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DOSSIER. Noël d'antan en Corse, le vrai sens de la fête


J.C. le Dimanche 18 Décembre 2022 à 19:28

Les guirlandes lumineuses, les sapins décorés, les cadeaux en abondance, Noël est devenu une fête commerciale, surconsommation et apparat sont à l'honneur. Noël autrefois était une fête attachée aux valeurs simples. En Corse, la veillée de Noël était marquée par des traditions qui portaient une identité cultuelle loin de la société de consommation actuelle. Le solstice d'hiver, la Nativité, les réunions familiales : on fêtait ce temps avec simplicité.
Les témoignages des Noëls d'antan se rejoignent, ils ravivent des souvenirs qui évoquent le vrai sens de la fête.



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Le solstice d'hiver et la Nativité, de l'obscurité à la lumière
Les premiers jours du mois de décembre sont les plus courts de l'année, on considérait ces jours comme la période de l'obscurité, jusqu'au solstice d'hiver, le 21, où les jours commencent à rallonger.
Au IV siècle , le Christianisme vient réinterpréter le solstice d'hiver comme la naissance de la lumière évoquée par la Nativité de Jésus, symbole de la lumière. Sur toute l'île, on retrouve une ancienne tradition, celle di u focu di Natale. "Dans l'Orezza les jeunes faisaient un feu devant l'église, ce feu était sacré, il ne servait pas à nous réchauffer, mais c'était la lumière ,un trait d'union entre le monde des morts et celui des vivants. Pour nous, quelle joie de voir u focu di Natale. Après la messe, à la maison, mon père mettait une très grosse bûche dans la cheminée, c'était u ceppu di Natale, il fallait que le feu dure toute la nuit'." se rappelle Judith, originaire de la Castagniccia, aujourd'hui âgée de 70 ans.

Selon les microrégions, ce feu qu'on appelle rochju, capifocu, fucareccia ou encore u fucone di Natale est un rite collectif qui a une symbolique forte lors de la veillée de Noël, il est le lien avec les morts auxquels toujours on donne une place dans le monde des vivants.

De son enfance à Canale, Julie remémore que tout le village allait à la messe de minuit, et le matin du 25 aussi, Noël était avant tout la fête de la Nativité. "Ma mère nous mettait nos habits et nos chaussures du dimanche".

Les souvenirs des Noëls d'enfance ont le goût de la nostalgie, ces instants qu'on aime se remémorer avec tendresse, les fruits secs, figues ou noix, et l'orange, des cadeaux que tous appréciaient et qu'ils découvraient le matin "nos parents mettaient une orange dans nos chaussures, le matin quand on avait chacun notre orange, on était content, on ne connaissait rien d'autre. Aujourd'hui, quand j'en parle on pourrait dire que je suis une imbécile, mais cette orange ça nous suffisait. Il y avait peu d'argent et souvent les fratries étaient nombreuses et puis au village, Noël c'était avant tout la naissance di u bambinu" se remémore Julie.


La représentation de la Nativité, l'albitru è u prisepiu
Dans certains villages, la crèche n'est représentée qu'à l'église, dans d'autres u prisepiu est présent dans les maisons. Sa décoration est rudimentaire, la mousse ramassée dans la campagne et des branches d'olivier entourent les quelques santons. On place devant la crèche une coupelle dans laquelle a germé le blé de la sainte Barbe, cette tradition encore très répandue, augure d'une année prospère pour la famille.

L' arbousier, l'arbuste magique de Corse, symbole d'éternité grâce à son feuillage toujours vert, se trouvait dans toutes les maisons, à la manière du sapin de Noël ses petits fruits avaient l'apparence des boules décoratives "on le décorait avec le papier brillant du chocolat, on en faisait des petites boules et on les accrochait à l'arbousier". détaille Judith avec un peu de nostalgie. De nos jours, on pratique encore cette tradition, même si on a réactualisé l'arbousier en le décorant de guirlandes.

Dans les années 50, l'arrivée du Père Noël amène une évolution du traditionnel Noël in paese, les premiers jouets font leur apparition, petit chariot en bois, poupée de chiffon, dînette"la première fois que j'ai vu un sapin de Noël décoré, c'était à l'usine de tanin à Fulelli, on n'en croyait pas nos yeux, c'est là que j'ai eu mon premier jouet, ghjallicu simule ùn n'aviamu mai vistu, ma noi aviamu u nostru albitru cù u nostru prisepiu."

Entre simplicité et tradition, le Noël d'autrefois dure encore à travers ces belles coutumes populaires, le feu continue de brûler devant des églises, l'arbousier n'a pas tout à fait disparu des maisons, il ne reste plus qu'à espérer avoir une orange dans nos souliers.

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