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Bateaux de croisières : La polémique rebondit à l’Assemblée de Corse pour la saison estivale


Nicole Mari le Dimanche 12 Mars 2023 à 11:10

La question de la régulation des bateaux de croisières dans les ports corses resurgit à l’approche de la saison estivale avec 190 navires attendus dans le port d’Aiacciu. Le groupe Core in Fronte est remonté au créneau, jeudi dernier, lors de la session de l’Assemblée de Corse pour interpeller l’Exécutif qui avait dénoncé ce modèle de croisières et promis d’y remédier. Le président de l’Exécutif annonce une baisse de 15% des escales, cet été, une nouvelle réunion mardi à Corti avec les associations de défense de l’Environnement et la mise en place d’un nouveau schéma pour 2024.



Navire de croisière dans la baie d'Aiacciu. Photo Michel Luccioni.
Navire de croisière dans la baie d'Aiacciu. Photo Michel Luccioni.
« A chi ne simu ? ». « Où en est-on pour la saison 2023 ? ». La question posée, jeudi matin, à l’Assemblée de Corse par Véronique Pietri, au nom du groupe Core in Fronte, fait écho à l’inquiétude qui prévaut sur la multiplication des croisières et qui, l’été dernier, a suscité un mouvement de fronde des villes escales de Méditerranée. « Le paroxysme avait été atteint avec 473 escales en Corse, dont 227 à Aiacciu. Ce qui constitue un record depuis 2010. Je ne reviendrai pas sur les problèmes environnementaux, de santé publique, et de pollution atmosphérique et les données chiffrées qui les accompagnent, mettant en relief d’une part la dimension insoutenable de cet avilissant tourisme de masse, et d’autre part, la situation de sous-développement propre aux pays dépossédés, sinon colonisés... », déclare-t-elle. Le parti indépendantiste a été l’un des premiers à monter au créneau avec les associations de citoyens et d’autres partis nationalistes, comme Femu a Corsica, pour dénoncer la démesure du phénomène en grande partie concentré sur la ville d’Aiacciu avec des navires toujours plus nombreux et imposants. Le président de l’Exécutif corse, Gilles Simeoni, avait alors affirmé que « ce modèle économique n’est pas celui que nous voulons. Les croisières sur des mégabateaux, nécessairement polluants, mais au-delà de cette pollution, les types de séjours inhérents ne correspondent pas au tourisme durable que nous voulons renforcer et qui est une priorité stratégique depuis le début de notre mandature ». Et annoncé « entamer un cycle de réunions afin de travailler sur ce sujet », notamment avec la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) qui, en tant que concessionnaire portuaire, développe cette activité.

Véronique Pietri. Photo Michel Lucioni.
Véronique Pietri. Photo Michel Lucioni.
La nécessité de réguler
Ces propos clairs et nets, Véronique Pietri n’a pas manqué de les rappeler : « Vous aviez affirmé que ce modèle n’était pas le bon et aviez insisté, dans le contexte de sécheresse de l’été dernier, sur l’empreinte négative de la consommation d’eau à quai, de 500 m3 par navire ! Des constats avaient alors été dressés : la nécessité d’analyser la situation, de réguler, d’agir... avant le mois de mars 2023, afin de ne plus subir ce turbulent secteur. Il était même question de profiler cet apport économique, afin de mieux en profiter, d’identifier, de bannir les nuisances, et ainsi mieux maîtriser ce domaine touristique ». Elle revient sur la table ronde qui, le 12 octobre dernier, a réuni l’ensemble des acteurs concernés, à savoir les élus de l’Assemblée de Corse, les communes et intercommunalités concernées et la CCI : « Sachant que l’électrification des ports ne sera pas possible dans l’immédiat, que les normes prévues en Méditerranée ne sont pas encore adaptées et que la CCI nous propose son approche sur ce sujet, nous avions décidé de mettre en place desmesures pour la saison qui va s’ouvrir ». Et de demander : « Nous sommes en mars et le programme est fait : 190 bateaux feront escale dans le port d’Aiacciu cet été. Où sont les mesures prévues ? ».
 
A chi ne simu ? 
L’élue de Core in Fronte liste les principales en scandant : « Mieux cerner l’impact environnemental avec des études fiables. À chì ni semi ? Renforcer les points Qualit’air et mettre en place des dispositifs d’alerte pour refuser certains navires, comme dans d’autres ports de Méditerranée. À chì ni semi ? Réguler l’activité qui comporte différentes sortes de bateaux, de carburants, autant de données à gérer pour maîtriser cette activité dans un environnement déjà très impacté par les ferries. À chì ni semi ? Mettre en place une charte pour les armateurs, qui utiliserait les leviers existants pour jouer sur les carburants, la vitesse des navires, les exigences à quai, la gestion des scrubbers, la simultanéité des navires ou le système de notation pour n’accepter que les navires les plus vertueux... À chì ni semi ? Un travail d’adaptation de nos produits rendus plus exportables face aux exigences des formules All inclusive, et entrant dans les critères de demandes des croisiéristes, devait être réfléchi. Quì dinò, à chì ni semi ? Enfin, l’évocation avait été faite d’une étude menée par le pôle Observation de l’ATC, sur l’impact environnemental ainsi que sur le comportement des touristes... Allora chì femi ? ».
 

Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Gilles Simeoni. Photo Michel Luccioni.
Un nouveau schéma en 2023
Le président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni, reste ferme sur ses convictions et assure : « Nous avons beaucoup avancé par rapport à ce que nous avons décidé en novembre dernier ». Avant de préciser que les décisions pour l’année 2023 ont été prises début 2022, c’est-à-dire bien avant, « donc si on veut rentrer dans une logique de régulation des croisières en Corse, il faut faire en sorte d’avoir un nouveau schéma pour 2024 ». Tout en avouant que si la fréquentation des bateaux de croisières diminuera de 15% cet été, « notre volonté commune y est pour peu, même si nous avons fait passer le message que nous ne voulons plus de ce qui s’est passé en 2022. C’est un pas petit, mais un pas quand même ». Il rappelle, ensuite, que la deuxième réunion programmée avec les associations aura lieu mardi après-midi à Corti. Puis, fait le point sur les deux grandes catégories de problèmes : le modèle économique et les atteintes à l’environnement avec l’aspect essentiel de la pollution de l’air, mais aussi l’impact sur le pourtour insulaire des mises à l’encre au large des côtes, des collisions et des mises en danger de la faune, notamment des rorquals et des dauphins.
 
Des données objectives
Sur le premier point, le président Simeoni confirme qu’une étude est en cours de réactualisation pour objectiver les retombées économiques de l’activité Croisière. « Il s’agit de mieux appréhender les avantages et les inconvénients de cette activité qui peut avoir des retombées économiques différentes en fonction du type de croisière. On sait que dans les grosses unités de croisiéristes, 2/3 des passagers restent à bord, tandis que 1/3 descend avec un panier moyen faible. Dans les croisières de luxe avec des unités plus petites, tout le monde descend avec des retombées économiques sensiblement plus importantes. Nous sommes en train de quantifier tout cela. Il faut écouter et analyser de façon fine ». Ceci posé, il martèle de nouveau que « même si un certain type de croisière a des retombées économiques sans doute significatives et positives, globalement le modèle Croisière, tel qu’il est subi et vécu, non seulement en Corse, mais dans toute la Méditerranée, ne correspond absolument pas au type de développement durable que nous voulons mettre en œuvre ». Il entend confronter cette conviction au verdict des données qui seront recueillies et analysées par les groupes de travail.
 
Deux chartes protectrices
Concernant la qualité de l’air, il communiquera à la réunion de mardi les données recueillies par les organismes d’Etat « qui tendent à démontrer qu’il n’y a pas en l’état de corrélation établie entre la présence de navires de croisières dans le port et la pollution de l’air ». Une étude que le président de l’Exécutif juge « insuffisante. C’est la raison pour laquelle nous avons prévu de renforcer les systèmes de captage, dix unités supplémentaires seront installées à Bastia, et dix autres à Ajaccio dans le cadre d’un programme européen porté par la CCI et dont nous sommes partenaires financiers. Les données seront recueillies par l’organisme agréé et rendues publiques ». Enfin, il révèle que la Collectivité de Corse a adhéré à une charte de la croisière en Méditerranée, très protectrice qui a été votée à l’initiative du ministère de la Mer. « Nous voulons aller plus loin et avoir notre propre charte à valeur contraignante qui nous permettrait de réguler et d’imposer, en termes de consommation d’eau, de vitesse à l’approche des ports, de situation des bateaux à quai, de déchets… Je confirme qu’aucun déchet supplémentaire n’est descendu à terre lors des escales, ce qui ne veut pas dire que nous avons toutes les données sur les contrôles de rejet en mer. Nous avons travaillé dessus avec la CCI, nous proposerons ces projets de charte lors de la réunion de mardi ». L’objectif, conclut-il, est de faire un large tour d’horizon avec une méthodologie partagée, une recherche de données incontestables avant une prise de décision politique. Et de promettre : « Nous serons au rendez-vous de la prise de décision politique, aussi bien au niveau du modèle économique que de la protection de l’environnement ».
 
N.M.