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Châtaignes : après le cynips, le péril de la sécheresse. L'inquiétude gagne certaines régions de Corse


Naël Makhzoum le Lundi 24 Octobre 2022 à 16:14

Après près d'une décennie à faire face au Cynips, parasite arrivé sur l'île en 2010, la filière de la châtaigne corse connaît de nouveaux démons. Cette fois, ce sont les épisodes de sécheresse répétés sur ces deux dernières années qui inquiètent.



Photo : AOP châtaignes
Photo : AOP châtaignes
L'arbre à pain a décidément du mal à partager son fruit. Bien que tous les exploitants n'aient pas encore donné de retour sur leur récolte, le constat des saisons qui viennent de s'écouler ne laisse pas la filière indifférente. "Dans ma région, c'est catastrophique, déplore Jean-Marie Vecchioni, qui possède le moulin de Campile. Au mois de juin, il y a eu une très belle floraison avec pas mal de fruits sur les arbres. Mais il faut de la pluie et malheureusement, il n'y en a eu que dans certaines régions. Chez nous, il n'a pas plu depuis le mois d'avril."
 
Le président du syndicat AOP farina castagninga - farine de châtaigne corse - se retrouve confronté à des fruits "de la taille d'une olive", à tel point qu'il ne peut pas toujours les ramasser ou en extraire le nécessaire. "Je ne sais pas si je pourrais les exploiter tellement ils sont petits, regrette-t-il. J'étais aux environs de dix à douze tonnes de fruits frais avant Cynips et cette année, je vais péniblement arriver à deux tonnes et demies."
 
Une problématique que tempère Carine Franchi, animatrice du groupement régional des producteurs et transformateurs de châtaignes et marrons de Corse. "Parfois, la petite taille peut être compensée par la qualité du fruit : il y a moins de verrues, moins de champignons parasites car moins d'humidité, détaille-t-elle. Ce qui est ramassé peut donc avoir des coefficients de transformation intéressants, avec par exemple 3 kg de fruits frais pour 1 kg de farine, au lieu de 4 à 5 kg nécessaires habituellement. La perte en farine de châtaigne peut être importante chez certains, mais moins chez d'autres avec un ratio équivalent."
 
"Des arbres vont finir par mourir"
 
D'autant plus que les sécheresses ne concernent pas l'ensemble du territoire insulaire. Certaines régions comme l'Alesani ou le Niolu ont en effet bénéficié des pluies salvatrices du 15 août et pourraient s'en sortir correctement. Dans les points rassurants également, la diminution du Cynips qui, peu à peu, ne semble devenir qu'un mauvais souvenir pour beaucoup. Ceux qui sont encore victimes du parasite malgré l'introduction du Torymus sinensis pour lutter contre, n'ont parfois que quelques propriétés touchées, de l'ordre d'"une dizaine d'arbres", selon Carine Franchi.
 
Ce qui préoccupe en revanche l'ensemble du secteur, ce sont bien les épisodes de sécheresse successifs depuis deux ans. "Les arbres sont en train de puiser dans leurs réserves, alerte le maire de Campile. Je suis alarmiste sur le fait que si ça continue, des arbres exposés plein sud vont finir par mourir, mettre en péril la profession et surtout le patrimoine qu'est le châtaignier. Il faut songer à mettre en place des arrosages pour les sauver." 
 
"On est tous inquiets par ce cumul des sécheresses, lâche la représente des 90 castanéiculteurs de l'île. Le groupement régional va faire un courrier auprès des services de l'Etat, afin de mettre en avant que la filière est touchée par ces soucis et qu'on doit travailler, mais au cas par cas, commune par commune.
 
Au plus fort de la production en farine de châtaigne AOP, 110 tonnes avaient été fabriquées en 2010. Au sortir de la période Cynips, dont l'année la plus terrible (2018) avait vu ce chiffre tomber à 16 tonnes, la production a avoisiné les 60 tonnes l'an dernier. Cette année, Carine Franchi imagine à "55 tonnes" la production finale, bien que cela ne reste qu'hypothétique.