L'équipe de Maria Guidicelli qui a préparé le PADDUC.
C’était un débat attendu. Peut-être le plus important de la mandature pour le développement de la Corse avec une question lancinante : après 30 ans de gestation erratique, l’Assemblée territoriale réussira-t-elle enfin à accoucher d’un PADDUC applicable et utile ? Si la majorité des élus, au-delà des tendances politiques, l’espèrent et, Nationalistes en tête, font pression pour y parvenir, si, pour une fois, le processus et la méthode engagées font la quasi-unanimité et s’il paraît raisonnable d’être optimiste au moins sur l’issue du vote actuel, difficile de dire ce que donnera la mouture finale, ni ce qu’il en adviendra. Tous les grands dossiers de cette mandature sont suspendus à une hypothétique révision constitutionnelle. Le PADDUC, bien qu’il soit le seul à bénéficier, pour l’instant, d’un viatique favorable de Paris, l’est tout autant que les autres, sous peine d’être inconstitutionnel. Maria Guidicelli, la conseillère exécutive en charge de l’élaborer, n’a pas manqué de bien le marteler tout au long de la présentation de son projet. Le président de l’Exécutif, Paul Giacobbi, dans sa très courte intervention en fin de débat, l’a, de nouveau, répété : « Le PADDUC est un document politique qui s’inscrit dans l’ensemble des débats sur la révision constitutionnelle. Il y a une anti-constitutionnalité inhérente au PADDUC. Il faudra régler cette affaire ».
Des exigences à réconcilier
En attendant d’en arriver là, Maria Guidicelli, dans une plaidoirie qui se voulait, à la fois, consensuelle et rassurante, a tracé les contours généraux : « Un plan de développement durable, économe de nos ressources, mais un plan de développement avant tout ». Elle a fixé des grands axes et des objectifs ambitieux sur 30 ans, censés changer la donne en matière de PIB (Produit intérieur brut). Le Plan prévoit une augmentation du PIB de 1,4%, actuellement, à 4% en 2040 dans le secteur primaire, notamment agricole, et de 5,2% à 8 ou 9% dans le secteur industriel. Avec un vœu pieu : celui de réconcilier ce qui, jusqu’à présent, paraît inconciliable et s’oppose dans une logique d’affrontement suicidaire pour la Corse. « Pourquoi faudrait-il opposer sans cesse préservation et développement, littoral et montagne, secteur privé et secteur public, tourisme et environnement, BTP et filières d’avenir ? Cette vision de la Corse, au-delà d’opposer ce qui n’a aucune raison de l’être, dresse les Corses les uns contre les autres, stérilise les initiatives, les bonnes volontés et désespère notre jeunesse, qui attend avant tout un emploi. Ce PADDUC doit réconcilier, créer du lien, réunir et non opposer… Ce PADDUC est élaboré au service du Peuple corse », assure la conseillère exécutive. Une notion que les Nationalistes avaient fait inscrire en préambule dans le document d’orientation de juillet 2012.
Des défis à relever
Le défi à relever pour ancrer la Corse dans un possible développement, à la fois, sociétal et culturel, est assez pharaonique. Il a été mis en évidence par un diagnostic stratégique et intègre des notions aussi diverses que la satisfaction des besoins fondamentaux, les évolutions sociodémographiques, les impératifs culturels, linguistiques et patrimoniaux ou l’utilisation du sport comme facteur de cohésion et moteur du développement économique. Sans oublier, bien sûr, les choix en matière d’aménagement du territoire et les questions inhérentes de l’urbanisation et des infrastructures, notamment de transports. Le PADD déploie, donc, des outils : la charte de lutte contre la précarité, le Plan Montagne et le Livret littoral et formes urbaines qui « illustrent notre volonté d’une approche intégrée, cohérente et lisible qui vise à répondre à l’attente véritable des Corses de pouvoir mieux vivre sur cette terre ».
Depuis les Assises du foncier, du logement et du littoral, l’équipe de Maria Guidicelli a recueilli, durant plus d’un an, les contributions des cinq ateliers régionaux transversaux qui répondaient aux cinq grands objectifs stratégiques fixés dans le modèle de développement adopté en juillet 2012. Egalement, les avis et propositions de plus de 600 acteurs, notamment celles des citoyens, via un sondage, et celle des maires dont la plupart sont réticents ou inquiets, voire même hostiles à un PADDUC qui aura préséance sur les autres documents d’urbanisme.
Des espaces stratégiques
Le 1er axe concerne l’agriculture et la nécessité de remettre ce secteur au cœur du développement insulaire. Le nerf de la guerre est de relancer l’économie productive et de tendre vers un rééquilibrage territorial. Pour cela, l’idée du PADD est de préserver un foncier agricole qui, pour de multiples raisons, diminue régulièrement, en particulier les terres à forte potentialité productive. « Nous considérons ces espaces à forte potentialité productive comme des espaces stratégiques pour le développement. Ils sont nécessairement « géographiquement limités » et seront cartographiés lors de la phase 3 sur une échelle au 1/50 000ème », précise Maria Guidicelli. Sont concernés les espaces de plaine et les espaces pastoraux à forte potentialité. « Leur protection est totale et aucun déclassement ne sera possible. A ce stade, nous les évaluons à environ 127 000 ha maximum ». S’y ajoutent les espaces agricoles protégés au titre des lois montagne et littorales, c’est-à-dire les espaces ressources pour le pastoralisme et l’arboriculture traditionnelle et les espaces naturels, sylvicoles et pastoraux.
Une typologie de la montagne
Le 2ème axe se concentre sur la montagne et établit une typologie sur des critères géographiques, mais aussi annexes comme le temps d’accès à l’agglomération de rattachement, la démographie ou le nombre d’entreprises de la commune. Une identification des communes contraintes permettra de définir des dispositifs d’accompagnement de développement de la montagne.
Une urbanisation choisie
Le 3ème axe, l’un des plus controversés, porte sur les modalités d’urbanisation prévues par le PADDUC. « J’ai bien entendu vos craintes quant aux difficultés dans la mise en œuvre des dispositions du PADD. J’ai bien compris les problématiques auxquelles les maires doivent faire face en matière d’urbanisme. Nous savons tous les difficultés que pose, au quotidien, la recherche de cet équilibre entre protection et développement », tente de rassurer Maria Guidicelli. L’idée est de passer « d’un urbanisme d’opportunité à un urbanisme de projet, d’un urbanisme subi à un urbanisme choisi au service des populations permanentes ». Si l’allusion au statut de résident, cher aux Nationalistes, est à peine voilée, les mots sont choisis avec soin pour ne choquer ni la droite, ni la gauche républicaine, idéologiquement hostiles au principe. L’enjeu est de renouveler et restructurer les espaces urbanisés, d’éviter le mitage et l’urbanisation diffuse en définissant précisément ce qu’est un espace urbanisé.
Peu d’hameau nouveau
Autre point d’achoppement avec les maires : la notion d’hameau nouveau. « Le Padduc fait de la lutte contre l’étalement urbain une priorité. Il donne au hameau nouveau intégré à l’environnement un caractère exceptionnel et fixe un certain nombre de conditions auxquelles il est soumis. Ce hameau nouveau peut être implanté ex-nihilo ou bien être ancré à partir d’un espace déjà urbanisé », ajoute Maria Guidicelli. Dans le droit fil, le PADDUC va identifier et cartographier les espaces remarquables et caractéristiques d’intérêt stratégiques, à partir des éléments bibliographiques et inventaires actuels, en particulier les Atlas et les ZNIEFF. Il procèdera à un inventaire basé sur la valeur remarquable ou l’intérêt écologique. Et se propose, également, de délimiter les espaces proches du rivage. L’objectif est de mettre en œuvre une meilleure gestion et occupation de l’espace et d’opérer un rééquilibrage territorial.
Des leviers prioritaires
Pour atteindre ces objectifs, le PADD privilégie certains leviers. « Nous proposons une organisation de l’île plus pertinente qui pose les principes d’une armature urbaine et conforte un maillage plus efficient en matière d’équipements et d’infrastructures ». Le PADD parie sur une double mobilité. Vers l’extérieur avec le renforcement d’équipements régionaux, portuaire et aéroportuaire, la complémentarité entre les ports départementaux et territoriaux et la spécialisation des ports secondaires. A l’intérieur, avec l’extension du réseau ferroviaire, tant en termes de fréquence que d’allongement du parcours en Plaine Orientale. Autre levier : la priorité aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et la couverture très haut débit de l’ensemble de l’île à l’horizon 2030. Le PADD liste, aussi, les infrastructures hydrauliques ou hydroélectriques et un Schéma Régional Climat Air Energie en vue de sécuriser des besoins.
Enfin, l’accent est mis sur la gouvernance et la mise en place d’indicateurs territoriaux de développement durable, tels que ceux prévus par les Grenelle de l’environnement. En point d’orgue : la création d’un établissement public foncier (EPI) dont l’objet principal sera d’élaborer des stratégies foncières et de favoriser le nécessaire rattrapage en termes de logement social. Il devrait être opérationnel avant la fin de l’année.
Une situation d’urgence
« Le PADDUC doit permettre, et cela est unique en France, de doter de manière décentralisée notre ile d’un plan tout à la fois d’aménagement et de développement. Il représente un point d’ancrage majeur à la lutte contre les processus de spéculation foncière en ce sens qu’il constitue la création d’une base juridique solide et cartographique qui impactera largement la question des usages et des droits des sols. Ce plan, qui doit être compatible avec les lois littorale et montagne, ambitionne de territorialiser certains concepts afin de conduire à une élaboration moins hasardeuse des documents d’urbanisme et permettre une meilleure expression des projets des différents territoires », conclut Maria Guidicelli.
Ces grands axes ont donné lieu à un long débat. Le projet, qui devrait être voté vendredi matin, n’est que la préfiguration de la troisième et dernière étape qui verra l’élaboration du Schéma d’aménagement territorial. Celui-ci devrait déboucher, si tout va bien, sur la matérialisation et la mise en œuvre opérationnelle du PADDUC.
N.M.
Des exigences à réconcilier
En attendant d’en arriver là, Maria Guidicelli, dans une plaidoirie qui se voulait, à la fois, consensuelle et rassurante, a tracé les contours généraux : « Un plan de développement durable, économe de nos ressources, mais un plan de développement avant tout ». Elle a fixé des grands axes et des objectifs ambitieux sur 30 ans, censés changer la donne en matière de PIB (Produit intérieur brut). Le Plan prévoit une augmentation du PIB de 1,4%, actuellement, à 4% en 2040 dans le secteur primaire, notamment agricole, et de 5,2% à 8 ou 9% dans le secteur industriel. Avec un vœu pieu : celui de réconcilier ce qui, jusqu’à présent, paraît inconciliable et s’oppose dans une logique d’affrontement suicidaire pour la Corse. « Pourquoi faudrait-il opposer sans cesse préservation et développement, littoral et montagne, secteur privé et secteur public, tourisme et environnement, BTP et filières d’avenir ? Cette vision de la Corse, au-delà d’opposer ce qui n’a aucune raison de l’être, dresse les Corses les uns contre les autres, stérilise les initiatives, les bonnes volontés et désespère notre jeunesse, qui attend avant tout un emploi. Ce PADDUC doit réconcilier, créer du lien, réunir et non opposer… Ce PADDUC est élaboré au service du Peuple corse », assure la conseillère exécutive. Une notion que les Nationalistes avaient fait inscrire en préambule dans le document d’orientation de juillet 2012.
Des défis à relever
Le défi à relever pour ancrer la Corse dans un possible développement, à la fois, sociétal et culturel, est assez pharaonique. Il a été mis en évidence par un diagnostic stratégique et intègre des notions aussi diverses que la satisfaction des besoins fondamentaux, les évolutions sociodémographiques, les impératifs culturels, linguistiques et patrimoniaux ou l’utilisation du sport comme facteur de cohésion et moteur du développement économique. Sans oublier, bien sûr, les choix en matière d’aménagement du territoire et les questions inhérentes de l’urbanisation et des infrastructures, notamment de transports. Le PADD déploie, donc, des outils : la charte de lutte contre la précarité, le Plan Montagne et le Livret littoral et formes urbaines qui « illustrent notre volonté d’une approche intégrée, cohérente et lisible qui vise à répondre à l’attente véritable des Corses de pouvoir mieux vivre sur cette terre ».
Depuis les Assises du foncier, du logement et du littoral, l’équipe de Maria Guidicelli a recueilli, durant plus d’un an, les contributions des cinq ateliers régionaux transversaux qui répondaient aux cinq grands objectifs stratégiques fixés dans le modèle de développement adopté en juillet 2012. Egalement, les avis et propositions de plus de 600 acteurs, notamment celles des citoyens, via un sondage, et celle des maires dont la plupart sont réticents ou inquiets, voire même hostiles à un PADDUC qui aura préséance sur les autres documents d’urbanisme.
Des espaces stratégiques
Le 1er axe concerne l’agriculture et la nécessité de remettre ce secteur au cœur du développement insulaire. Le nerf de la guerre est de relancer l’économie productive et de tendre vers un rééquilibrage territorial. Pour cela, l’idée du PADD est de préserver un foncier agricole qui, pour de multiples raisons, diminue régulièrement, en particulier les terres à forte potentialité productive. « Nous considérons ces espaces à forte potentialité productive comme des espaces stratégiques pour le développement. Ils sont nécessairement « géographiquement limités » et seront cartographiés lors de la phase 3 sur une échelle au 1/50 000ème », précise Maria Guidicelli. Sont concernés les espaces de plaine et les espaces pastoraux à forte potentialité. « Leur protection est totale et aucun déclassement ne sera possible. A ce stade, nous les évaluons à environ 127 000 ha maximum ». S’y ajoutent les espaces agricoles protégés au titre des lois montagne et littorales, c’est-à-dire les espaces ressources pour le pastoralisme et l’arboriculture traditionnelle et les espaces naturels, sylvicoles et pastoraux.
Une typologie de la montagne
Le 2ème axe se concentre sur la montagne et établit une typologie sur des critères géographiques, mais aussi annexes comme le temps d’accès à l’agglomération de rattachement, la démographie ou le nombre d’entreprises de la commune. Une identification des communes contraintes permettra de définir des dispositifs d’accompagnement de développement de la montagne.
Une urbanisation choisie
Le 3ème axe, l’un des plus controversés, porte sur les modalités d’urbanisation prévues par le PADDUC. « J’ai bien entendu vos craintes quant aux difficultés dans la mise en œuvre des dispositions du PADD. J’ai bien compris les problématiques auxquelles les maires doivent faire face en matière d’urbanisme. Nous savons tous les difficultés que pose, au quotidien, la recherche de cet équilibre entre protection et développement », tente de rassurer Maria Guidicelli. L’idée est de passer « d’un urbanisme d’opportunité à un urbanisme de projet, d’un urbanisme subi à un urbanisme choisi au service des populations permanentes ». Si l’allusion au statut de résident, cher aux Nationalistes, est à peine voilée, les mots sont choisis avec soin pour ne choquer ni la droite, ni la gauche républicaine, idéologiquement hostiles au principe. L’enjeu est de renouveler et restructurer les espaces urbanisés, d’éviter le mitage et l’urbanisation diffuse en définissant précisément ce qu’est un espace urbanisé.
Peu d’hameau nouveau
Autre point d’achoppement avec les maires : la notion d’hameau nouveau. « Le Padduc fait de la lutte contre l’étalement urbain une priorité. Il donne au hameau nouveau intégré à l’environnement un caractère exceptionnel et fixe un certain nombre de conditions auxquelles il est soumis. Ce hameau nouveau peut être implanté ex-nihilo ou bien être ancré à partir d’un espace déjà urbanisé », ajoute Maria Guidicelli. Dans le droit fil, le PADDUC va identifier et cartographier les espaces remarquables et caractéristiques d’intérêt stratégiques, à partir des éléments bibliographiques et inventaires actuels, en particulier les Atlas et les ZNIEFF. Il procèdera à un inventaire basé sur la valeur remarquable ou l’intérêt écologique. Et se propose, également, de délimiter les espaces proches du rivage. L’objectif est de mettre en œuvre une meilleure gestion et occupation de l’espace et d’opérer un rééquilibrage territorial.
Des leviers prioritaires
Pour atteindre ces objectifs, le PADD privilégie certains leviers. « Nous proposons une organisation de l’île plus pertinente qui pose les principes d’une armature urbaine et conforte un maillage plus efficient en matière d’équipements et d’infrastructures ». Le PADD parie sur une double mobilité. Vers l’extérieur avec le renforcement d’équipements régionaux, portuaire et aéroportuaire, la complémentarité entre les ports départementaux et territoriaux et la spécialisation des ports secondaires. A l’intérieur, avec l’extension du réseau ferroviaire, tant en termes de fréquence que d’allongement du parcours en Plaine Orientale. Autre levier : la priorité aux Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) et la couverture très haut débit de l’ensemble de l’île à l’horizon 2030. Le PADD liste, aussi, les infrastructures hydrauliques ou hydroélectriques et un Schéma Régional Climat Air Energie en vue de sécuriser des besoins.
Enfin, l’accent est mis sur la gouvernance et la mise en place d’indicateurs territoriaux de développement durable, tels que ceux prévus par les Grenelle de l’environnement. En point d’orgue : la création d’un établissement public foncier (EPI) dont l’objet principal sera d’élaborer des stratégies foncières et de favoriser le nécessaire rattrapage en termes de logement social. Il devrait être opérationnel avant la fin de l’année.
Une situation d’urgence
« Le PADDUC doit permettre, et cela est unique en France, de doter de manière décentralisée notre ile d’un plan tout à la fois d’aménagement et de développement. Il représente un point d’ancrage majeur à la lutte contre les processus de spéculation foncière en ce sens qu’il constitue la création d’une base juridique solide et cartographique qui impactera largement la question des usages et des droits des sols. Ce plan, qui doit être compatible avec les lois littorale et montagne, ambitionne de territorialiser certains concepts afin de conduire à une élaboration moins hasardeuse des documents d’urbanisme et permettre une meilleure expression des projets des différents territoires », conclut Maria Guidicelli.
Ces grands axes ont donné lieu à un long débat. Le projet, qui devrait être voté vendredi matin, n’est que la préfiguration de la troisième et dernière étape qui verra l’élaboration du Schéma d’aménagement territorial. Celui-ci devrait déboucher, si tout va bien, sur la matérialisation et la mise en œuvre opérationnelle du PADDUC.
N.M.