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Frédéric Benetti, président du tribunal de commerce d'Ajaccio : "2024 s’annonce difficile pour les entreprises corses"


Patrice Paquier Lorenzi le Mercredi 17 Janvier 2024 à 16:55

La traditionnelle audience solennelle de rentrée du Tribunal de commerce d'Ajaccio s'est déroulée ce mercredi 17 janvier 2024, au Palais du Finosello à Ajaccio. L’occasion de faire le bilan d’une année 2023 plutôt difficile sur le plan économique avec 324 procédures collectives (sauvegarde, redressement ou liquidation) contre 160 l’année écoulée. Frédéric Benetti, le Président du Tribunal de commerce, fait le point sur la situation actuelle et les perspectives 2024.



Frédéric Benetti, le Président du Tribunal de Commerce d'Ajaccio s'attend "à une année 2024 difficile sur le plan économique" (credit photo : Paule Santoni)
Frédéric Benetti, le Président du Tribunal de Commerce d'Ajaccio s'attend "à une année 2024 difficile sur le plan économique" (credit photo : Paule Santoni)
- Les procédures collectives ont quasiment doublé en 2023 par rapport à 2022, comment expliquez ces chiffres ?
La situation économique insulaire, mais également nationale, fait qu’il y a plus de procédures. Les commandes publiques, les taux d’inflation, le prix des matières premières, celui de l’énergie, ont mis en évidence les difficultés des entreprises et du système économique en 2023. Une procédure collective ne signifie pas nécessairement une liquidation de la société, mais elle peut aussi entraîner des redressements. Cependant, cela indique que des difficultés assez importantes apparaissent, et qui, pour 30% des cas, va en liquidation dans les deux mois qui suivent, voire dans les six mois.
 
-Y a-t-il des secteurs plus touchés que d’autres ?
-Je dirais que tous les secteurs sont impactés. Bien évidemment, le secteur du CHR (Cafés, Hôtels, Restaurants) et le BTP sont les plus touchés et ce sont les deux secteurs piliers de l’économie corse. Mais, l’ensemble de l’économie insulaire va être impacté par un effet boule de neige. La demande est moins présente, que ce soit au niveau des particuliers, avec un pouvoir d’achat réduit comme des entreprises ou des promoteurs, pour l’exemple du bâtiment, qui ne construisent pas, parce que les permis de construire ne sont pas validés ou sont retenus. Il y a beaucoup de phénomènes qui me font être pessimiste quant à l’année 2024 .
 
- Beaucoup d’entrepreneurs font part de leur difficulté à rembourser les PGE, pourtant c’est une somme due…
- Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que le remboursement des PGE est très difficile. Bercy a annoncé en pouvant prolonger le remboursement sur 3 années supplémentaires, ce qui est salutaire. Mais au final, ce n’est pas uniquement un problème de PGE. Ces difficultés sont dues à un manque de demande. Quand on ne rembourse pas une dette, c’est un problème de rentrée d’argent et de trésorerie. Sans une demande forte, les PGE ou les emprunts classiques ne pourront pas être remboursés .
 
-Vous avez répété que le tribunal de commerce était aussi là pour accompagner les entreprises en cas de difficultés. Vous semblez anticiper un surcroît d’activité ces prochains mois
- Nous serons bien évidemment pour accompagner nos entreprises. En revanche, nous ne pourrons pas toutes les sauver, il faut être clair. Certaines entreprises qui auraient dû déposer un dossier en 2020 ou 2021 ont pu être sauvées grâce aux aides de l’État. Aujourd’hui, les effets de la crise persistent et continuer à évoluer malgré les annonces du gouvernement. On va les soutenir du mieux que l’on pourra avec les outils, qui sont les nôtres. Si les entreprises peuvent anticiper de leur côté d’éventuelles problématiques économiques ou financières, cela sera un peu plus salutaire pour eux, c’est le message que je veux le faire passer.
 
- Selon les indicateurs économiques, la croissance pourrait être de retour en 2025. Le message, c’est de dire qu’il tenir et passer le cap de 2024 ?
- C’est exactement cela, il faut tenir. L’année 2024 s'annonce difficile pour les entreprises corses et le monde économique en général, en avant un rebond en 2025, c’est ce que laissent entendre les analyses de la Banque de France, de la DREETS et même le gouvernement. Il va œuvrer dans ce sens pour un retour à la normale, car la situation que nous vivons depuis 3 ans et qui va durer en 2024, ne peut pas perdurer pour le bien-être de l’économie en général. On retrouvera des indicateurs à la normale pour 2025, une fois ce cap passé.
 
- C’est votre dernière année en tant que Président du Tribunal de commerce, que retiendrez-vous de ce temps passé à la tête de cette instance ?
- Je suis arrivé en 2017 dans un cycle économique plutôt stable au niveau des procédures de redressements et de liquidations. Ce rythme s’est malheureusement accéléré en 2023, 7 plus tard, car nous avons traversé la crise COVID, et puis maintenant la guerre en Ukraine, qui a provoqué une flambée des prix des matières premières, des coûts de l’énergie, combinée à une inflation subie de plein fouet. Ces éléments vont faire que nous allons arriver à cette année 2024, particulièrement difficile. Vous vous rendez compte qu’en 2023, nous avons délivré 904 injonctions de payer, ce sont des règlements dus qui ne sont pas payés. Cela montre bien qu’il y a une carence dans la trésorerie des entreprises. Clairement la crise du COVID a fait beaucoup de mal à notre économie, on le voit encore aujourd’hui.

L'audience solennelle de rentrée
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