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DOSSIER. Dans le secret des prières corses de Noël : capaghjina, focu, ingurgatura et ochju


J.C. le Dimanche 18 Décembre 2022 à 19:33

La nuit de Noël, un moment magique où l'imaginaire merveilleux s'extasie pour les plus jeunes de la venue du Père Noël et du cadeau dont on rêvait. Pour d'autres, cette nuit est un instant pendant lequel on côtoie une dimension spirituelle, un voyage intrinsèque, un cadeau offert par des ancêtres qui donne des pouvoirs de guérisseur, on devient alors signadore. Il y a 40 ans, Lesia Lepidi a reçu de sa grand-mère cet héritage immatériel. Signadora, elle conjure le mauvais sort, apaise et transmet les prières, un impalpable présent dans un espace de traditions toujours vivace.



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Lorsqu'on parle de magie blanche, les avis sont souvent bouillonnants, certains en rient, d'autres s'interrogent. Si elle est par définition, une pratique basée sur des croyances et des forces surnaturelles qui permettent d'agir sur le monde matériel par l'utilisation de rituels spécifiques, alors nombre de témoignages en Corse accréditent cette vision. 

"Les prières, que mes aïeux m'ont transmises, ont une dimension qu'on n'explique pas. explique Lesia. Plus que de la magie blanche, elles font partie de notre patrimoine culturel et de nos traditions et j'avais la volonté tenace de les apprendre. La première prière que j'ai apprise c'est l'ochju, j'avais 15 ans et c'est à mon initiative que ma grand-mère Risabetta me la transmise. Devenir signadore n'est pas simplement perpétuer une tradition, mais un désir profond qui est en vous." 

Ces nombreuses prières, utilisées pour enlever un mauvais sort, guérir une sciatique ou une migraine, soulager une brûlure mais aussi soigner des animaux, sont des secrets bien gardés. "On ne peut dévoiler ces prières que le soir de Noël à partir de minuit, et elles doivent se transmettre d'ochju à ochju, car aujourd'hui on adapte tout à la modernisation, on les transmet par téléphone et bientôt peut-être il y aura des tutos. Mais il ne s'agit pas seulement d'apprendre des prières parce que c'est dans l'air du temps et on se rend compte que de plus en plus de personnes veulent apprendre, mais n'est pas signadore qui veut, ce n'est pas simplement dire une prière en soi, mais invoquer la dimension divine pour apaiser un mal'." détaille la signadora.

Ochju, capaghjina, focu è ingurgatura 

Si l'Église ne reconnaît pas ces prières incantatoires, il existe cependant un lien entre le sacré et le profane, car le signadore doit être avant tout croyant, de plus les rituels qu'il utilise sont basés sur le chiffre 3, sans doute une évocation de la Trinité. Pendant la nuit de Noël, le signadore dira 3 fois la prière à voix basse pour la transmettre à ceux qui le souhaitent. "Pour signer l'ochju, il est important d'avoir une assiette blanche dans laquelle on a mis de l'eau. En faisant la prière, on jette des gouttes d'huile et le signadore lit dans l'assiette le message transcrit par l'huile. On signe toujours en chiffre impair,1 ou 3, mais jamais on ne doit s'arrêter à 2. Si l'ochju persiste, on signe à nouveau la personne 3 heures après'."détaille Lesia. 


Migraine, brûlure, mal de gorge, sciatique , mais aussi saignement, chacun de ses maux a une prière qui lui est propre, et il arrive que certains services de médecine fassent appel aux signadore, bien sûr il est inconcevable d'affirmer que le signadore guérit tout, mais il est d'une certaine manière un complément qui n'a aucun effet secondaire. "Dernièrement, j'ai signé u focu pour une infirmière travaillant en milieu hospitalier qui souffrait du zona, je n'ai pas la prétention de guérir, mais j'ai apaisé les sensations de brûlure de son affection, quelques heures après l'avoir quittée j'ai ressenti une sorte de libération pour elle." témoigne Lesia.

Les prières sont de transmission orale ainsi que le rituel qui les accompagne, plus ou moins long, elles sont inscrites dans la mémoire du signadore. La croyance dit que si le signadore ne retient pas une prière, c'est qu'il n'était pas en mesure de la signer, "je n'ai pas retenu la prière de la sciatique pourtant très courte'" explique Lesia qui souhaiterait cette année apprendre la prière di u sangue "Deux jours avant de partir en voyage, je disais à mon fils qu'il fallait que j'apprenne à signer u sangue. Alors que rien ne le laissait présager, dès mon arrivée sur le continent, j'ai fait la connaissance d'une personne qui m'a tout de suite dit qu'elle était signadore et qu'elle signait u sangue. Pourquoi a-t-elle évoqué son don avec moi et pourquoi me parler instantanément di u sangue, il faut croire que le hasard n'existe pas..." 
La magie, par contre...


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