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DOSSIER. Changement climatique en Corse : "Il faut que chacun fasse sa part, il y a urgence"


le Dimanche 13 Novembre 2022 à 19:14

Alors que la COP27 réunit les grands acteurs internationaux à Charm el-Cheikh jusqu’au 18 novembre, beaucoup s’interrogent aujourd’hui sur les retombées concrètes de ce sommet, même s’il est présenté comme une opération de la dernière chance. En parallèle, au quotidien, les nombreuses associations de défense de l’environnement corses continuent d’œuvrer pour tenter d’agir concrètement contre le réchauffement climatique. Elles déplorent toutefois une prise de conscience toujours compliquée face à ce péril et de grosses difficultés à faire évoluer les choses. Lassées mais toujours combatives, elles continuent sans relâche le combat pour la planète. Avant qu’il ne soit trop tard



Photo archives CNI. La tempête du 18 aout
Photo archives CNI. La tempête du 18 aout
« La COP27 comme toutes les associations, on regarde cela de loin. Nous sommes un peu fatigués ». Depuis l’Extrême-Sud de la Corse, Laurence Constantin, co-fondatrice et présidente de l’ONG Global Earth Keeper, exprime toute la lassitude des structures de défense de l’environnement face à des questions climatiques qui n’avancent pas, malgré la multiplication des sommets internationaux. Elle croit ainsi peu en ce qui pourrait émerger du sommet. « Il y aura beaucoup de promesses, comme d’habitude. Mais ensuite, très peu s’y tiennent, car sous la pression des lobbys tout s’effondre », souffle-t-elle. 
 
Afin d’envoyer un message fort aux dirigeants, samedi les marches pour le climat se sont multipliées un peu partout sur le globe, suite à un appel mondial de mobilisation citoyenne. Un mouvement qui a eu peu d’échos en Corse. « C’est vrai qu’habituellement nous organisons des manifestations, mais cela fait quelque temps ne faisons plus rien. Nous sommes un peu dans la désespérance », confie Muriel Segondy, porte-parole de l’association de défense de l’environnement Le Garde, en pointant un mode de mobilisation qui lui semble désormais peu adapté. « Les manifestations ont eu leur temps de fonctionnement, mais désormais cela ne mobilise plus. Les gens sont fatigués de défiler en brandissant des pancartes », appuie Laurence Constantin.
 
Alors au quotidien, depuis les quatre coins de l’île, les associations reprennent leur bâton de pèlerin et tente d’alerter par d’autres biais sur l’impact qu’aura demain l’évolution climatique. Avec plus ou moins de succès. « En fin d’année dernière, nous avions organisé une soirée sur le changement climatique avec Patrick Rebillout, de Météo France, à Ajaccio. Nous avions invité des élus, mais nous n’avons vu personne », regrette Muriel Segondy. « Nous ne savons plus quelle posture adopter vis-à-vis du public, car on ne sait plus ce qui va faire réagir. En tant qu’association, nous avons un travail de lobbying auprès des députés pour essayer de faire avancer des lois, mais c’est épuisant et usant. Mais à côté de cela, nous souhaiterions avoir des actions un peu plus coup de poing qui fassent avancer les choses. Nous avons besoin de voir que cela bouge », lance pour sa part Laurence Constantin, tandis que Muriel Segondy reprend :« Nous sentons bien que c’est un problème que tout le monde connait. Tout le monde sait, mais personne ne veut voir. Nous essayons de faire prendre conscience que chacun peut avoir une influence sur le sujet dans ses actes d’achat, dans ses comportements au quotidien, en évitant d’acheter des produits qui viennent de l’autre bout de la Terre, de faire des voyages inutiles, ou en s’interrogeant sur ses besoins avant de s’acheter 5 paires de chaussures par an. Il faut rentrer dans une sobriété assumée sans se priver. Mais c’est un problème très complexe et je crois que tout le monde préfère mettre la tête dans le sable que de voir ce qu’il faudrait faire ».
 
Les associations regrettent d’autant plus que face à ce problème, connu depuis les années 1970, la prise de conscience soit encore si compliquée. « À l’époque, on avait le temps de se retourner, aujourd’hui nous sommes dans l’urgence », siffle la porte-parole de Le Garde, « On a consommé notre Terre comme si elle se renouvelait sans cesse. Mais nous ne pouvons plus vivre comme cela en faisant de la prédation sur notre Terre qui n’est plus capable de se renouveler ». Laurence Constantin alerte pour sa part sur un « mur qui arrive à 100km/h, alors qu’à côté nous avançons à 2km/h ». « Le fait de voir les scientifiques qui sortent de leurs bureaux pour aller se mettre en danger devant les projecteurs afin de dire que maintenant il y a assez eu d’études, cela en dit long sur l’urgence. On ne peut plus se voiler la face. C’est terrible d’en arriver là », pose-t-elle en déplorant : « Les gestes ne sont pas à la hauteur des enjeux. C’est étrange qu’il n’y ait pas assez de prise en conscience surtout qu’on ne passe pas un jour sans parler de ce qui nous attend. Les gens s’intéressent au sujet quand cela ne leur demande pas de changer leur quotidien, mais c’est plus compliqué quand ils doivent faire des efforts. J’en viens à me dire que si on n’agit pas, on aura que ce qu’on mérite. Ce qui me fait de la peine c’est les conséquences que cela aura sur tous les animaux qui n’ont rien demandé et à qui on fait subir toute notre bêtise assassine. Je pense que nous sommes beaucoup à en être à ce stade aujourd’hui ». 
 
Face aux sombres évolutions annoncées pour les décennies à venir, les deux militantes tirent la sonnette d’alarme sur ce qui nous attend. « En Corse, on voit bien ce qu’il se passe, c’est flagrant. Des chaleurs telles que celles que nous vivons encore en novembre ce n’est pas normal. Il va aussi falloir s’habituer aux tempêtes violentes », avertit Muriel Segondy. Elle regrette qu’à côté de cela des problèmes structurels continuent d’entrainer l’île dans cette spirale. « La région produit beaucoup de gaz carbonique à cause de son système de production électrique, et puis nous avons aussi les bateaux, et tout le tourisme de masse qui engendrent aussi beaucoup de gaz carbonique. Il y a toutefois un problème qu’on pourrait régler facilement en changeant les comportements, c’est le brulage des déchets qui créé également beaucoup de gaz carbonique. Et puis, c’est vrai que l’on devrait produire bien davantage de produits alimentaires ici, sans les faire venir du continent ou d’ailleurs comme on le fait. Chacun peut faire son petit bout du chemin. Nous devons penser à demain, à nos enfants. Mais certains restent encore dans une douce inconscience », fustige-t-elle. 
 
La présidente de l’ONG Global Earth Keeper, dont le slogan est « transforme ta compassion en action », alerte pour sa part sur deux points particulièrement importants à ses yeux. « Tout d’abord les migrations que le changement climatique entraine.  Elles existent déjà et vont devenir de plus en plus importantes. Nous allons être obligés d’organiser la réception de ces personnes qui vont se compter par millions d’ici 2050. Et puis, il y a l’océan. Il faut que la pollution maritime due aux effets des émissions des échappements et la pollution sonore sous-marine soit endiguée. On devrait vraiment mettre l’accent sur la protection de la mer qui est un puits de carbone, on n’en parle pas assez ».
 
Et les deux femmes de conclure : « Il est encore changer les choses, mais c’est vraiment le dernier créneau. Il faut que chacun fasse sa part, il y a urgence ».