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Et Stella Mare, le laboratoire de l'Université de Corse, recréa l'araignée de mer de Méditerranée


Pierre-Manuel Pescetti le Lundi 18 Octobre 2021 à 21:30

La plateforme de recherche marine Stella Mare, le laboratoire de l'Université de Corse labelisé par le CNRS, a annoncé maîtriser la reproduction de l’araignée de mer de Méditerranée ce lundi 18 octobre. La nouvelle avancée technique et scientifique pourrait permettre de mettre hors de danger cette espèce de crustacés.



Un juvénile d'araignée de mer. Crédits Photo : Stella Mare
Un juvénile d'araignée de mer. Crédits Photo : Stella Mare
La plateforme scientifique Stella Mare maîtrise maintenant la reproduction de la Maja squinado, plus communément appelée grande araignée de mer de Méditerranée. Quelques mois après avoir annoncé maîtriser celle de la langouste rouge, Stella Mare signe un nouveau coup d’éclat dans le domaine de la recherche scientifique marine.

Les travaux de recherche sur cette espèce ont été initiés dès 2019. La première tentative a permis de produire sept juvéniles. Un an plus tard, les équipes de scientifiques ont obtenu plus de 1 200 juvéniles tout en garantissant la survie d’au moins 70 % d’entre eux à ce jour. Une avancée majeure obtenue en une année d’expérimentations. « Il y a une part de hasard dans la réussite de l’expérience mais aussi des années de travail et de réussite avec d’autres espèces », explique Antoine Aiello, directeur de la plateforme Stella Mare. Lui, préfère l’appeler par son nom corse : « A Grinta ». Comme pour marquer un peu plus le territoire scientifique d’une avancée faite sur l’île. Seul un autre laboratoire en Espagne maîtrise le cycle complet de reproduction de l’espèce, mais de « manière deux fois moins efficace », souligne Jean-José Filippi, docteur en biologie marine et ingénieur aquacole à Stella Mare.

« Il faudra entre 2 et 3 ans pour que les juvéniles atteignent leur taille adulte », précise le chercheur. Pour l’instant, elles ne mesurent pas plus de 3 cm et sont élevées dans les aquariums de Stella Mare où elles démontrent déjà leurs exceptionnelles capacités de camouflage. Au premier coup d’œil, elles ressemblent à des cailloux rongés par la végétation marine. Elles fixent sur leur carapace toutes sortes d’algues. L’illusion est parfaite. Cela paraît anodin mais c’est un signe de la réussite de l’opération. Signe que les juvéniles se sont adaptés à leur environnement et sont capables de survivre seul. De quoi augmenter leurs chances de survie en milieu naturel. Nécessaire pour cette espèce en danger.

Repeupler leur milieu naturel

L’espèce n’apparait pas comme en péril sur les listes de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Pourtant protégée au niveau européen par les conventions de Berne et de Barcelone, « A Grinta » peine à augmenter sa population. Elle baisse drastiquement depuis les années 1970 dans tout le bassin méditerranéen. « À certains endroits comme autour des îles Baléares elle a même presque totalement disparu », indique Antoine Aiello.
  En Corse aussi, le CNRS relate une baisse de moitié des captures professionnelles entre 2011 et 2019. Sa pêche y est pourtant fortement règlementée. Interdite à la pêche de loisir, les spécimens capturés par les professionnels ne doivent pas être inférieurs à 12cm.

Retour au bercail

Que faire de toutes ces araignées de mer une fois leur taille adulte atteinte ? La plateforme prévoit de continuer ses études sur deux aspects. Le premier, l’étude comportementale en milieu naturel, le second scruter leur évolution dans une exploitation aquacole.
« Nous relâcherons la moitié en mer tout en les suivant grâce à des technologies spécifiques. Nous pourrons alors comprendre leur comportement », explique Jean-Joseph Filippi. L’autre moitié sera placée dans des parcs d’exploitations aquacoles corses. Objectif : étudier la possibilité d’élever des spécimens artificiellement. Une piste qui ravit Gérard Romiti, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins : « cette avancée et les autres faites avant sont un espoir pour les jeunes pêcheurs qui pourront pratiquer une pêche raisonnée tout en vivant de leur métier ».

Point fort de la station de recherche et ambition de son directeur, Stella Mare mêle la recherche scientifique aux enjeux socio-économiques du territoire. Une ambition partagée par le président de l’université de Corse, Dominique Federici, pour qui, « la montée en puissance des réussites de Stella Mare couronne des années de recherches à l’université ». Un beau cadeau d’anniversaire pour les 40 ans de l’institution.