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En immersion dans les réserves du musée de la ville de Bastia


Thibaud KEREBEL le Lundi 8 Mai 2023 à 13:58

Dédié à l’histoire de Bastia, le musée du Palais des Gouverneurs est l’un des lieux les plus touristiques de la ville. Mais en dessous des tableaux et des meubles offerts à la vue du public, se trouvent des milliers d’autres œuvres, stockées dans des réserves souterraines. Reportage.



Document CNI
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Les quelques centaines d’oeuvres et objets exposés au Palais des Gouverneurs ne constituent que la face émergée de l’iceberg. En effet, les sous-sols du musée de Bastia regorgent de 7842 articles référencés à l’inventaire, et destinés, ou non, à être dévoilés un jour aux visiteurs. « On a tendance à dire que 95 % du contenu d’un musée se trouve dans ses réserves », explique Alexandra Moretti, responsable de la gestion des collections et de la régie d’exposition. Alors, forcément, le stockage et l’entretien de ces trésors cachés occupe une place majeure dans l’organisation du lieu.

Concrètement, à Bastia, les oeuvres non exposées sont réparties dans six espaces différents, selon leur nature. « Il y a une réserve arts graphiques, une réserve textiles, une réserve peintures, une réserve fers/plâtres, une réserve bois/lapidaires, et une réserve dédiée aux expositions temporaires », énumère Alexandra Moretti. « Dans toutes les pièces, deux données doivent être absolument surveillées : la température et l’hygrométrie, sachant qu'on a des normes qui correspondent à chaque objet conservé. Par exemple, pour les fers/plâtres, il faut que la pièce se situe entre 18 et 22°C, avec 40 à 55 % d’humidité. » Une machine contrôle ces valeurs en temps réel, et signale le moindre problème nécessitant une rectification.

Au rayon des contraintes, les responsables du musée de Bastia doivent également composer avec des espaces de stockage limités. « Comme on est dans une forteresse génoise, c’est très beau, certes, mais la place est réduite. Par exemple, l’entrée des réserves est très étroite, et ça peut être problématique pour faire entrer ou sortir des œuvres. On a donc une réserve extérieure, qui permet d’entreposer des objets de taille importante. »

« Chaque musée local a sa Joconde »

Et même si plusieurs milliers de références sont dénombrées dans les souterrains de Bastia, pas question d’y faire entrer n’importe quoi. « Lors de l’acquisition d’une œuvre, on prend en compte l’intérêt scientifique, la valeur patrimoniale, et évidemment le coût. Les projets d’acquisition passent devant une commission consultative, et même pour les objets qui sont donnés, il faut forcément une étude préalable », explique Alexandra Moretti.

À Bastia, l’oeuvre dotée de la plus grande valeur financière est un triptyque de Corrado Giaquinto, issu de la collection Fesch. Mais puisque l’intérêt culturel prime sur la valeur pécunière, l’emblème du musée serait plutôt le portrait du doge Luca Giustiniani ou le bois doré représentant la Vierge de l’Immaculée Conception. « Chaque musée local a sa Joconde ! »

Justement, entre les œuvres star, exposées au grand jour dans les collections permanentes, et celles stockées en réserve, les échanges sont peu fréquents. « Depuis 2016, on a une trentaine d’oeuvres qui ont été rajoutées au parcours permanent. La majorité des collections sont dans les réserves », développe Alexandra Moretti. « Mais les réserves, ce ne sont pas des espaces passifs, ce sont des espaces de vie. D’abord, ça sert à entreposer, donc à conserver. Mais ça permet aussi l’étude des collections, voire leur restauration. »

« On a vocation à devenir un musée d’histoire de la Corse »

En ce moment, les réserves du palais sont d’ailleurs au centre de l’attention, puisque le musée entre en pleine phase de mutation. « Actuellement, on est un musée d’histoire de la ville, et on a vocation à devenir un musée d’histoire de la Corse », explique Sylvain Gregori, le conservateur. « Donc on a revisité le parcours permanent, en ouvrant un peu plus l’histoire de Bastia sur l’histoire de la Corse et de la Méditerranée en général. Ça passe notamment par l’achat de beaucoup d’oeuvres : récemment, on a acquis plusieurs portraits de personnages historiques du 18e siècle. »

« On est en plein dans la bascule », complète Alexandra Moretti. « Avant, on était un musée d’ethnologie, qui tendait à refléter la vie des Corses et des Bastiais à des époques différentes. Là, on tend vraiment à devenir un musée d’histoire, de manière plus générale. »

À noter que le musée de Bastia accueillera une nouvelle exposition temporaire en 2023. À l'occasion des 80 ans de la libération de la Corse, l'exposition « Corsica 39-45 - Les Corses et la Deuxième Guerre mondiale » sera inaugurée au mois de juillet prochain, et sera tiendra jusqu'en décembre.