Photo archives CNI
La dimension spirituelle de la table
Chaque région de Corse depuis des temps immémoriaux témoigne d'une foi profonde à la mémoire des morts. Au-delà des offices religieux, des chrysanthèmes, des visites des cimetières, le culte des morts se retrouve dans l'intimité des maisons.
Dans la nuit du 1er au 2 novembre, les disparus sont censés revenir voir si leur place existe toujours dans la maison. Pour témoigner de leur mémoire, les vivants déposent sur la table des offrandes.
"Autrefois, pour la Toussaint, on allumait un feu à l'extérieur, et on déposait des coupelles d'eau devant la porte des maisons. L'eau, symbole du passage, de la transformation comme l'eau que l'on reçoit pour le baptême, transformation de l'état de mort qui entre dans le monde des vivants" explique Dominique Colonna enseignante et spécialiste des traditions culinaires corses. "Aujourd'hui, on retrouve ces traditions qui ont un peu évolué, mais la dimension spirituelle de la table perdure, le feu a laissé la place à la bougie blanche allumée sur la table dans la nuit du 1er au 2 novembre." E ballotte, les châtaignes bouillies, des pommes, mais aussi des gâteaux sont déposés sur la table en offrande aux disparus. Ces gâteaux des morts ont des déclinaisons différentes selon les régions, et leur symbolique très forte évoque le partage entre deux mondes parallèles qui se côtoient le temps d'une nuit.
Bastelle, ciaccia, pane di i morti et salviata
Dans le Sartenais, e bastelle est une tourte de couleur brune. Entre les deux épaisseurs de la pâte, on dépose une farce avec du brocciu passu, ce fromage est conservé depuis le mois de mars et ne servira qu'à la préparation des bastelle. La symbolique montre que la Toussaint n'est pas le seul moment où on pense aux défunts, car la conservation de quelques mois préalable à la confection des bastelle est révélatrice du souvenir continu des disparus au sein de la maison.
À l'approche di i Santi, le brocciu passu qui a séché est mis à tremper dans l'eau, il retrouvera alors une consistance plus molle, ici l'eau est encore le passage d'un état à un autre. Le sucre et des raisins secs ajoutés au brocciu donnent une touche douce au goût particulier au fromage vieilli.
A Levie, on trouve une variante de ces bastelle que l'on fourre avec des pommes de terre. "A Petrettu, on fait la ciaccia ou bastelle, ce gâteau avec le brocciu auquel on ajoute des raisins frais. La symbolique est présente à travers le fromage sec auquel on redonne la qualité du brocciu frais, c'est un peu la résurgence de la vie sur la mort" détaille Dominique Colonna.
La forme ronde des gâteaux n'est pas non plus anodine, ainsi u pane di i morti à Bonifaziu est un petit pain rond et ce n'est pas un hasard. Le cercle, signe du recommencement éternel, est aussi une représentation porteuse de sens. Les ingrédients comme le visuel de ces pâtisseries sont toujours révélateurs d'une symbolique.
A salviata, est le gâteau le plus répandu dans les régions du Cismonte. Sa forme en 's' offre plusieurs interprétations que nous livre Dominique ' le 'S' pour mettre en évidence qu'il s'agit d'un gâteau à base de sauge, et on connaît la symbolique de cette plante qui a toujours eu des vertus liées à l'occulte. La sauge, a salviaqui apaise 'l'anime perse' et au-delà de la Corse cette plante est utilisée pour la purification des espaces terrestres'. Mais le 'S' aussi pour évoquer le Sauveur'. De nos jours, on aromatise a salviata avec du citron, des amandes ou des noisettes. La tradition s'adapte pour surprendre les palais plus exigeants des vivants, à moins que ces nuances aromatiques ne soient plus qu'une adaptation commerciale éloignée de sa valeur originelle, qui s'appuie sur l'immortalité de l'âme.
Chaque région de Corse depuis des temps immémoriaux témoigne d'une foi profonde à la mémoire des morts. Au-delà des offices religieux, des chrysanthèmes, des visites des cimetières, le culte des morts se retrouve dans l'intimité des maisons.
Dans la nuit du 1er au 2 novembre, les disparus sont censés revenir voir si leur place existe toujours dans la maison. Pour témoigner de leur mémoire, les vivants déposent sur la table des offrandes.
"Autrefois, pour la Toussaint, on allumait un feu à l'extérieur, et on déposait des coupelles d'eau devant la porte des maisons. L'eau, symbole du passage, de la transformation comme l'eau que l'on reçoit pour le baptême, transformation de l'état de mort qui entre dans le monde des vivants" explique Dominique Colonna enseignante et spécialiste des traditions culinaires corses. "Aujourd'hui, on retrouve ces traditions qui ont un peu évolué, mais la dimension spirituelle de la table perdure, le feu a laissé la place à la bougie blanche allumée sur la table dans la nuit du 1er au 2 novembre." E ballotte, les châtaignes bouillies, des pommes, mais aussi des gâteaux sont déposés sur la table en offrande aux disparus. Ces gâteaux des morts ont des déclinaisons différentes selon les régions, et leur symbolique très forte évoque le partage entre deux mondes parallèles qui se côtoient le temps d'une nuit.
Bastelle, ciaccia, pane di i morti et salviata
Dans le Sartenais, e bastelle est une tourte de couleur brune. Entre les deux épaisseurs de la pâte, on dépose une farce avec du brocciu passu, ce fromage est conservé depuis le mois de mars et ne servira qu'à la préparation des bastelle. La symbolique montre que la Toussaint n'est pas le seul moment où on pense aux défunts, car la conservation de quelques mois préalable à la confection des bastelle est révélatrice du souvenir continu des disparus au sein de la maison.
À l'approche di i Santi, le brocciu passu qui a séché est mis à tremper dans l'eau, il retrouvera alors une consistance plus molle, ici l'eau est encore le passage d'un état à un autre. Le sucre et des raisins secs ajoutés au brocciu donnent une touche douce au goût particulier au fromage vieilli.
A Levie, on trouve une variante de ces bastelle que l'on fourre avec des pommes de terre. "A Petrettu, on fait la ciaccia ou bastelle, ce gâteau avec le brocciu auquel on ajoute des raisins frais. La symbolique est présente à travers le fromage sec auquel on redonne la qualité du brocciu frais, c'est un peu la résurgence de la vie sur la mort" détaille Dominique Colonna.
La forme ronde des gâteaux n'est pas non plus anodine, ainsi u pane di i morti à Bonifaziu est un petit pain rond et ce n'est pas un hasard. Le cercle, signe du recommencement éternel, est aussi une représentation porteuse de sens. Les ingrédients comme le visuel de ces pâtisseries sont toujours révélateurs d'une symbolique.
A salviata, est le gâteau le plus répandu dans les régions du Cismonte. Sa forme en 's' offre plusieurs interprétations que nous livre Dominique ' le 'S' pour mettre en évidence qu'il s'agit d'un gâteau à base de sauge, et on connaît la symbolique de cette plante qui a toujours eu des vertus liées à l'occulte. La sauge, a salviaqui apaise 'l'anime perse' et au-delà de la Corse cette plante est utilisée pour la purification des espaces terrestres'. Mais le 'S' aussi pour évoquer le Sauveur'. De nos jours, on aromatise a salviata avec du citron, des amandes ou des noisettes. La tradition s'adapte pour surprendre les palais plus exigeants des vivants, à moins que ces nuances aromatiques ne soient plus qu'une adaptation commerciale éloignée de sa valeur originelle, qui s'appuie sur l'immortalité de l'âme.