Corse Net Infos - Pure player corse

Dérives mafieuses en Corse : les travaux de la commission permanente ont démarré


Naël Makhzoum le Vendredi 17 Février 2023 à 21:14

Ce vendredi 17 février, les premiers ateliers thématiques initiés à la suite de la session de l'Assemblée de Corse sur les dérives mafieuses ont débuté. Le début d'un long processus de travail, qui s'étalera encore sur plusieurs mois avec un diagnostic à effectuer et des solutions à imaginer.



"On avance, on va avancer. Je suis très confiant." Co-fondateur du collectif "Maffia No', A Vita iè", Léo Battesti se réjouit de ce premier après-midi d'échanges autour des dérives mafieuses. Une première concrétisation de la décision prise par l'Assemblée de Corse, le 18 novembre dernier, lors de sa session extraordinaire dédiée à la problématique, de mettre en place cinq ateliers thématiques.

« Éthique et politiques publiques », « Secteurs économiques particulièrement exposés », « Drogues, commerces illicites », « Dérives mafieuses » et « Enjeux éducatifs, culturels et sociétaux » ont donc été évoqués durant deux heures, après une première heure durant laquelle la Commission permanente a débuté ses travaux.

Un coordinateur et deux rapporteurs ont été désignés pour chaque atelier. Le but : établir un diagnostic précis, avant d'auditionner des experts et de mener des études. Tout cela avec pour objectif de déboucher, à terme, sur des propositions de solutions envisageables dans chacune des cinq thématiques déterminées. 

"C'est un échange avec des gens qui ont des trajectoires, des positionnements différents, il y a une intelligence collective qui se crée, assure Léo Battesti, juste après avoir participé à la commission « Éthique et politiques publiques ». On discute à bâtons rompus de l'emprise mafieuse et de l'historique de la mafia. Il y a de telles évidences qu'il faut s'organiser contre un système de prédateurs que tous les gens qui veulent une Corse de l'honnêteté, du travail, du respect de l'autre, s'y retrouveront forcément."

Un consensus, vraiment ?

Chez tous, la motivation de parvenir à un consensus semble dominer. "Les choses se déroulent de manière sereine, réfléchie et chacun mesure combien les dérives mafieuses sont au cœur de nos préoccupations collectives, renchérit Marie-Antoinette Maupertuis, présidente de l'Assemblée de Corse. Chacun a envie d'avancer et de mettre en œuvre un processus co-construit avec la société civile, le CESEC, l'Assemblea di a Giuventù, le Conseil exécutif et l'Assemblée de Corse."

Mais comment espérer parvenir au point d'équilibre et de concessions tant attendu, quand certaines divergences sont aussi prononcées ? Notamment sur la question de l'arsenal législatif, immuable pour la Ligue des Droits de l'Homme, lorsque les collectifs anti-mafia en prônent un renforcement indispensable pour une lutte efficace.

"Il y aura forcément des débats à avoir en matière pénale mais là aussi, ça avance incontestablement, rassure Léo Battesti, sans oublier d'abonder en son propre sens. De plus en plus de gens savent qu'il faut adapter le droit pour répondre au défi de la mafia qui, depuis très longtemps, sait utiliser les ficelles et les failles du droit actuel. Aux échecs, il y a une phase célèbre qui dit : "la menace est plus forte que l'exécution". Aujourd'hui, des gens usent de cela pour intimider et avoir tout pour eux."

"Pas là pour discuter dans le vent"

De toute manière, la simple existence de ces ateliers est déjà un grand pas pour les collectifs anti-mafia, dont la voix est longtemps restée muette face aux instances politiques. "Même si les quatre mois de travail qu'il nous restent me semblent bien courts pour définir véritablement le mal qui ronge notre société et proposer des outils d'action, tempère Marceddu Jureczek, membre du collectif Massimu Susini affecté à l'atelier « Enjeux éducatifs, culturels et sociétaux ». Nous savons très bien que le travail est à poursuivre, il sera de très longue haleine et sur plusieurs années."

Les interrogations restent en effet prégnantes, notamment pour ce collectif qui a frappé un grand coup en se retirant en début de semaine du Comité citoyen d'évaluation des politiques publiques (CEPP). "Les personnes de la Collectivité doivent prendre leurs responsabilités, nous ne sommes pas là pour discuter dans le vent, clame Marceddu Jureczek. Il est temps de prendre des décisions fortes concernant la société corse. La collectivité doit s'impliquer car il y a beaucoup de choses à faire, des outils à bâtir pour tracer une perspective pour la jeunesse de demain."

"Je ne peux que regretter ce choix mais je pense qu'il faut déconnecter les choses, répond Marie-Antoinette Maupertuis. Le collectif Massimu Susini était présent aujourd'hui, très actif, contributeur et bien décidé à peser dans la discussion." 

Reste que toutes les forces en présence démarrent maintenant la phase concrète. Le diagnostic qui naîtra à l'issue de tous ces ateliers devrait être établi à la fin du mois de mars.