Corse Net Infos - Pure player corse

Femu a Corsica se mobilise pour la création d’un nouvel hôpital à Bastia


Nicole Mari le Lundi 6 Mars 2023 à 20:19

Le parti de la majorité territoriale, Femu a Corsica, le député Michel Castellani et le maire Pierre Savelli ont, de nouveau, d’une seule voix, lundi matin, plaidé pour la création d’un nouvel hôpital à Bastia. Ils ont demandé au gouvernement de rendre publiques les conclusions du rapport de la CNIS qui iraient dans ce sens et d’agir en conséquence. La ville a déjà proposé deux terrains comme site potentiel du nouvel établissement.



Les élus et militants de Femu a Corsica devant l’actuel centre hospitalier de Bastia pour demander la création d’un nouvel établissement. Photo CNI.
Les élus et militants de Femu a Corsica devant l’actuel centre hospitalier de Bastia pour demander la création d’un nouvel établissement. Photo CNI.
« La santé et la construction d’un nouvel hôpital à Bastia est un dossier d’urgence qui a été fixé comme une des priorités par le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, lors des discussions avec Gérald Darmanin. Nous demandons aujourd’hui, comme l’ont déjà fait à plusieurs reprises, le député de notre circonscription, Michel Castellani, et le maire de Bastia, Pierre Savelli, au gouvernement d’indiquer à la population corse où en est ce dossier primordial pour la santé sur notre territoire ». C’est symboliquement juste en face de l’actuel centre hospitalier que Francois Martinetti, secrétaire national de Femu a Corsica, lance ce nouvel appel au gouvernement, entouré du représentant local du parti, Didier Grassi, du député Michel Castellani et du maire Pierre Savelli. Face à une question qui s’éternise, les élus de Femu a Corsica mettent la pression sur le gouvernement. La conseillère exécutive Lauda Guidicelli l’a martelé au ministre de l’Intérieur le 19 février lors du déjeuner de Corte. Pierre Savelli l’a cité comme priorité au Président de la République lors d’un déjeuner républicain en septembre 2020 à Ajaccio et le lui a répété en novembre dernier au Salon des maires. « Je lui ai dit que l’urgence était le centre hospitalier de Bastia qui est inadapté depuis toujours. Il était déjà obsolète à sa création ». Michel Castellani est intervenu une dizaine de fois dans l’hémicycle sur le sujet. « Je suis, depuis mon premier mandat, en contact permanent avec le ministère de la santé, d’abord pour obtenir la venue ici du Conseil national de l’investissement en santé (CNIS) - c’est fait ! - aujourd’hui pour la diffusion du rapport et ses conclusions. La ministre m’a répondu qu’elle me les transmettrait dans 15 jours. Après, nous rentrerons dans une phase opérationnelle ».
 
Une modernisation insuffisante
Si les élus bastiais de Femu a Corsica multiplient les interventions, c’est qu’il y a urgence. L’actuel hôpital, qui date de 1985, est un bâtiment de type Duquesne qui a été conçu pour répondre aux besoins d’un bassin de vie de 130 000 habitants. Alors qu’il s’inscrivait dans une offre de santé qui comportait déjà quatre cliniques sur le seul territoire de l’agglomération bastiaise, il s’est avéré immédiatement insuffisant en termes de capacité d’accueil, notamment un service des urgences sous-dimensionné. « Cela était dû à la non prise en compte de la population de l’extrême Sud de la Corse - Portivechju, Bunifaziu, notamment - qui s’élevait entre 15 et 20 000 habitants en saison hivernale pour culminer à 200 000 habitants en saison estivale », rappelle François Martinetti. Une insuffisance amplifiée, ajoute-t-il, par « la fermeture d’une clinique au début des années 2010, combinée à la baisse des activités d’une autre et à une augmentation importante de la population : 220 000 habitants pour l’ensemble de la zone et quasiment 500 000 habitants en période estivale. L’activité n’a cessé de s’accentuer au cours de ces 40 dernières années. Bien avant la crise sanitaire, un profond besoin de modernisation du Centre hospitalier avait été identifié du fait de son éclatement sur plusieurs sites, de son extrême vétusté et de sa nécessaire articulation renforcée avec les structures privées en mutation sur le Grand Bastia ». L’Hôpital a, donc, initié un programme de modernisation de son site principal et réalisé une première tranche de travaux de restructuration concernant le bloc opératoire et la mise en sécurité. « Il faut poursuivre cette démarche sur l’ensemble du site. Lors de son discours à l’Alb’Oru en 2018, le Président de la République avait acté la réalisation d’une deuxième tranche de travaux de restructuration, mais c’est insuffisant pour traiter l’ensemble de l’établissement ». La gestion de la crise Covid, qui oblige l’hôpital à se réorganiser, révèle « les limites extrêmes, les contraintes majeures et de nouvelles carences. À la lumière de tous ces éléments, l’établissement a effectué un travail de fond visant à formaliser un projet médico-soignant servant de base au diagnostic architectural et aux besoins immobiliers ».

Des limites et des carences
Tout le personnel hospitalier s’est investi dans ce projet de création d’un nouvel établissement qui s’est construit autour de deux principes : répondre aux besoins d’aménagement du territoire de santé et garantir l’autonomie des prises en charge. « Le centre hospitalier joue un rôle d’animateur territorial de l’offre de soins. Ce rôle s’est renforcé dans le cadre de la gestion de crise où l’établissement a été en première ligne tant dans l’accueil des patients Covid que dans le déploiement des politiques de dépistage et de vaccination. Il a formalisé les parcours patients et les filières de soins et anime le projet médical de territoire. Établissement recours, il étoffe son offre de soins spécialisés en lien avec les CHU et les centres de référence : cardiologie interventionnelle, ECMO, rythmologie, rhumatologie, périnatalité, néphrologie, cancérologie, traitement des AVC, procréation médicalement assistée, neurochirurgie… », précise Didier Grassi. Mais cet objectif de prise en charge, poursuit-il, se heurte, « à un certain nombre de limites structurelles ». La liste est longue : le site est saturé et non sécurisé. Il est impossible de pallier le manque de lits et de chambres individuelles. Les espaces médicaux et paramédicaux, les locaux logistiques et les surfaces des activités d’urgence sont insuffisants. L’hélistation est non conforme et à repositionner. L’organisation interne est peu lisible pour les secteurs ambulatoires, l’hospitalisation de jour et les consultations. Le secteur logistique, notamment les magasins, la lingerie et la cuisine, est à restructurer ou à rénover. Le système général de traitement de l’air est vétuste. Les locaux sont inadaptés aux personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap. Des mises aux normes complémentaires doivent être effectuées en matière de réseau d’eau, d’assainissement, de réseau informatique, de voirie, de capteurs solaires, de fluides médicaux et d’amiante. L’accessibilité est difficile, aggravée par le manque d’espace extérieur et de parkings pour le public et les personnels. Sans parler de la consommation énergétique et de la qualité environnementale des bâtiments qu’il faut améliorer.
 
Pas d’alternative
« Des actions sont apparues indispensables en termes de réorganisation interne », explique Didier Grassi, notamment « la nécessité de regrouper et de développer l’offre de soins critiques », c’est-à-dire pallier le manque de lits de réanimation. Il évoque également « l’impossibilité d’installer des chambres à pression négative dans l’établissement. L’insuffisance des équipements en ascenseur pour permettre de distinguer les flux. Le besoin de renforcement et de regroupement de l’offre ambulatoire et des hospitalisations de jour, et la nécessité de prévoir un secteur des consultations qui soit opérationnel ». Ces actions sont, estime-t-il, d’autant plus cruciales que l’offre territoriale de santé est en pleine recomposition dans un contexte d’augmentation et de vieillissement de la population, de regroupement des maternités et de nécessité de coopérer avec un secteur privé, lui-même, en pleine recomposition. « L’objectif, c’est d’avoir des services compétitifs permettant d’attirer des jeunes médecins qui sont, à juste titre, plus exigeants et qui veulent travailler dans de très bonnes conditions ». Pour lui, l’analyse est claire : « la stratégie de réhabilitation du site existant ne peut répondre aux besoins de l’établissement, ni en termes d’espace, ni en termes de délai extrêmement complexe à réaliser en site occupé, ni en termes financiers ».

Michel Castellani, François Martinetti, Didier Grassi et Pierre Savelli. Photo CNI.
Michel Castellani, François Martinetti, Didier Grassi et Pierre Savelli. Photo CNI.
Des réserves foncières
Fort de cette démonstration, François Martinetti annonce que la ville de Bastia a déjà proposé « deux terrains qui pourraient répondre au cahier des charges exigé pour ce genre d’investissement ». Une annonce confirmée par le maire de Bastia : « La question a été posée : va-t-on réhabiliter et agrandir le site actuel, ou va-t-on avoir un nouvel hôpital ? Les experts du CNIS, qui sont venus à Bastia et ont rencontré tout le monde, ont conclu la même chose que nous, que l’adaptation du site actuel prendrait trop de temps et coûterait aussi très cher et que la meilleure solution, le seul projet cohérent, est la construction d’un hôpital neuf. 20 ans si on agrandit, 10 ans pour un établissement neuf. La différence de prix reliée à la durée des travaux, à la souffrance des personnels et aux nuisances, tout milite en faveur d’un nouvel hôpital. C’est une bonne nouvelle, sauf que ça fait maintenant un an que nous attendons que le dossier passe devant le ministre de la santé et soit traité. La mairie a fait des réserves foncières sur la ville pour que le projet puisse voir le jour, on n’attend plus que le feu vert ». Pierre Savelli refusera d’en dire plus sur la localisation des terrains : « L’important est que les experts du CNIS, qui sont venus visiter les terrains, ont conclu à l’adaptation des terrains au projet du nouvel hôpital. Les autres informations arriveront en temps voulu ». Pour lui, il n’y a pas deux scénarii possibles : « De Bonifacio jusqu’au Cap Corse en passant par la Balagne, les gens viennent se faire soigner à Bastia. L’activité de l’hôpital a décuplé dans certains domaines. Il est urgent que le Président de la République prenne une décision pour que Bastia soit enfin doté de ce nouvel outil ».
 
Une bataille difficile
S’il reconnait que la bataille est difficile, « On traine les pieds à Paris parce que la situation est objectivement mauvaise dans les hôpitaux », Michel Castellani reste positif : « De nouveaux hôpitaux ont bien été créés dernièrement en Outre-Mer et à Montauban. Les choses sont tout à fait faisables. À Bastia, on rêve d’un nouvel hôpital parce que l’hôpital actuel n’est plus opérationnel et qu’il ne tient que par le sacrifice continuel des personnels. Le site n’est pas adapté, le bâtiment est étriqué et obsolète, il ne répond plus aux normes actuelles. Ce sont des constatations objectives que, je pense, nous allons retrouver dans le rapport de la CNIS. Il faut donc aller vers un renouvellement de cet hôpital ». Le député bastiais revient ensuite sur son refus de signer la proposition de loi demandant la création d’un Centre hospitalier universitaire (CHU) à Ajaccio et portée par 16 députés LR, dont le professeur Philippe Juvin, auxquels s’est associé le député nationaliste de la 2nde circonscription de Corse du Sud, le Dr Paul-André Colombani. « Je n’ai pas signé parce qu’ipso facto, Bastia était mis hors-jeu dans cette affaire alors qu’il accueille 60% des patients corses. Dans notre esprit, il ne peut y avoir de CHU que sur deux pôles avec un siège qui ne peut être qu’universitaire. Il est exclu qu’il puisse y avoir autre chose. Toute autre structure ne conviendrait pas aux réalités de la Corse. Je ne me suis pas retrouvé dans cette proposition de loi, je ne l’ai pas signée et je ne la signerais pas ! ». Il entend néanmoins continuer le combat pour un CHU en Corse, mais « la priorité, pour nous à Bastia, c’est de faire évoluer le dossier de l’hôpital ».
 
N.M.