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Borgo célèbre la Marianne d'or et les 40 ans de mandat de Anne-Marie Natali


Thibaud KEREBEL le Samedi 11 Mars 2023 à 17:47

Âgée de 87 ans, Anne-Marie Natali n’en compte pas moins de quarante à la tête de Borgo, dont elle est maire depuis 1983. Au fil des mandats, elle a largement contribué au développement de la ville, au point de la placer au pied du podium des plus peuplées de l’île. Une politique sur le long terme qui a valu à cette femme de caractère, le mois dernier, de recevoir la Marianne d’Or de la République, récompense décernée aux élus dévoués du territoire et qui donne lieu, ce samedi, à une belle fête à laquelle ont été conviés tous les burghisgiani. Retour sur une carrière XXL.



Anne-Marie Natali
Anne-Marie Natali
- Borgo, il y a 40 ans, c’était comment ?
- Je suis née ici, donc j’ai toujours connu Borgo, et j’ai vu la ville grandir… Borgo, il y a 40 ans, c’était environ 2 500 habitants. Aujourd’hui on en compte 10 200. À l’époque, il n’y avait rien du tout. Les terrains étaient à mon père, et c’est mon mari qui a commencé à faire tous ces immeubles. C’est parti de là, et après, ça s’est agrandi presque trop vite.

- La croissance de la ville n’a pas été progressive ?
- Si, quand même, parce qu’on avait le PLU (plan local d’urbanisme, NDLR), donc on ne pouvait pas faire n’importe quoi. Les lotissements sont arrivés les uns après les autres. Mais maintenant, je suis un peu en train de temporiser les constructions, trop c’est trop !

- Aujourd’hui, qu’est-ce qui a fait la réussite de Borgo ?
- On est au milieu, entre Bastia, Folelli, Furiani. Les gens peuvent aller travailler là-bas, mais ici, ils ont tout, ce n’est plus simplement un dortoir. On a l’école, des commerces, des médecins… Les personnes âges peuvent tout faire à pied.

- À vos débuts à la mairie, est-ce que vous imaginiez l’ampleur que pouvait prendre la ville ?
- Jamais de la vie. Mais c’est mon mari (Paul Natali, décédé en 2020, NDLR) qui a tout fait, il faut le dire. Moi je l’ai aidé, mais tout ce qui a été réalisé, c’est lui. Le complexe sportif, il a travaillé dessus jusqu’à son dernier souffle. C’était un entrepreneur fini, il était toujours dans les travaux.

- Et vous, vous pensiez rester à la mairie aussi longtemps ?
- Ah non ! Mais une fois que vous êtes dans l’engrenage… En mars, il y a trois ans, je ne voulais pas me représenter, parce que mon mari était malade. Mais il avait du punch, il me disait ‘il faut que tu y ailles’. Donc j’y suis allée. Et avec le recul, heureusement que j’ai eu la mairie dans ma vie. Parce que ça a vraiment été une perte terrible, après 65 ans de mariage. Alors je me suis dit : ‘ou tu avances, ou tu recules’. J’avançais mal, parce que j’étais seule à la maison, mais j’avançais. J’ai été beaucoup aidée par la mairie, et par les gens en général.

- Dans le fond, Borgo, c’est toute votre vie ?
- Je n’ai jamais bougé. J’ai beaucoup voyagé, mais je suis toujours revenue. Je voulais rester à Borgo, près de ma mère et de mon père. Alors forcément, je connais tout le monde ici. Et quand je vais à la banque le matin et que je ne connais pas les gens que je croise, je me présente, et je demande qui ils sont. Je suis beaucoup dans la rue. Quand on est maire comme moi, il faut être près des gens, aller au café, manger ensemble.

- Impossible de marcher cinq minutes à Borgo sans se faire arrêter...
- Et même à Bastia ! J’ai eu un commerce sur le boulevard pendant 38 ans, « Dominique tissus ». On m’appelle encore Dominique alors que ça fait 20 ans que j’ai fermé !

- Vous avez pris vos fonctions dans le Borgo d’il y a 40 ans. Comment imaginez-vous Borgo dans 40 ans ?
- C’est impossible de se projeter. On a des permis de construire qui arrivent tous les jours, ça va vraiment vite ici. Quand l’inspecteur de l’Éducation nationale me demande en novembre ce que sera la rentrée de septembre, je ne peux pas lui répondre. Aujourd’hui il y a 900 enfants, je ne peux pas savoir si demain il y en aura autant, ou le double. Mais l’avenir n’est plus à moi, ils se débrouilleront !

- Justement, est-ce que vous pensez déjà à la suite ?
- Quand je m’en irai, je laisserai une commune saine. La Cour des comptes est venue, on m’a dit que j’avais bien investi, que j’avais de l’argent, on m’a fait des compliments. Alors il y a toujours un petit truc qui ne va pas, mais sans plus. Je suis contente pour tous les gens qui vivent ici.

- Avez-vous fixé une date, un dernier mandat ?
- Aujourd’hui, je suis bien comme il y a 20 ans, mais j’ai un âge certain, et à un moment donné, il faut laisser la place aux jeunes. Je voulais le faire il y a trois ans, mais on m’en a empêché !

- C’est cette longévité qui est récompensée à travers la Marianne d’Or...
- Moi je n’ai jamais rien demandé. Mon mari non plus d’ailleurs. On lui avait proposé la Légion d’honneur dans le temps, et il avait refusé. Pour la Marianne, c’est la personne qui s’en occupe en Corse qui a insisté. Et finalement, je l’ai reçue il y a deux mois. Mais elle va rester à la mairie, je ne vais pas la ramener chez moi !

- Au-delà des récompenses personnelles, quelles sont les perspectives pour la ville ?
- On a un gros projet, tout le monde le connaît, c’est la piscine olympique. Mais ça ne va pas se faire en un jour, ça fait déjà trois ou quatre ans qu’on travaille dessus, et pour l’instant, il n’y a rien. C’est pour dire le temps que ça prend, on en a encore pour six ou sept ans. Je ne suis pas certaine d’être là quand ce sera terminé !

- Après les écoles, les infrastructures sportives, les logements… Est-ce qu’il manque encore quelque chose à Borgo ?
- Il y a trois ans, j’ai demandé un lycée à la collectivité ! On est positionnés entre deux collèges, c’est idéal sur le papier. J’ai le terrain, mais ce sont eux qui gèrent, et pour l’instant c’est au point mort.

La Marianne d'or attribuée à Anne-Marie Natali
La Marianne d'or attribuée à Anne-Marie Natali