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Corse : pourquoi est-il aussi difficile de trouver un médecin traitant ?


M.V. le Samedi 4 Mars 2023 à 16:29

Alors que 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant, les généralistes se font de plus en plus rares en Corse aussi. Comment pallier cette pénurie ? Nous avons interrogé le Dr Antoine Grisoni, médecin généraliste à Solenzara et Président de l’URPS Médecins Libéraux de Corse



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Le constat est sans appel : six millions de Français n'ont pas de médecin traitant et ce chiffre devrait encore augmenter, selon un récent rapport du Sénat. D'après les données de l'étude, la baisse de la densité en médecins généralistes s'est accélérée entre 2017 et 2021. Sur cette période, le nombre de médecins généralistes par rapport à la population a diminué de 1 % chaque année. Une dégradation lente, mais implacable qui selon les généralistes indique le besoin urgent d'une réforme qui permettrait d'améliorer leurs conditions de travail et de renforcer leur présence sur le terrain. "Sans mesures correctives immédiates, le nombre de personnes sans médecin traitant ne fera qu'augmenter" s'inquiètent les généralistes qui pourraient se voir imposer de nouvelles contraintes par la Sécurité sociale. 
 

En effet, parmi les 11% de Français qui n'ont pas de médecin traitant, 600 000 sont atteints d'affections de longue durée. Tous ces malades chroniques seront "contactés" par l'Assurance-maladie "d'ici juin" pour se voir proposer "des solutions concrètes", telles qu’un praticien ou "une équipe traitante" a assuré il y a quelques semaines le ministre de la Santé, François Braun, ce qui ferait une charge de travail supplémentaire pour ces médecins à la limite du burn-out. 

Une double peine 
"Instauré par la réforme de l’assurance maladie en août 2004 et appliquée dès le 1er janvier 2005, le parcours de soins coordonnés par le médecin traitant a pour objectif principal de mieux réguler le recours aux spécialistes et de maîtriser les dépenses de santé de ville, tout en assurant une meilleure qualité de la prise en charge et une plus grande équité de traitement. Bien que la désignation d'un médecin traitant ne soit pas obligatoire, ne pas le faire expose à des sanctions financières." explique le Dr Antoine Grisonimédecin généraliste à Solenzara et Président de l’URPS Médecins libéraux de Corse qui constate que si les patients atteints d'affections de longue durée n'ont pas de médecin traitant, c'est principalement parce que ceux auxquels ils s’adressent sont saturés de travail. "Cette réalité est bien sûr mal vécue par les patients, mais surtout fragilise les plus vulnérables.Et ce d’autant plus que l’assurance maladieimperturbable, continue à leur appliquer les sanctions, ce qui revient à leur infliger une double peine." détaille le praticien. 

Si pour le Dr Grisoni une de cause du manque de médecins est la fin trop tardive du Numerus Clausus, ce fameux quota très bas limitant le nombre d’admis au concours pour la deuxième année de médecine, "que peut-on faire, en attendant que le numérus apertusproduise ses effets et permette d’augmenter significativement le nombre de médecins ? C’est-à-dire pas avant 2031 ? " 

Pas de solution magique 
"Pas de solution magique pour remédier à ce problème,
 mais la coordination de plusieurs mesuresexplique le Président de lURPS Médecins libéraux de Corse qui propose de "sanctionner le non-respect des rendez-vous pris, qu’on évalue entre 5 à 10% du total et dont la régularisation libérerait sûrement beaucoup de temps pour s’occuper d’autres patients." 

Selon le médecin généraliste de Solenzara, il faut aussi libérer du temps médical. "Dans les structures coordonnées par la prise en charge de certaines taches par des paramédicaux formés, sous le contrôle du médecin et dans les cabinets encourager l'embauche d’assistants médicaux afin de réduire la charge administrative des médecins, et impliquer plus facilement qu’aujourd’hui les « jeunes » retraités qui souhaitent poursuivre une activité et les internes en stage dans les cabinets." 

De plus, selon le Dr Grisoni "à un niveau supérieur", l'État doit réinvestir les "zones en déprise" en services publics. "La classe politique doit revoir ses analyses et ses priorités pour résoudre cette situation préoccupante et permettre aux patients vulnérables d'être correctement pris en charge." 

Tout est dit, mais tout reste à faire. Surtout au lendemain de l'échec des négociations entre les médecins libéraux et l’Assurance maladie. 

Mardi 28 février dernier, après quatre mois de négociations et quatre-vingt-dix heures de réunions, les syndicats de médecins ont rejeté les propositions de la Sécu, marquant ainsi la profonde crise qui existe entre la profession et le gouvernement.