Le 1er débat d’orientations budgétaires (DOB) de la nouvelle mandature, en avril 2014, fut un choc pour la nouvelle majorité, à peine installée, de la Communauté d’agglomération de Bastia (CAB), dévoilant une situation financière pire que prévue. Un audit, quelques mois plus tard, révèle l’ampleur des dégâts et un trou de 5 millions € à combler. Il décrit une situation très dégradée et un déficit structurel du à l’inflation constante des dépenses de fonctionnement et à la chute inéluctable des recettes, sur fond de diminution des dotations de l’Etat. Très vite, le président de la CAB, François Tatti, se retrouve face à une impasse, à « une équation budgétaire insoluble sans action vigoureuse » et n’arrive pas à boucler le budget communautaire. Ses choix d’ajustements se heurtent au refus des maires des communes-membres et creusent la première fissure dans la coalition au pouvoir depuis un an, à la grande joie de l’opposition. Reporté de semaine en semaine, le débat, tant attendu, finit par se tenir, mardi matin, sans rien avoir résolu pour autant.
Redresser la barre
Dans sa présentation du DOB, François Tatti revient sur les difficultés financières de la CAB qu’il qualifie de « structurellement catastrophiques ». S’il critique « les investissements mal financés, les dépenses de fonctionnement totalement déséquilibrées ou la déroute de la ZAE d’Erbajolo », il tire à boulets rouges sur « l’imprévision et l’impréparation des dernières années de la mandature pendant lesquelles au lieu de freiner la dérive, on a continué à creuser le déficit. Ce qui n’est pas acceptable ! ». Accusant, au passage, l’Exécutif de l’époque d’avoir menti à tout le monde, même à sa propre majorité : « Le niveau de déficit et de sinistre n’était connu que de l’Exécutif qui l’organisait », il avertit qu’il sera « très difficile » de redresser la barre et d’éviter le naufrage. Il propose un scénario de redressement sur 3 ans, axé sur 3 leviers de redressement : des économies à réaliser, une fiscalité à optimiser et une solidarité à repenser. Les investissements seront réduits à la portion congrue et réservés aux travaux de première nécessité, comme la sécurisation et la mise aux normes des équipements. La vente de biens patrimoniaux, par exemple du centre de formation du SECB ou de l’émetteur de télévision et de radio de Ville-di-Pietrabugno, est envisagée, ainsi, si cela ne suffit pas, le recours « limité » à une augmentation de la fiscalité.
L’appel à la responsabilité
La potion est amère : « En 2015, les deux leviers à privilégier sont l’effort d’économie et l’augmentation du taux de TEOM (Taxe sur les ordures ménagères). Dans les exercices suivants, nous allons prendre en compte le 3ème levier qui est la redéfinition des solidarités entre la CAB et les communes. Des solutions financières de rééquilibrage doivent être retravaillées dans le cadre de la réactivation de la Commission locale des charges transférées ». Mais pour le président de la CAB, elle devrait permettre « progressivement d’absorber la diminution à venir des dotations de l’Etat, de retrouver une capacité d’épargne, de mettre en œuvre un programme d’investissement nécessaire, de retrouver un niveau de solvabilité satisfaisant, de maîtriser la croissance de la dette et, au final, de se désendetter ». Il appelle les communes, qu’il sait récalcitrantes, à faire preuve de responsabilité et met en garde contre « une non-action » qui pourrait conduire à une mise sous tutelle de la Chambre régionale des comptes. Il prévient que cette option ferait peser lourdement sur les ménages « le risque d’une solution imposée et uniquement fiscale ».
Le refus des maires
Le débat, qui s’annonçait houleux, tient ses promesses. Les passes d’armes, parfois violentes, entre majorité et opposition et les incidents se multiplient. Les difficultés de l’exercice budgétaire actuel font les délices de l’opposition qui s’en donne à cœur joie, tout en refusant d’endosser la moindre paternité d’un désastre issu de ses années de gouvernance. Jean Zuccarelli et Francis Riolacci s’obstinent à affirmer que leur bilan est bon, parlant même d’excédents. Tout en accusant la nouvelle majorité « d’escamoter le débat » et « de manquer de transparence », ils font leurs choux gras de la possible augmentation de la fiscalité et du refus des maires de Santa-Maria di Lota, San Martino di Lota et Ville-di-Pietrabugno de faire payer l’addition à leurs administrés ! (cf vidéos). Les deux premiers, par la voix de Guy Armanet, ne se privent pas de remettre les pendules communautaires à l’heure communale : « Nous n’avons pas le droit de faire supporter aux ménages des ambitions démesurées. Nous devons mutualiser, réduire les coûts. Tous les maires doivent être associés à un projet de gouvernance en toute transparence et en toute équité ». Il explique que le système de reversement d’aides aux communes, imposé par l’ancienne équipe, était inégalitaire et reproche, clairement, au président Tatti d’agir dans la précipitation et sans aucune concertation.
Une seule voix discordante
Le troisième, Michel Rossi, renvoie chacun dos à dos en rappelant que son prédécesseur, Jean Baggioni, avait longtemps et en vain tiré la sonnette d’alarme : « Je me souviens où, après avoir entendu le bréviaire budgétaire de Mr Riolacci, tous les bras se levaient pour voter et, seul, celui du maire de Ville-di-Pietrabugno restait baissé ! Il était le seul à avertir qu’on allait dans le mur, le débat s’écoulait sans autre contradiction ! ». Puis, dénonçant des manœuvres électorales, il s’en prend à Francis Riolacci au sujet de son tract intitulé « Halte au déclin de Bastia et de Ville-di-Pietrabugno » distribué, ces jours-ci, à la population : « Le déclin de Bastia, c’est vous qui en êtes responsable et non Gilles Simeoni qui n’a pris la commune qu’il y a quelques mois ! Quand au déclin de Ville-di-Pietrabugno, je vous enlève toute autorité en la matière, c’est une commune qui est bien gérée ! ». Une mise au point qui provoque un nouveau clash entre les deux élus.
Une relation perverse
Le maire de Bastia, Gilles Simeoni, enfonce le clou et assène une volée de bois vert à l’opposition : « Vous nous avez transmis une CAB en situation de faillite, c’est un sinistre héritage que nous devons aujourd’hui assumer à votre place. Vous venez nous chicaner des virgules de manque de transparence alors que, pendant des mandatures, vous vous êtes exonérés de l’obligation légale de présenter aux communes un rapport d’activité de la CAB ! ». Il fustige les règles de l’ancien système qui, en faisant de Bastia, la principale bénéficiaire des aides reversées aux communes, ont pipé le jeu : « Ces transferts ont appauvri la CAB et enrichi artificiellement Bastia en masquant sa pauvreté structurelle. Le problème fondamental est la façon dont vous avez géré cet établissement intercommunal pendant 30 ans en établissant une relation incestueuse, perverse avec la ville de Bastia ! ».
Un pacte financier
Il accuse, lui aussi, l’opposition de ne pas avoir anticipé l’austérité : « Vous avez mis la CAB dans le mur et c’est la nouvelle majorité qui doit franchir le mur ! ». Il plaide pour la construction d’un « vrai pacte financier et fiscal » intercommunal sans aggraver la pression sur les ménages.
Ces propos déclenchent de nouvelles prises de becs avec l’opposition.
Au final, ce débat très long, en pleine campagne électorale, à cinq jours du 1er tour du scrutin départemental, sous le fouet d’une polémique incessante, s’est avéré, en définitive, assez stérile. Si quelques pistes semblent émerger, aucune, pour l’instant, ne fait consensus au sein de la majorité. La date limite du vote du budget primitif étant fixé légalement au 15 avril, il reste, moins d’un mois pour aboutir à un compromis acceptable par tous les partenaires. Mais, le chemin est, encore, long de la coupe aux lèvres !
N.M.
Redresser la barre
Dans sa présentation du DOB, François Tatti revient sur les difficultés financières de la CAB qu’il qualifie de « structurellement catastrophiques ». S’il critique « les investissements mal financés, les dépenses de fonctionnement totalement déséquilibrées ou la déroute de la ZAE d’Erbajolo », il tire à boulets rouges sur « l’imprévision et l’impréparation des dernières années de la mandature pendant lesquelles au lieu de freiner la dérive, on a continué à creuser le déficit. Ce qui n’est pas acceptable ! ». Accusant, au passage, l’Exécutif de l’époque d’avoir menti à tout le monde, même à sa propre majorité : « Le niveau de déficit et de sinistre n’était connu que de l’Exécutif qui l’organisait », il avertit qu’il sera « très difficile » de redresser la barre et d’éviter le naufrage. Il propose un scénario de redressement sur 3 ans, axé sur 3 leviers de redressement : des économies à réaliser, une fiscalité à optimiser et une solidarité à repenser. Les investissements seront réduits à la portion congrue et réservés aux travaux de première nécessité, comme la sécurisation et la mise aux normes des équipements. La vente de biens patrimoniaux, par exemple du centre de formation du SECB ou de l’émetteur de télévision et de radio de Ville-di-Pietrabugno, est envisagée, ainsi, si cela ne suffit pas, le recours « limité » à une augmentation de la fiscalité.
L’appel à la responsabilité
La potion est amère : « En 2015, les deux leviers à privilégier sont l’effort d’économie et l’augmentation du taux de TEOM (Taxe sur les ordures ménagères). Dans les exercices suivants, nous allons prendre en compte le 3ème levier qui est la redéfinition des solidarités entre la CAB et les communes. Des solutions financières de rééquilibrage doivent être retravaillées dans le cadre de la réactivation de la Commission locale des charges transférées ». Mais pour le président de la CAB, elle devrait permettre « progressivement d’absorber la diminution à venir des dotations de l’Etat, de retrouver une capacité d’épargne, de mettre en œuvre un programme d’investissement nécessaire, de retrouver un niveau de solvabilité satisfaisant, de maîtriser la croissance de la dette et, au final, de se désendetter ». Il appelle les communes, qu’il sait récalcitrantes, à faire preuve de responsabilité et met en garde contre « une non-action » qui pourrait conduire à une mise sous tutelle de la Chambre régionale des comptes. Il prévient que cette option ferait peser lourdement sur les ménages « le risque d’une solution imposée et uniquement fiscale ».
Le refus des maires
Le débat, qui s’annonçait houleux, tient ses promesses. Les passes d’armes, parfois violentes, entre majorité et opposition et les incidents se multiplient. Les difficultés de l’exercice budgétaire actuel font les délices de l’opposition qui s’en donne à cœur joie, tout en refusant d’endosser la moindre paternité d’un désastre issu de ses années de gouvernance. Jean Zuccarelli et Francis Riolacci s’obstinent à affirmer que leur bilan est bon, parlant même d’excédents. Tout en accusant la nouvelle majorité « d’escamoter le débat » et « de manquer de transparence », ils font leurs choux gras de la possible augmentation de la fiscalité et du refus des maires de Santa-Maria di Lota, San Martino di Lota et Ville-di-Pietrabugno de faire payer l’addition à leurs administrés ! (cf vidéos). Les deux premiers, par la voix de Guy Armanet, ne se privent pas de remettre les pendules communautaires à l’heure communale : « Nous n’avons pas le droit de faire supporter aux ménages des ambitions démesurées. Nous devons mutualiser, réduire les coûts. Tous les maires doivent être associés à un projet de gouvernance en toute transparence et en toute équité ». Il explique que le système de reversement d’aides aux communes, imposé par l’ancienne équipe, était inégalitaire et reproche, clairement, au président Tatti d’agir dans la précipitation et sans aucune concertation.
Une seule voix discordante
Le troisième, Michel Rossi, renvoie chacun dos à dos en rappelant que son prédécesseur, Jean Baggioni, avait longtemps et en vain tiré la sonnette d’alarme : « Je me souviens où, après avoir entendu le bréviaire budgétaire de Mr Riolacci, tous les bras se levaient pour voter et, seul, celui du maire de Ville-di-Pietrabugno restait baissé ! Il était le seul à avertir qu’on allait dans le mur, le débat s’écoulait sans autre contradiction ! ». Puis, dénonçant des manœuvres électorales, il s’en prend à Francis Riolacci au sujet de son tract intitulé « Halte au déclin de Bastia et de Ville-di-Pietrabugno » distribué, ces jours-ci, à la population : « Le déclin de Bastia, c’est vous qui en êtes responsable et non Gilles Simeoni qui n’a pris la commune qu’il y a quelques mois ! Quand au déclin de Ville-di-Pietrabugno, je vous enlève toute autorité en la matière, c’est une commune qui est bien gérée ! ». Une mise au point qui provoque un nouveau clash entre les deux élus.
Une relation perverse
Le maire de Bastia, Gilles Simeoni, enfonce le clou et assène une volée de bois vert à l’opposition : « Vous nous avez transmis une CAB en situation de faillite, c’est un sinistre héritage que nous devons aujourd’hui assumer à votre place. Vous venez nous chicaner des virgules de manque de transparence alors que, pendant des mandatures, vous vous êtes exonérés de l’obligation légale de présenter aux communes un rapport d’activité de la CAB ! ». Il fustige les règles de l’ancien système qui, en faisant de Bastia, la principale bénéficiaire des aides reversées aux communes, ont pipé le jeu : « Ces transferts ont appauvri la CAB et enrichi artificiellement Bastia en masquant sa pauvreté structurelle. Le problème fondamental est la façon dont vous avez géré cet établissement intercommunal pendant 30 ans en établissant une relation incestueuse, perverse avec la ville de Bastia ! ».
Un pacte financier
Il accuse, lui aussi, l’opposition de ne pas avoir anticipé l’austérité : « Vous avez mis la CAB dans le mur et c’est la nouvelle majorité qui doit franchir le mur ! ». Il plaide pour la construction d’un « vrai pacte financier et fiscal » intercommunal sans aggraver la pression sur les ménages.
Ces propos déclenchent de nouvelles prises de becs avec l’opposition.
Au final, ce débat très long, en pleine campagne électorale, à cinq jours du 1er tour du scrutin départemental, sous le fouet d’une polémique incessante, s’est avéré, en définitive, assez stérile. Si quelques pistes semblent émerger, aucune, pour l’instant, ne fait consensus au sein de la majorité. La date limite du vote du budget primitif étant fixé légalement au 15 avril, il reste, moins d’un mois pour aboutir à un compromis acceptable par tous les partenaires. Mais, le chemin est, encore, long de la coupe aux lèvres !
N.M.