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Cathy Cognetti-Turchini : « Aider les confréries, c’est sauver nos traditions et notre patrimoine »


Nicole Mari le Dimanche 16 Avril 2023 à 18:25

Lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse, Cathy Cognetti-Turchini, a, lors des questions orales au nom du groupe Un Soffiu Novu, demandé à l’Exécutif corse de soutenir les confréries afin de préserver le patrimoine et les traditions religieuses et villageoises de l’île. Une demande agréée par Gilles Simeoni qui a promis de trouver un équilibre entre le soutien à une pratique sociale importante et une laïcité bienveillante.



Célébration de la Pâque grecque à Cargèse. Photo CNI.
Célébration de la Pâque grecque à Cargèse. Photo CNI.
La Corse compte actuellement une centaine de confréries - 53 en Haute-Corse et 48 en Corse du Sud - qui regrouperaient près de 3000 confrères. « Dans l’histoire occidentale chrétienne, la confrérie rassemblait les laïcs pour organiser des œuvres de bienfaisance, des processions et autres cérémonies religieuses. Abolies par la Révolution française, elles furent recréées sous l’Empire et perdurent aujourd’hui sous une forme associative », a rappelé Cathy Cognetti, lors de la dernière session de l’Assemblée de Corse. L’élue du groupe Un Soffiu Novu, a interrogé le président du Conseil exécutif sur les actions qui pourraient être entreprises au niveau régional pour la sauvegarde des confréries qui, depuis les années 80, bénéficient d’un regain dans l’île et même d’un véritable engouement au niveau de la jeunesse. « Les dernières confréries, qui ont vu le jour en Corse, sont majoritairement situées dans le rural où elles contribuent à redynamiser la vie sociale dans nos villages », ajoute-t-elle. Avant de préciser que les confréries sont « chargées de la sauvegarde, la promotion du patrimoine matériel et immatériel de leur commune, quartier et de la tradition orale. Ainsi que l’organisation d’événements culturels - concert, conférence...-. Elles ont aussi la tâche de venir en aide aux plus nécessiteux - personnes âgés, malades... -, d’organiser les obsèques et l’accompagnement des familles en deuil résidant dans leur commune. Certaines ont pour but aussi d’initier les personnes au chant polyphonique afin de perpétuer et de promouvoir la tradition orale ».

Cathy Cognetti-Turchini. Photo CNI.
Cathy Cognetti-Turchini. Photo CNI.
Une implication régionale
L’élue du Centre-Corse, vice-présidente de la Communauté des communes Pasquale Paoli, elle-même confrère, insiste sur le rayonnement des confréries : « un véritable atout pour l’Église de Corse qui lui permet de résister tant bien que mal aux affres et aux difficultés de la déchristianisation. Les confréries sont un des derniers lieux capables d’attirer la jeunesse insulaire et de la conduire vers l’apprentissage et la pratique spirituelle de la religion. C’est par ce biais qu’on peut tenter de sauver nos traditions religieuses et villageoises, et de préserver notre patrimoine ». Et demande à l’Assemblée de Corse « d’encourager à la création d’une association à l’échelon régional, un réseau qui se chargerait de rassembler toutes les associations désireuses de défendre l’intérêt de nos édifices, de mobiliser l’opinion et les donateurs pour leur restauration et de pourvoir, si besoin, à leur valorisation, une fois la restauration accomplie. En lien avec les collectivités locales et l’évêché, cette association pourrait bâtir un partenariat étroit avec la Fondation du Patrimoine qui dispose de moyens que nous pourrions mobiliser pour financer des travaux de réhabilitation. Cela implique une structuration de niveau régional, un inventaire du patrimoine religieux et une logistique administrative pour défendre nos positions auprès de la fondation ». Tout en reconnaissant la difficulté de la tâche dans un contexte de séparation des pouvoirs, elle interroge sur « le rôle que peut jouer une institution publique, tout en sachant que les compétences, dont nous disposons en termes de patrimoine, peuvent peut-être nous offrir un rôle de coordination ou du moins de recensement ». Et plaide : « Agissons dès à présent pour remettre l’église au centre du village ! ».

Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Un équilibre à trouver
Pour le président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni, le souci est justement de « trouver un équilibre entre le soutien à une pratique sociale importante et une laïcité bienveillante, selon le mot de l’Evêque de Corse ». Un équilibre délicat « dans un pays où le principe de laïcité compte assez », et une île « où compte aussi notre histoire, notre culture, notre tradition puisque depuis des temps très anciens, la Corse est une terre chrétienne. Aujourd’hui y vivent des gens qui ont une autre religion ou qui n’ont pas de religion et qui doivent être traités comme les autres citoyens ». Ce point prudemment précisé, Gilles Simeoni s’empresse, lui aussi, d’affirmer le rôle des confréries dans un contexte de crise sociale : « Jour après jour, l’angoisse augmente. Cette grande angoisse de la situation des villages peut aussi expliquer la logique de révolte des jeunes. Les confréries sont quelque chose d’extrêmement important, et il me semble que même l’Eglise a compris aujourd’hui ce qu’elles peuvent représenter, non seulement pour l’Eglise elle-même, mais pour la société en recherche de spiritualité et de lien social. La présence des confréries en Corse est une vraie richesse ». Il revient sur ces « moments de partage et de miséricorde » lors de la Madunuccia à Aiacciu ou San Ghjisé à Bastia : « Nous avons eu la chance de partager du pain et du temps avec les confrères et avec le cardinal Mamberti, qui est l’un des plus proches collaborateurs du pape et qui a tenu à souligner combien sont importantes les confréries en Corse, et combien leur rôle, qu’il soit spirituel, religieux, mais aussi de solidarité sociale, est essentiel. Les confréries ont aussi un rôle important au niveau de la transmission de notre langue, de nos chants, de notre culture, du maintien des bâtiments, donc de notre patrimoine matériel et immatériel ». Partant du fait que le statut des confréries est « un statut de communauté laïque au sein de l’Eglise avec des droits civils, un livre, un statut d’association donné par la loi de 1901 », il estime que la Collectivité de Corse peut « aider sur la partie culturelle, patrimoniale et sociale des actions. Nous ne pouvons pas, à cause de la loi de 1905, avoir un fait religieux, et cela, nous devons le respecter. Donc, nous devons réfléchir au niveau politique sur la manière de trouver cet équilibre ». Et de conclure à son tour : « Bien sûr, les confréries sont extrêmement importantes ! Bien sûr, nous devons aider à les renforcer tout en continuant à respecter le principe de laïcité, mais le principe de laïcité, ce n’est pas de refuser la religion, c’est de permettre à chacun d’avoir une religion et de la vivre dans un monde libre et ouvert ».