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Des drones au service de l’agriculture corse


Jeanne Leboulleux-Leonardi le Samedi 2 Mars 2024 à 20:36

Implantée à Aleria, la société Aero-Drone-Service développe aujourd’hui son activité dans le domaine de la viticulture et de l’arboriculture : une façon de mettre les technologies modernes au service de l’agriculture…



crédits photos : Aero-Drone-Service
crédits photos : Aero-Drone-Service

« Dans la tête des gens, le drone, c’est un jouet que l’on offre pour Noël, explique Philippe, l’un des trois associés de l’entreprise. Alors que pour nous, un drone, c’est un outil ! On ne parle pas des mêmes appareils ! C’est de la très haute résolution ! En fait, je nous définirais comme des spécialistes de l’imagerie aérienne. » 

Lorsqu’en 2016, Gérard Valery crée l’entreprise, c’est bien parce qu’il comprend qu’un véritable marché commence à se développer pour le drone dans ce domaine : « J’ai pensé à l’époque qu’il y avait quelque chose à faire avec ça : vidéos, photos, photogrammétrie – c'est-à-dire de l’imagerie en 3D » 

Il suit une formation de télépilote pour acquérir les compétences nécessaires au pilotage de drone : « A l’époque, c’était un brevet théorique d’ULM qui donnait le certificat d’aptitude de télépilote. Maintenant, il existe un brevet spécifique pour les drones. »

 

Une première diversification dans la formation

Puis il effectue des missions dans différents domaines : reportages vidéo ou photo ; mais également travaux plus techniques : thermographie, topographie… « Aujourd’hui, avec notre géomètre Stéphane, nous sommes capables de faire des levés topographiques par drone et d’analyser les images pour donner à nos clients un plan topographique de leurs terrains, sur la base du plan cadastral. Nous faisons également du suivi de carrières, avec des calculs de cubatures ».

 

Fort de cette expérience, le créateur de l’entreprise monte en compétences. De ce fait, « en 2019, j’ai créé un centre de formation... Cela faisait une corde de plus à mon arc… ». Une façon de se diversifier et de se développer au-delà du premier axe BTPavec la volonté de rester « à taille humaine » : « On prend une ou deux personnes en stage à la fois, pas plus, pour garantir la qualité de la formation. »  

La loi oblige en effet ceux qui veulent devenir télépilotesprofessionnels à réussir un examen théorique, sous l’égide de la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) – et à effectuer un minimum de dix heures de pilotage de drones, certificat à l’appuiLe centre de formation d’Aero-Drone-Service permet tout à la fois de préparer l’examen théorique et de pratiquer, pour obtenir le certificat nécessaire. En fonction du niveau initial des stagiaires mais également de leur objectif – certains veulent simplement pratiquer la discipline pour leurs loisirs –, on leur propose des formations de deux, trois, cinq ou dix jours. Les stagiaires viennent même du continent : « En Corse, nous avons un avantage : il y a la mer et la montagne, précise Philippe. Et ce sont deux styles de vol différents auxquels ils peuvent se former ici. »

 

Une caméra multispectrale adaptée au végétal

Cette même année 2019, Gérard Valery pense également à se diversifier dans le domaine de l’agriculture. Sur le continent, les agriculteurs faisaient en effet déjà appel à la technique des drones : « Ça a commencé avec les grandes cultures : le blé, le colza. Puis les viticulteurs et les arboriculteurs s’y sont mis… Alors en 2019, j’ai organisé une réunion au Corsic’Agropole de San Ghjulianu. J’avais fait venir des arboriculteurs et des viticulteurs pour leur expliquer ce que je pouvais faire. » Une première mission sera effectuée pour un agrumiculteur, avec un bilan de santé de ses plantations, assorti d’un suivi trois années durant. « Il était hyper-satisfait ! » se souvient Philippe qui venait de rejoindre la société, séduit par toutes les possibilités qu’offrait la méthode, surtout dans un contexte, précise-t-il, où les techniques ancestrales risquent de ne plus bien fonctionner du fait du changement climatique. « Cela permet d’être plus pointu, en réalisant des analyses simples, d’agir en préventif pour améliorer le système cultural ». 

La société dispose d’un drone à caméra multispectrale, conçu pour photographier le végétal. Elle s’appuie sur un agronome indépendant qui a conçu son propre logiciel et réalise l’analyse des données. Initialement, les données étaient envoyées sur le continent. « Et puis on s’est dit, il faut qu’on puisse proposer des solutions en Corse, pour les Corses, par des Corses. C’est pour ça qu’on a pris un ingénieur agronome ici, qui connaisse mieux les problématiques, le pays, son climat. C’est un gros avantage. »


Crédit photo Pixabay
Crédit photo Pixabay

Anticiper les maladies

Les analyses permettent d’informer les producteurs sur les éventuels stress rencontrés par les plantes : stress lié à l’eau, au soleil, à la chaleur pour que l’agriculteur soit en mesure d’intervenir avant que ne se développent de possibles maladies. L’objectif est également d’ajuster les apports en eau ou en intrants aux besoins des plantes. Le système ne prend pas de décision à la place de l’agriculteur : « On n’est pas là pour dire ce qu’il faut faire ». Il permet simplement de lui fournir une information pour anticiper. « Nous adaptons le travail réalisé aux questions que se pose l’agriculteur, à ses demandes : comparaison entre des plantations situées sur des terrains différents, analyse de l’état de santé des parcelles, informations sur l’état de maturité des raisins pour choisir à quel moment vendanger, analyse de l’état d’hétérogénéité ou d’homogénéité des plantations sur les parcelles… »

Une information qui est d’autant plus précise que la technique permet de travailler sur une multiplicité d’images : avec des photos toutes les trois secondes, le drone fournit de 100 à 3 000 clichés, voire plus, en fonction de la surface et de sa hauteur de vol. 

 

L’idée de faire intervenir des drones dans le domaine agricole fait son chemin petit à petit. « En fait, peu importe l’outil qu’on utilise pour obtenir l’information, précise Philippe. Ce qui compte, c’est le résultat : le bilan qu’on peut apporter, en permettant notamment d’économiser de l’argent, d’aller vers quelque chose de plus raisonné. » 
Plusieurs viticulteurs corses vont finalement opter pour la méthode : des survols de plusieurs plantations sont en cours actuellement et d’autres sont prévus juste avant l’été. « Nous sommes également en contact avec des arboriculteurs, pour finaliser les méthodes. »Les mentalités changent et les nouvelles techniques finissent par trouver des adeptes…