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Européennes. Ugo Bernalicis (LFI) : « Le processus d’autonomie de la Corse est en berne depuis mars dernier »


Cécile Orsoni le Vendredi 31 Mai 2024 à 21:14

Ugo Bernalicis, député LFI, était à Ajaccio ce vendredi 31 mai dans le cadre des élections européennes. À moins de dix jours du scrutin, l’élu insoumis plaide pour une Europe sociale, écologique et démocratique et appelle à voter pour la liste « l’Union Populaire » portée par Manon Aubry.



Crédit photo LFI
Crédit photo LFI
- Quelle est votre vision de l’Europe et quelles sont les idées majeures que les élus LFI défendront si ils accèdent au Parlement européen ?
- Nous avons une vision critique de l’UE telle qu’elle fonctionne aujourd’hui. Il faut changer ce cadre européen. Nous souhaitons mettre en place une Europe qui soit plus sociale, plus écologique et surtout plus démocratique. Actuellement, le parlement européen ne peut pas proposer de lois, c’est uniquement à l’initiative de la Commission européenne. Nous sommes engagés sur les questions de transition écologique. La France est le pays qui reçoit le plus d’argent de la PAC, mais qui aussi en donne le plus.
D’un point de vue social, nous voulons lutter contre l’ubérisation de la société. Nous ne voulons rien lâcher face aux lobbies et continuer à mener cette bataille pour une harmonisation sociale, fiscale. Nous voulons une Europe de la paix et non une Europe du réarmement que l’on est en train de préparer. Nous nous opposons à cette vision d’une Europe forteresse dans laquelle on va financer la construction de murs.
Il y a à peine trois semaines, ils ont voté le marché européen de l’électricité, qui était censé régler le problème de l’inflation, mais à cause de ce marché libéral, les factures de gaz et d’électricité ont augmenté de 30% en à peine deux ans.

- Quels sont les grands enjeux de cette élection européenne ?
- Il y a plusieurs enjeux, à l’échelle européenne, mais aussi nationale. C’est le dernier vote national avant les présidentielles de 2027. On voit bien le match qui se prépare, organisé par la Macronie, pour rejouer le duel Macron - Le Pen. La fois dernière, Jean-Luc Mélenchon a failli être qualifié pour le deuxième tour, à 400 000 voix près. On pense être prêts pour présenter une gauche radicale qui n’a pas peur d’affronter les grands sujets de notre époque. Si l’on veut que la gauche soit de nouveau unie, il faut nous aider. Avec la NUPES, nous avons montré, lors de législatives de 2022, que lorsque nous étions les moteurs d’un programme de rupture c’était une combinaison gagnante. Voter pour Manon Aubry, c’est créer un changement en Europe, mais aussi en France.

- Manon Aubry est créditée à 8% dans les sondages, avec un faible score. Pourquoi, selon vous ?
- Dans le monde réel, ça prend bien. Je pense que les sondages se plantent royalement. Tous les indicateurs de notre campagne sont au vert. Les militants sont mobilisés sur les tractages et le porte à porte.

- Comment expliquez-vous cette scission au sein de la gauche, et qu’est-ce qui vous sépare idéologiquement de Raphaël Glucksmann (Parti socialiste), lui-même crédité à 13,5% ?
- La première responsabilité de cette rupture revient à Europe écologie les verts, qui, après l’accord de la NUPES aux législatives, a décidé de donner sa confiance à Marine Tondelier pour porter une liste unique européenne. Ensuite, il y a eu une succession de prétextes de la part des communistes et des socialistes. Jean-Luc Melenchon a été attaqué de toutes parts. Nous souhaitions avoir une liste unique et constituer un troisième bloc au sortir des élections européennes, face à Macron et au RN. Nous restons dans les engagements pris dans le cadre de la NUPES, ce qui n’est pas le cas de Raphaël Glucksmann. Il y a notamment des divergences très claires sur les questions de la paix et de la guerre. Il veut réarmer l’Europe pour faire la guerre à Vladimir Poutine. Il refuse de reconnaître l’État de Palestine, de qualifier la politique de Netanyahu de génocide. D’ailleurs, Valerie Hayer a reconnu qu’ils avaient des votes similaires. Et puis, avoir le soutien de François Hollande, c’est une signature.

- Comment expliquez-vous le succès du RN, dont les intentions de vote pour le candidat Jordan Bardella s’élèvent à 34% ?
- Vous vous basez de nouveau sur les sondages, qui sont comme des horoscopes. Je trouve monsieur Bardella pathétique, il ne travaille pas ses dossiers, mais il est aidé par les macronistes, qui sont le meilleur marche pied pour l’extrême droite. Pas plus tard que sur le pacte asile immigration, Attal a récité le programme du RN, ainsi, ces idées-là deviennent légitimes dans la société. Le gouvernement reprend exactement les mêmes termes que le RN, notamment sur les questions de la violence au sein de la jeunesse. Nous voulons une gauche de rupture pour contrer ces faces d’une même pièce.

- Quelle est la position de la Corse au sein du projet européen, et quelles mesures comptez-vous prendre pour défendre ses intérêts au Parlement européen ?
- Les collectivités territoriales sont très distantes de l’Union européenne. Il existe un certain nombre de fonds. Nous, on a toujours mené la bataille pour que les territoires insulaires ou éloignés puissent avoir des crédits structurels et se rééquilibrer vis-à-vis des inégalités face au continent. D’ailleurs, la commission qui attribue ces fonds est présidée par le deuxième de liste de Manon Aubry. Il est réunionnais, lui-même insulaire. Mais c’est dans sa relation avec l’état français que la Corse peut avoir une dimension à l’échelle européenne. La collectivité de corse tente d’avoir des relations plus proches avec la Sardaigne par exemple, mais l’état central veut bloquer toutes les relations avec les voisins de la Corse. Alors que l’espace méditerranéen tend à se développer, la Corse pourrait être aux avant-postes de la république. Le gouvernement actuel méprise les territoires insulaires, on peut voir ce qu’il fait actuellement avec la Nouvelle-Calédonie.

- Comment défendre efficacement les spécificités d'une région comme la Corse tout en renforçant l’intégration européenne ?
- L’UE a plutôt été un outil pour que les territoires insulaires disposent de fonds de rééquilibrage. Elle est plutôt favorable à ce que les îles aient une forme d’autonomie qui leur soit reconnue, d’ailleurs la collectivité de Corse se réfère souvent aux statuts des autres îles qui appartiennent à d’autres pays européens.

- Quelles stratégies envisagez-vous pour promouvoir le développement économique et social de la Corse dans le contexte européen, notamment en ce qui concerne l'agriculture et la préservation de l'environnement ?
- La PAC ne va pas aider à développer l’agriculture en Corse. On a besoin de protectionnisme; les territoires d’outre-mer disposent d’une loi de 2012 qui fixe les prix; il faut fixer des prix de garanties pour les agriculteurs, personne ne veut travailler à perte ou gratuitement. Il faut développer les politiques de protection de territoire, éviter la propension du foncier, les investisseurs n’en ont rien à faire de saccager l’environnement quand ils veulent faire des profits monstrueux.

- Quelle est votre opinion sur le projet d’Emmanuel Macron d’accorder une plus grande autonomie à la Corse ?
- Chez LFI, nous sommes favorables à accorder davantage d’autonomie à la Corse. C’était déjà dans notre programme de 2022. Les discussions ont évolué du fait des circonstances, notamment lors de l’assassinat d’Yvan Colonna. On se retrouve dans un moment de négociations où Macron le fait sous la pression, mais veut rester maître des horloges. Il fait des propositions, revient en arrière… quand je vois ce qu’il se passe en Nouvelle-Calédonie - Emmanuel Macron qui refuse de reconnaître le fait colonial et déclenche un début de guerre civile - je me dis que ce n’est pas le meilleur moment pour avoir des discussions sincères et honnêtes autour de l’autonomie. L’autonomie peut régler des problèmes concrets qui se posent, comme la fiscalité sur le foncier, la préservation du littoral… nous sommes très favorables à acter un transfert de compétences. En mars dernier, le gouvernement avait parlé d’un texte prêt pour le mois de juin, mais à l’heure qu’il est, personne n’a de nouvelles.