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Corsica Libera avant les Ghjurnate internaziunale de Corte : "l'autonomie, ce n'est pas la liberté"


David Ravier le Mardi 1 Août 2023 à 10:45

À quelques jours du début de la 41e édition des Ghjurnate internaziunale qui se tiendront du 4 au 6 août 2023 à la citadelle de Corte, Petr’Antone Tomasi, porte-parole de Corsica Libera, présente, pour CNI, le programme de l’évènement et livre son analyse de la situation politique actuelle



Crédit photo Corsica Libera
Crédit photo Corsica Libera
- Quel est le programme de cette 41e édition des Ghjurnate internaziunale ?
- L'idée de ces Ghjurnate internaziunale, c'est de recevoir des délégations de mouvements indépendantistes venues du monde entier et de confronter nos expériences de lutte. Cette année, notre invitée d'honneur est Laura Borràs, l'ancienne présidente du parlement catalan et actuelle présidente du parti Junz, fondé par Carles Puigdemont, qui aujourd'hui détient une place centrale dans l'actualité politique espagnol. Il y aura également des députés et ministres indépendantistes venus d'Écosse, de Kanaky, de Polynésie, de Guyane, ainsi que des délégués du Pays basque, de Sardaigne, du Kurdistan, de Kabylie et de Martinique. Dimanche, avec les différents groupes invités, nous aurons un débat sur les limites du statut d'autonomie. On voit bien en Catalogne, en Écosse, en Polynésie ou en Nouvelle-Calédonie que l'autonomie, ce n'est pas la liberté, car cette dernière ne peut s'exprimer qu'à travers la pleine souveraineté. Cela amènera donc des débats intéressants et cet aspect international constituera un volet important de ces Ghjurnate internaziunale. 

Enfin, comme à chaque rendez-vous, cette rencontre comportera également un moment dédié à l'actualité politique corse. Cette année, nous évoquerons l'actualité répressive mais aussi la question sociale, ainsi que les discussions autour d'une possible évolution du statut de la Corse, discussions que nous considérons comme étant dans une impasse totale. 

- En ce qui concerne le vote qui s'est tenu à l'Assemblée de Corse le 5 juillet dernier, Corsica Libera a été le seul groupe nationaliste qui, par l'intermédiaire de son élue Josepha Giacometti-Piredda, a refusé de s'associer au vote du rapport Autonomia porté par la majorité de Gilles Simeoni. Pour quelle raison? 
- Nous avons refusé ce vote d'adhésion pour des raisons politiques. Depuis plus d'un an que les discussions avec la place Beauvau ont débuté, nous ne cessons de dire que le compte n'y est pas. Dès l'amorce de cette discussion, le ministre de l'Intérieur français, Gérald Darmanin, a signé un protocole d'accord avec Gilles Simeoni en mars 2022 pour fixer le périmètre de ces discussions, dans lequel figure un certain nombre de lignes rouges qui conduisent à exclure de facto la plupart des revendications pour lesquelles le mouvement national s'est battu depuis des décennies et qui ont été validées démocratiquement par les corses. Ce processus est depuis l'origine contraire à ce que nous estimons être dans l'intérêt de l'île, et le rapport Autonomia continue de se situer dans le cadre de ces lignes rouges puisqu'il redit ces principes intangibles fixés par l'État. Pour nous, cette démarche ne peut mener qu'à une impasse politique. 

Le fait d'avoir évoqué dans la délibération finale toutes les revendications sur le droit du peuple corse, sa langue, son statut de résidence et sa citoyenneté relève finalement d'une grande illusion politique. Cette démarche est selon nous vouée à l'échec, ou tout du moins, à déboucher sur une décentralisation améliorée, ce qui n'est pas du tout ce que recherchent les mouvements nationaux. 

- Corsica Libera souligne l'absence d'un volet social dans le rapport Autonomia. Quelles propositions portez-vous sur ce sujet ?
- Effectivement, l'aspect social est une des dimensions manquantes de ce rapport, c'est d'ailleurs une critique qui a été faite unanimement, y compris par les organisations syndicales. Dans le cadre de ces Ghjurnate internaziunale, nous souhaitons redire que notre vision de l'autonomie inclut la question de la libération sociale, et nous comptons bien développer un certain nombre de propositions qui constitueront un projet social cohérent, qui s'articule selon nous autour de deux points majeurs. 

Le premier, c'est celui de la corsisation des emplois, qui est une revendication historique des mouvements nationalistes et qui reste à nos yeux une composante essentielle d'une citoyenneté corse, bien qu'elle soit malheureusement absente des radars politiques actuels. Le deuxième point, c'est qu'il nous semble important d'instaurer une clause de non-régression sociale dans cet accord. Ces derniers temps ont été développés de façon plus ou moins sincère par nos adversaires politiques que tout transfert de souveraineté vers les institutions corses conduirait à une régression des droits sociaux, ce qui n'est pas notre conception politique. Nous développons une argumentation juridique pour faire en sorte que tout projet qui va vers la souveraineté de la Corse garantisse ces droits sociaux. Cette clause que nous souhaitons voir aboutir consisterait à fixer un standard de droits sociaux à un instant T, ce qui empêcherait que les nouvelles règles votées par les institutions corses aillent en deçà de cette mesure étalon. En substance, nous voulons avec cette clause que le droit corse améliore le droit social en vigueur. 

- Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie du 24 au juillet, Emmanuel Macron a évoqué la révision de la Constitution au début de l'année 2024, conformément à ce qui était prévu par les accords de Nouméa de 1998. Pensez-vous que la Corse bénéficiera du même traitement?  
- Lors de son déplacement en Nouvelle-Calédonie, il a déclaré qu'il y aurait une révision spécifique pour la Nouvelle-Calédonie, sans indiquer si celle concernant la Corse serait maintenue. En tout état de cause, il semble bien que cette question ne soit pas une priorité pour le gouvernement français, ce qui corrobore ce que nous disons depuis plusieurs mois. D'autre part, on voit bien que si cette révision constitutionnelle avait lieu, elle nécessiterait le soutien de la droite sénatoriale qui est opposée à une évolution significative pour la Corse. 

Par conséquent, il est assez logique de penser que cette révision ne serait qu'une nouvelle étape de décentralisation, que ce soit pour la Corse, mais aussi d'autres collectivités territoriales françaises. Dans l'attente d'un éclaircissement qui aurait dû intervenir au mois de juillet, ces informations ne sont ni satisfaisantes ni rassurantes, mais de notre point de vue, elles étaient prévisibles. 
 

Le programme


Vendredi 4 août
- 18h30 : Ouverture des Ghjurnate
Apperitivu in musica cù ghitarre è paghjelle



Samedi 5 août
- 10h : ouverture de la foire artisanale
- 10h30 : conférence de presse d’ouverture en présence des délégations internationales

- 12h : Animation musicale

- 16h : Actualité internationale des luttes pour l’indépendance 

- 17H : « La Déclaration de Corti 2022 des peuples sous domination française : Bilan d’une année d’action à l’internationale ».

- 18h : « Face aux aspirations des peuples à la liberté, une répression multiforme ». 
- 19h : Conférence débat sur le thème : “La Corse, terre d‘écriture“ avec notamment la participation de l‘historien Michel Vergé-Franceschi, de la romancière Marie Ferranti, et des auteurs de l‘ouvrage collectif “Anthologie des grands discours sur la Corse et les Corses“ (UMR Lisa, Università di Corti)
- 21h00 : Cuncertu cù A Fiara Nova



Dimanche 6 août
- 10h30 : table-ronde autour de la question de la spéculation immobilière
- 12h : Animation musicale
- 16h : Débat international : « Des limites de l’autonomie aux opportunités de la pleine souveraineté ». 

- 17h : Liberazione naziunale è liberazione suciale
- 18h30 : Meeting de Corsica Libera
- 21h00 : Cuncertu cù l’Alma viva, Jean-Vincent Servetto è l’Arcusgi