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Face à la montée de l'antisémitisme en France : La Corse, nouvelle terre d'accueil?


La rédaction le Samedi 11 Novembre 2023 à 14:34

Face à une recrudescence des actes antisémites en France ce dimanche plusieurs rassemblements contre l’antisémitisme ont eu lieu aux quatre coins du pays. A Bastia, les participants aux deux manifestations qui ont fait écho à la grande marche parisienne voulue par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, s’accordent à dire que l’île de beauté est un havre de paix pour les juifs. Pourtant, certaines voix contraires se font entendre. Et si, finalement, tout n’était pas si blanc ?



Photo d'illustration
Photo d'illustration
Depuis l'attaque du Hamas contre Israel du 7 octobre environ 1 200 actes antisémites ont été recensés en France par le ministère de l'Intérieur. Alors que le spectre de l'antisémitisme hante la communauté juive en France, la Corse semble, pour le moment du moins, être préservée. Cette tranquillité suscite des questionnements au sein de la communauté juive, certains cherchant refuge sur l'île de beauté. Le jeune rabbin Loubavitch d'Ajaccio, Levi Pinson, a indiqué à plusieurs médias nationaux avoir reçu des appels de la part de familles envisageant s'installer en Corse. Des membres de la communauté juive qui, selon lui, "sont paniqués de la situation, surtout en région parisienne" où les incidents ont explosé.
Le rabbin Loubavitch Zalman Teboul de Bastia a confirmé ce dimanche que certains s'interrogent sur la possibilité de venir vivre en Corse. Cependant, il explique de leur conseiller "une réflexion approfondie avant de franchir le pas.". Selon lui, bien que l'ile soit une terre d'accueil, elle ne dispose pas des structures adaptées pour accueillir une communauté juive pratiquante et"d'autres alternatives plus accessibles existent, sans traverser la mer". 
Pourtant malgré les défis logistiques qui accompagnent tel changement de vie, après la tribune publiée à l'initiative de Marlène Schiappa sur Le Figaro et signée par 80 "personnalités" de l'île sous ce titre en forme d'exhortation "Face aux résurgences de l'antisémitisme, suivons l’exemple de la Corse", l'ile est devenue pour de nombreuses familles la nouvelle "terre promise".  Dans une interview sur CNI, l'ancienne ministre Schiappa a souligné combien il était important que "cette communauté qui se sent en danger sur le continent puisse savoir qu’elle peut compter sur des personnes qui seraient disposées à l’aider." en  rappelant que les Corses "ont toujours protégé les Juifs face à ceux qui les opprimaient". Dans un autre média local, alors que le journaliste aborde de front les réactions de certains à l’installation supposée des familles juives, elle répond "De nombreux enfants juifs ont été hébergés par des Corses pendant la guerre. J'invite toutes ces personnes à regarder l'histoire et ce qui fait la fierté de la Corse et de sa culture."
 
Tous d'accord ?
Pourtant, en parcourant les réseaux sociaux et les commentaires sous les articles de presse sur le sujet, tout le monde ne semble pas du même avis. Ainsi, @eliotness6939 réagit à un reportage d’Europe 1 "En tant que corse, je préfère que chacun reste chez soit ! Nous avons nos propres traditions et coutumes et on est une communauté soudée depuis des siècles, on ne s’aventure chez personne et on ne veut pas être perturbé dans notre équilibre , on n’est pas une terre d’immigration, mais le Canada en est un !" @mrpatesart s’empresse d’ajouter "En Corse tout le monde est bienvenue, mais il ne faut jamais oublier une chose… on est sur notre terre. c est dit…" ou encore @santonifeli1947 "Parfait raison. La corse ne peut pas accueillir le monde entier. Nous avons notre peuple à préserver, notre peuple  qui vit sur le continent et qui veut rentrer vivre sur sa terre. Que chacun reste chez lui. Basta cusi !!! Juifs pinzs, arabes, etc. La terre corse aux corses."
Ces réactions, parmi tant d’autres, sont-elles le simple fait d’éléments provocateurs isolés ou témoignent-elles d’un sentiment plus général qui s’exprime ici à l’abri des claviers ?  

La Corse est-elle totalement exempte d’antisémitisme ?
Philippe Peretti, professeur agrégé d'histoire et géographie délégué à la mise en valeur du patrimoine et du mécénat de la ville de Bastia, a bien voulu nous apporter un éclairage sur le sujet. "Une chose est sûre, nous n’avons reçu aucun signalement officiel d’actes antisémite depuis le 7 octobre. Il nuance "De là à ce que des familles entières quittent tout – leur vie, leur maison, leur école, etc. – pour venir s’installer sur l’île ? J’ai un peu de mal à y croire. Que ce soit évoqué ou que l’envie soit là, pourquoi pas, mais dans les faits, pour le moment, nous ne l'avons pas constaté." Si on voit effectivement mal des dizaines de familles tout quitter pour venir s’installer en Corse, des mouvements temporaires sont possibles, le temps que le climat s’apaise "Des gens qui seraient venus en vacances, qui auraient tissé des amitiés et qui auraient envie de venir passer quelque temps sur l’île, pourquoi pas ? De là à déménager définitivement, je ne suis pas sûr, ajoute le professeur. Nous serions d'autant plus au courant que la municipalité de Bastia entretient les meilleures relations qui soient avec le Consistoire. Nous sommes fiers d'avoir, en ville, cette synagogue qui date des années 30. "
 

Philippe Peretti apporte son regard d'historien sur la situation.
Philippe Peretti apporte son regard d'historien sur la situation.
Au nom de l'histoire
Philippe Peretti nous rappelle également quelques faits historiques "Dans le passé et aujourd’hui encore, de nombreux Corses ont toujours soutenu Israël. De la même façon, on peut dire que beaucoup ont lutté contre l’antisémitisme. Depuis très longtemps, des juifs sont installés ici. La république de Gènes était maritime et les ports de l’île, Bastia particulièrement, étaient ouverts à toutes les influences, ils ont connu beaucoup de mouvement." L’historien poursuit "Une étape importante remonte au début du XXe siècle. En 1916, environ 800 juifs de Syrie et de Palestine, ont rejoint la Corse pour fuir l’Empire Ottoman. Ils ont été très convenablement accueillis, par les autorités publiques comme par la population. Certains sont partis, d’autres sont restés et ont été rejoints. On remarque l’influence de cette présence, notamment rue Napoléon. " Quelques années plus tard éclate la seconde guerre mondiale. Une période encore mise en exergue aujourd'hui et pendant laquelle les juifs de Corse ont été protégés. "En effet, on peut dire que les juifs n’ont pas été persécutés en Corse à cette période, détaille l’adjoint au Maire. Grâce notamment à Paul Balley, le Préfet de l’époque (de 1940 à 1943, ndlr), aux sous-préfets en place, mais aussi aux nombreux maires qui ont tous refusé d’appliquer les directives de Vichy. Les occupants italiens, également réticents à agir de la sorte, sont allés dans le même sens. Enfin, il y a des exemples, comme celui d’Asco où des dizaines de familles ont été rassemblées et protégées et qui montrent les actes de solidarité du peuple Corse." 
Pourtant, Philippe Peretti nuance "Après, arrêtons de nous mentir, l’antisémitisme n'est pas resté de l'autre côté de la Méditerranée. Depuis les années 30 et jusqu’à la guerre, des tracts ou des dénonciations ont existé. Il ne faut pas oublier le poids de certains leaders comme Simon Saviani, héros de la Première Guerre mondiale, puis collaborateur pendant la Seconde et ouvertement antisémite. On ne doit pas oublier cette part de l’histoire. Il faut être prudent et surtout pas manichéen, et, par-dessus tout, ne jamais parler au nom de l’ensemble d’une population."