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En panne de recrutement, les urgences de l’hôpital de Bastia ploient sous la charge


Paule Cournet le Mardi 2 Janvier 2024 à 11:15

Les fêtes de fin d’année ont mis en évidence une fragilité déjà ancienne de l’hôpital public. Si la problématique ne concerne pas seulement l’établissement bastiais, l’insularité représente, selon la direction, un handicap supplémentaire au recrutement d’effectifs de renfort, pourtant essentiels pour soulager des équipes au bord de la rupture.



Photo d'illustration
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Rien de nouveau sous le soleil. Et pourtant, la crise de l’hôpital public semble ne jamais devoir finir. Mis en évidence par la crise sanitaire du Covid, le malaise des soignants est bien antérieur à la pandémie. Alors salués comme des héros, ceux qui furent un temps applaudis sont au bord de l’épuisement. 
Au niveau national, la situation est des plus préoccupantes. D’études en témoignages, le ras-le-bol des personnels de santé, médecins et paramédicaux, s’affiche sans détour. Les chiffres sont criants de vérité. Le rapport de la commission d’enquête du Sénat, déposé en mars 2022, pointe « un malaise déjà très présent depuis plusieurs années. Effectué dans des conditions qui ne cessent de se dégrader, le travail hospitalier perd son sens aux yeux d’un nombre croissant de personnels,entraînant départs anticipés et insuffisance de recrutement ». Dans certains services d’urgences de
petits ou moyens établissements, partout en France, des fermetures ponctuelles ou prolongées minent le bon fonctionnement de la prise en charge.
En novembre 2019, quelques mois à peine avant la crise sanitaire donc, le Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, le reconnaît sans ambages : « La crise de l’hôpital est ancienne. Mais elle connaît depuis plusieurs mois une de ses phases les plus aiguës. Les personnels de santé n’en peuvent plus », affirme-t-il en présentant son Plan d’urgence pour l’hôpital. On ne peut nier, de fait, la prise de conscience des autorités face à la détérioration des conditions d’exercice en milieu hospitalier.
Mais de Ségur, de la Santé en loi Rist, les mesures semblent insuffisantes. Voire contre-productives. En clair, si l’hôpital tient depuis tant d’années, ce n’est que grâce à l’engagement de ceux qui n’ont que leur courage et leur détermination en bandoulière pour aller travailler tous les jours.

Découragement et épuisement
A l’hôpital de Bastia, le découragement et l’épuisement des équipes des services d’urgence ont franchi un nouveau palier à l’occasion de cette fin d’année. Moyens en berne, locaux inadaptés, encombrement des urgences pour de la « bobologie », hôpital devenu inapproprié aux besoins et à la démographie, et surtout manque cruel de renforts, les personnels sur place qui font face à une recrudescence des passages depuis l’été dernier, appellent à l’aide. Au bord de la rupture, de nombreux médecins et soignants ont déposé des arrêts maladie au cours du week-end de la Saint-Sylvestre. Afin d’assurer une prise en charge optimale des patients, la solidarité a fait son œuvre. « La communauté médicale s’est mobilisée pour venir en renfort des médecins urgentistes, confirme le directeur adjoint Frédéric Ebendinger. Nous avons pu renforcer les équipes et le service a ainsi pu fonctionner en charge normale avec plusieurs médecins venus en renfort par solidarité ».
Une solidarité qui n’empêche pas, bien entendu, de devoir trouver des
solutions de recrutement sur le long terme. Car si la problématique des ressources humaines ne touche pas que les établissements de Corse, l’insularité serait, selon la direction de l’hôpital, un frein supplémentaire au recrutement de
personnels en renfort.

Des recrutements de plus en plus difficiles
« Nous avons de plus en plus de difficultés à trouver des remplaçants au vu de la situation tendue dans de nombreux établissements. La question de la rémunération de ces effectifs entre également en ligne de compte. Et là, l’insularité joue énormément en notre défaveur. Il y a beaucoup de temps perdu dans les transports. Pour venir effectuer leur garde, ils doivent souvent arriver la veille et repartir le lendemain. Donc de nombreux personnels intérimaires préfèrent faire de la proximité de façon à être opérationnel le plus rapidement possible et de ne pas perdre de temps de salaire », justifie Frédéric Ebendinger qui explique par ailleurs qu’à ce jour, il n’existe pas de dispositif pour prendre en compte ce temps de transport.

En attendant que des situations plus pérennes soient trouvées, autorités et médecins en appellent au civisme des usagers afin d’éviter l’engorgement des urgences et ne pas mettre en péril un équilibre précaire dans la réponse qui doit être apportée à des besoins vitaux. « Il faut que les gens prennent l’habitude de composer le 15 pour être dirigés vers le lieu de soins le mieux adapté en fonction de leur pathologie. De nombreuses maisons de soins aujourd’hui desservent également le territoire », note le directeur adjoint de l’hôpital de Bastia.

Sourire aux lèvres malgré la tension, les infirmières en poste le soir de la Saint-Sylvestre ne laissaient rien paraître de leur mal-être. « Les urgences, c’est un état d’esprit, une passion », glissait l’une d’elle, au service des autres depuis plus de 13 ans.