur moyen d’enraciner la paix est de répondre à l’aspiration de ce peuple à la prise en compte de ce qu’il est. Notre responsabilité est d’avoir toujours en point de mire notre idéal, sans jamais rien céder dessus, et, avec la même force et le même engagement, de construire la Corse dans tous les domaines et d’apporter des réponses à la gestion du quotidien. Des réponses à des urgences absolues, qu’il s’agisse de la cherté de la vie, de la formation, de l’accès au logement, de la santé, de la revitalisation de l’intérieur, de l’équité dans l’accès aux aides publiques…

Photo Michel Luccioni.
Photo Michel Luccioni.
- Vous dites qu’il faut tirer les enseignements de la mandature. Lesquels ?
- Je ne reviendrais pas sur le cumul de contraintes que nous avons eu à affronter depuis notre accession aux responsabilités : du trou de 100 millions € de factures impayées en 2016 à la fastidieuse préfiguration de la nouvelle Collectivité de Corse en 2017 avec le chantier très complexe de la fusion de trois collectivités, en passant par deux mandatures très courtes et des élections à répétition, enfin la crise sanitaire sans précédent. Pour rajouter à ces difficultés, nous avons affronté un Etat hostile au plan politique, comme au plan budgétaire. Nous avons relevé tous ces défis en inscrivant la logique d’équité et d’éthique dans tous les actes de la Collectivité de Corse. Nous avons beaucoup travaillé, nous avons commencé à modifier profondément ce pays. Je ne vais pas faire l’inventaire de tout ce que nous avons réalisé dans tous les domaines. Il faut, bien sûr, aller plus loin, notamment en matière d’exigence de proximité et de réponses aux urgences économiques et sociales, aux fractures territoriales, à la perte de sens et de cohésion de la société corse… La mandature à-venir doit être, je le répète, celle de la concrétisation du projet national et de la transmission. C’est par notre capacité à innover, à inventer un nouveau modèle, à nous adapter aux exigences post-Covid que nous devons rendre irréversible la révolution pacifique débutée en 2015. C’est le sens du contrat politique que j’ai proposé aux membres de la majorité territoriale et que je propose, de nouveau, aux Corses.
 
- Vous présentez votre liste ce dimanche. Sur quels critères l’avez-vous construite ?
- La liste est le reflet de cette vision politique, à la fois de notre attachement et de notre fidélité indéfectible au fil historique du nationalisme corse, de cet idéal et du combat porté depuis 50 ans, mais aussi de la promesse faite en 2015 et renouvelée avec force en 2017 de construire la Corse avec tous les Corses qui ont envie de nous rejoindre. Cette exigence-là, pour moi, est fondatrice. Elle est un des éléments essentiels de nos victoires électorales, elle a permis à 56 % de Corses de se reconnaître dans notre démarche et de nous faire confiance pour être la force motrice du changement dans ce pays. Les conditions de la confiance sont aussi la démocratie, l’exigence d’éthique et la capacité à intégrer dans notre dynamique et dans notre projet des personnes qui ne partagent pas nécessairement toutes nos idées, mais qui se reconnaissent dans la façon de vouloir les concrétiser et qui ont les compétences pour le faire. Faire peuple ensemble est au cœur de notre démarche. La liste est aussi marquée par notre volonté de transmission, d’affirmer notre confiance dans la jeunesse et de lui donner des signes de cette confiance en la mettant en situation de responsabilité. Notre devoir est de lui transmettre cet héritage politique d’un passé qu’elle n’a pas connu. Les Anciens, y compris ceux qui m’ont écrit en termes peu amènes, ont toute leur place et toute leur légitimité dans cette œuvre de transmission. La composition de la liste répond donc à ces trois enjeux.

- Pour vous, quel est l’enjeu du 1er tour ?
- Depuis que j’ai accédé aux responsabilités, j’ai essayé de faire au mieux, j’ai tout donné, avec ma part d'erreurs. Si je retourne aujourd’hui devant les Corses, c’est pour solliciter à nouveau leur confiance, et la mériter. C’est pour cela que je suis exigeant, à la fois, vis-à-vis de moi-même, de la démarche à construire, des conditions politiques et éthiques, c’est-à-dire des règles que l’on s’impose à soi-même. Je pense que c’est ce que les Corses, qu’ils soient nationalistes ou pas, attendent. L’enjeu du 1er tour, c’est celui-là. C’est le choix entre deux visions très différentes, radicalement antagonistes en termes de modèle de société, de stratégies économiques, d’urbanisme, de gestion des déchets, de vision de l’aménagement, de la solidarité. Nos choix politiques et ceux qu’a fait Laurent Marcangeli dans le cadre de ses mandats municipaux, par exemple en matière d’urbanisme, soulignent ces divergences profondes.
 
- Comment envisagez-vous le 2nd tour ?
- Le temps du 2nd tour viendra. Pour moi, le 1er tour est essentiel. L’objectif est, bien sûr, d’être le plus haut possible. C’est par un vote massif au 1er tour que les Corses, s’ils le souhaitent, me donneront la légitimité et la force pour mettre en œuvre et faire partager les valeurs, les principes, la philosophie et le projet qui sont au cœur de notre démarche.
 
- Etes-vous confiant ?
- J’aborde cette élection avec, à la fois, humilité, sérénité et détermination. Humilité parce que j’ai conscience de tout ce qu’il reste à faire et à améliorer. Je sais que la réussite ne pourra être que collective et partagée. Sérénité parce que j’ai essayé à chaque instant de donner le meilleur de moi-même et de travailler avec tous au service de la Corse et des Corses. Je sais aussi que j’ai été et que je reste en cohérence totale, à la fois, avec le fil historique de notre combat, avec mon idéal et avec les engagements que j’avais pris avec mes partenaires et devant les Corses en 2015. Détermination parce que notre combat pour une certaine idée de la Corse et une certaine vision de la société corse à construire est difficile au plan social, économique, sociétal… Il faut y aller avec une haute exigence en termes de valeurs et de principes. Je suis convaincu que ce chemin-là est le bon, et je suis confiant dans notre capacité collective à construire ce pays.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.