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Catherine Cognetti-Turchini : « Le cas de Florian Pietri montre que l’insertion des handicapés est un sujet majeur »


Nicole Mari le Mardi 21 Janvier 2020 à 12:31

Florian Pietri est autiste dyslexique et dyscalculique. Malgré deux CAP de restauration et de cuisine, et une formation en cours en CAP pâtisserie, il ne parvient pas à trouver du travail. Son handicap est un obstacle à une embauche. Son père a acheté une petite boulangerie à Bastia pour l’employer, mais a besoin d’aide pour mener son projet à bien. En pointe sur cette question sensible, Catherine Cognetti-Turchini, conseillère territoriale du groupe Andà per Dumane, a, une nouvelle fois, lors d’une session de l’Assemblée de Corse, demandé à l’Exécutif de revoir sa politique sur le handicap qui touche tant de familles insulaires. Elle revient, pour Corse Net Infos, sur l’enjeu de l’insertion des jeunes handicapés dont l’histoire de Florian est un cas d’école.



Catherine Cognetti, conseillère territoriale du groupe Andà per Dumane. Photo Michel Luccioni.
Catherine Cognetti, conseillère territoriale du groupe Andà per Dumane. Photo Michel Luccioni.
- Pourquoi ré-interpeller l’Exécutif corse sur le handicap ?
- Pour alerter sur la difficulté d’insertion des jeunes handicapés qui est un sujet majeur. Si le handicap ne doit pas freiner l'accès au travail, la réalité est tout autre : peu ou pas d'entretiens, aménagements pas adaptés, et appréhensions à l'idée d'embaucher une personne handicapée... Actuellement, des professionnels, qui ont la reconnaissance de travailleurs handicapés, ont des difficultés pour être insérés au sein des entreprises ou même à mobiliser des entreprises susceptibles de les accueillir. Ils ont aussi besoin d’aides pour créer leur propre entreprise.
 
- C’est-à-dire ?
- J’ai pris l’exemple d’un jeune garçon, Florian Pietri, autiste dyslexique et dyscalculique. Il a bénéficié d’un programme de remédiations qui lui a permis d’obtenir son brevet des collèges, puis un CAP d’agent polyvalent de restauration et un CAP Boulangerie. Malgré ses deux CAP, il a eu des difficultés d’insertion d’emploi et n’a trouvé aucun employeur acceptant de l’embaucher. Il est actuellement en formation en CAP pâtisserie au CFA (Centre de formation des apprentis) de Haute-Corse à Furiani. Il se dirige aussi vers le métier de chocolatier. Ce jeune garçon a réussi, grâce à l’action militante de son père, à réaliser son rêve et à créer sa propre entreprise.
 
- Qu’a fait exactement ce père ?
- Pour l’aider à s’insérer comme professionnel, ce père a acheté une boulangerie à Bastia et mis en place une entreprise familiale qui emploie Florian comme salarié. C’est vraiment l’aidant dans toute sa grandeur. Il serait bien de faire la promotion de ce genre d’action qui a été mis en place par ce père et de créer d’autres structures de ce type qui permettraient à des jeunes en situation d’handicap d’être inséré. Ce type de structure fonctionne comme une entreprise privée et donne aux jeunes handicapés un statut professionnel et une insertion en milieu ordinaire.
 
- Y-a-t-il beaucoup de jeunes en situation de handicap qui restent sans emploi en Corse ?
- Oui ! Beaucoup ! Beaucoup trop ! Beaucoup de parents se retrouvent avec des enfants qui auraient des possibilités d’être insérés professionnellement, mais, par manque d’AVS, sont laissés pour compte et restent tributaires de leurs familles. Ils n’ont pas un avenir professionnel qui leur permettrait d’évoluer comme tout un chacun. C’est pour cela qu’il faut favoriser l’insertion des jeunes handicapés.
 
- Il y a des lois et des aides pour favoriser cela. Pourquoi ne fonctionnent-elles pas ?
- Il y a des lois et des aides, mais il y a toujours un frein. Il faut le dire : l’handicap reste un frein. Le rôle de la Collectivité de Corse – et c’est pour cela que j’ai interpellé le président de l’Exécutif et le président de l’ADEC – est de s’emparer de cette question et de faire en sorte que des mesures soient prises. Des emplois, qui étaient dirigés sur ce type de publics, ont été supprimés sous cette mandature.
 
- Lesquels ?
- Des dispositifs d’accompagnement existaient, mais n’ont pas été reconduit. Notamment les emplois « Tremplin handicap » qui permettaient de soutenir les entreprises recrutant des personnels handicapés. Ces dispositifs de solidarité ont été supprimés et remplacés par d’autres mesures qui, peut-être, ne sont pas encore bien connues. Elles méritent, aussi, peut-être, des aménagements qui permettraient une exonération de charges pour ces jeunes et inciteraient les entreprises à être plus à l’écoute de ce type de publics.
 
- Que demandez-vous à l’Exécutif ?
- Il serait pertinent de revoir l’ensemble de la politique liée au handicap. De l’aide au recrutement, à l’aide à la création d’entreprise en passant par l’aide à l’insertion professionnelle et pour finir les aides aux aidants. Pour que les personnes en situation de handicap puissent s’épanouir et étudier dans les meilleures conditions, il faut aider les AVS. Il faudrait également étudier de près la proposition de Mr Pietri qui a déposé un dossier auprès du président de l’Exécutif pour la mise en place des structures dont je viens de parler. Il faut également un vrai statut de l’aidant pour que les familles qui les accompagnent au quotidien ne s’épuisent pas sans retour.
 
- Quelle a été la réponse de l’Exécutif ?
- L’Exécutif s’est, bien évidemment, montré très sensible à cette question et favorable à la mise en place d’un nouveau plan sur le handicap. Le président de l’Exécutif étudie la proposition de Mr Pietri. Le président de l’ADEC, Jean-Christophe Angelini, a essayé de nous rassurer et annoncé la mise en place de mesures qui seront en faveur de l’insertion des personnes handicapées. Je sais que ce n’est pas facile, mais le gouvernement lui-même vient d’octroyer des aides pour la mise en place de congés payés pour les aidants. Que ce soit sur le problème du handicap, des AVS ou des aidants, le rôle de la CdC est d’avoir une écoute favorable envers ces gens qui sont laissés pour compte, mais qui sont des gens exceptionnels.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.