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Bastia : Le Puntettu est sauvé et le projet alternatif du Centre ancien validé et sur les rails !


Nicole Mari le Mercredi 12 Octobre 2016 à 21:09

Emotion, satisfaction, victoire politique… C’est le sentiment qui prévalait à l’issue de la réunion du Comité d'engagement local du Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) qui s’est tenue, mercredi après-midi, à Bastia, sous la présidence du Préfet de Haute-Corse, Alain Thirion, en présence, notamment du président de l’Exécutif territorial, du maire et de la 1ère adjointe de Bastia et du président du Conseil départemental. Après un long combat de près de 8 ans porté par les habitants et Inseme per Bastia, l’emblématique quartier du Puntettu est sauvé de la démolition et le projet alternatif du Centre ancien, imaginé par la nouvelle municipalité, a été validé à l’unanimité. Tous les financements sont acquis et moindres que prévus pour les collectivités concernées. Explications, pour Corse Net Infos, de Gilles Simeoni, président du Conseil Exécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC), qui avait fait du Puntettu son cheval de bataille. Réactions de Pierre Savelli, maire de Bastia, et d’Alain Thirion.



Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) etAlain Thirion, préfet de Haute- Corse, entourés de François Orlandi, président du Conseil départemental de Haute-Corse, d'Emmanuelle De Gentili, 1ère adjointe à la mairie de Bastia et conseillère départementale, et Pierre Savelli, maire de Bastia.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de la Collectivité territoriale de Corse (CTC) etAlain Thirion, préfet de Haute- Corse, entourés de François Orlandi, président du Conseil départemental de Haute-Corse, d'Emmanuelle De Gentili, 1ère adjointe à la mairie de Bastia et conseillère départementale, et Pierre Savelli, maire de Bastia.
- Cette validation, est-ce une victoire pour vous ?
- Oui ! C’est une victoire politique importante ! C’est, aussi, un moment d’émotion ! C’est le point d’aboutissement d’un long combat qui a commencé il y a plusieurs années. A titre personnel, je l’ai vécu sous trois casquettes différentes. D’abord, en tant que militant de terrain, puis élu d’opposition quand il s’est agi de s’opposer au projet initial porté par la majorité municipale d’Emile Zuccarelli. Ensuite, en qualité de maire de Bastia et, enfin, en qualité de président de l’Exécutif. Le projet initial nous avait été présenté comme définitif et tout avait été fait pour qu’il soit verrouillé. Il consistait, notamment, à détruire des maisons du patrimoine historique dans le quartier emblématique du Puntettu, dont la Place de l’huile qui est l’une des plus anciennes de Bastia. C’est ce à quoi nous étions principalement opposés.
 
- Le Puntettu a été au cœur de la campagne des municipales de 2014. Le sauver était une promesse électorale ?
- C’est vrai que le Puntettu a été l’un des points autour desquels s’est cristallisée la campagne des municipales. C’était un dossier chargé de sens symbolique et politique. Dès les années 2010, les habitants du quartier et Inseme per Bastia se sont fortement mobilisés pour dire qu’il fallait réhabiliter, quelque fois détruire l’habitat insalubre, toujours rénover, construire des logements sociaux… mais le faire dans le cadre d’une politique globale qui préserve le patrimoine de Bastia. Il y a eu des pétitions, des interventions d’historiens, d’architectes, de citoyens… C’était le sens de notre combat. Après notre victoire en 2014, l’enjeu était de réussir à changer le projet. Il a fallu convaincre l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) pour cela.
 
- Et ce ne fut pas simple. Pourquoi ?
- Ce fut extrêmement complexe ! Sans rentrer dans les détails techniques, les projets de PNRQAD fonctionnent sur le diptyque destruction-reconstruction. Il fallait atteindre un certain seuil de destructions pour pouvoir émarger aux financements prévus, c’est-à-dire maintenir le même niveau de démolitions qui incluaient, nécessairement, la démolition de fleurons du patrimoine bastiais pour pouvoir bénéficier du financement tel qu’initialement acté. J’ai souvenir d’une première réunion à l’ANRU à Paris pour présenter notre projet alternatif. J’étais accompagné d’Emmanuelle De Gentili, la première adjointe en charge de la politique de la ville, et du préfet Alain Thirion. Nous avons été reçu plus que fraîchement. On nous avait répondu qu’il n’était pas possible de modifier le projet initial.
 
- Qu’avez-vous fait alors ?
- Nous avons continué à travailler avec les services de la Ville et de l’Etat. Nous avons, aussi, pu compter sur l’appui déterminé de François Pupponi, président de l’ANRU, qui est venu sur place se rendre compte, aussi bien au Puntettu et à Gaudin qu’à Lupinu, Montesoro et Paese Novu. Le nouveau projet, que nous avons présenté, donnait une vision beaucoup plus large de la requalification du Centre ancien en incluant une logique de mise en valeur du patrimoine et de développement économique, tout en maintenant et en renforçant la réhabilitation du quartier et la construction de logements sociaux.
 
- Qu’est-ce qui a fait basculer la décision ?
- C’est la qualité de ce nouveau projet que nous avons réussi à enrichir dans sa vision globale, en diligentant des études économiques sur les moyens de redynamiser le Centre ancien et en réintégrant la construction du parking et de l’espace Gaudin dans le périmètre du PNRQAD. Il fallait renforcer l’acceptabilité sociale du projet de parking qui faisait l’objet de protestations importantes, notamment de la part de la communauté éducative et pédagogique du Vieux Lycée. Et, surtout, inclure ce parking dans une vision patrimoniale et urbanistique beaucoup plus large de remise en valeur de l’Eglise St-Charles et du début du Centre historique. C’est ce que nous avons fait en lançant un concours d’architectes au niveau de l’espace Gaudin. La dimension technique du parking a été complétée, de façon très affirmée, d’une dimension architecturale et de mise en valeur patrimoniale de l’Eglise St-Charles et du Vieux Lycée, associé à un projet de requalification du rond-point du Palais de justice.
 
- Est-ce ce qui a sauvé votre projet ?
- Oui ! Toute cette opération a été intégrée dans la requalification d’ensemble du Centre ancien. Se posait, alors, la question du financement, c’est-à-dire comment maintenir le même niveau de financement. Nous avons fait encore mieux ! L’enveloppe initiale, qui était d’environ 31 millions €, passe, aujourd’hui, à 33,6 millions €. Cette augmentation du financement global se fait à travers une diminution de la contribution de chacune des collectivités concernées par le projet. La Ville paye moins, sa contribution passe de 11,4 millions € à 11,3 millions €. La CTC paye moins, mais c’est elle qui paye le plus à concurrence de 16 millions €. La CAB (Communauté d’agglomération de Bastia) qui contribue à la marge, paye moins, sa contribution passe de 693 000 € à 594 000 €. Le Département, qui devait payer 934 000 €, ne paiera plus que 734 000 €. C’est, donc, une très bonne affaire financière pour les collectivités locales.
 
- Qui paye le surplus ?
- L’ANRU maintient son niveau de paiement, environ 8 millions €. L’Etat augmente sa participation, notamment à travers un redéploiement de l’enveloppe du PEI (Programme exceptionnel d’investissements), que j’ai négocié en tant que président de l’Exécutif de la CTC à l’occasion de la venue du Premier ministre en Corse. Dans le cadre du 4ème avenant au PEI, des crédits non utilisés seront redéployés à la requalification des centres urbains. Cette opération de redéploiement profite, non seulement à Bastia, mais aussi à Portivechju et à Aiacciu. Nous avons réussi à sécuriser l’opération et même à l’améliorer. En termes qualitatifs, nous avons, aujourd’hui, atteint tous nos objectifs.
 
- Lesquels ?
- D’abord, la préservation du patrimoine et des fleurons des anciennes maisons de la ville, comme a Casa Montesoro. Nous sauvons la Place de l’huile. Notre projet fait sens et a une cohérence urbaine globale. Nous avons intégré, dans le quartier du Puntettu, un équipement public dont la destination sera décidée par les habitants, notamment à travers le travail qu’ils feront dans le cadre des Comités de quartiers. Notre vision globale intègre la volonté d’installer des familles en Centre ancien par la construction du parking, le réaménagement du rond-point du Palais de justice et la création d’un pôle éducatif au niveau de l’ancienne école Gaudin. Cette école est maintenue dans sa fonction initiale et enrichie d’une crèche en rez-de-chaussée, ce qui est important pour les familles qui s’installeront. Enfin, nous menons une étude de dynamisation économique et conservons le niveau de logements sociaux du projet initial dans une optique de mixité avec la création d’accès à la propriété en logements intermédiaires. La baisse du nombre de destructions, initialement prévues, permettra de ne pas exproprier les familles, de les maintenir dans leurs appartements et de leur faire bénéficier de programmes de rénovation, type OPAH (Opération programmée d'amélioration de l'habitat).
 
- Au final, combien de logements seront construits ?
- Si on fait le bilan en termes quantitatifs des destructions et des reconstructions :16 immeubles seront démolis, soit un total de 85 logements abritant 52 familles, 9 immeubles seront reconstruits, donc une respiration plus grande du Centre ancien et 97 logements plus spacieux qui abriteront 97 familles. Soit 65 % de logements sociaux, 10% d’accession à la propriété et 18% de logements intermédiaires. D’où un gain net par rapport à la situation initiale de 12 logements et de 45 familles. C’est, donc, un projet qui fait sens, qui est l’aboutissement d’un travail porté sur plusieurs années et dont il a fallu assurer la reconnaissance par l’ANRU. Ce travail a été, aujourd’hui, validé à l’unanimité par le Comité d’engagement de l’ANRU.
 
- Quel est le calendrier opérationnel prévu ?
- Les opérations, déjà en cours, continuent. Cette nouvelle maquette sera présentée dans les semaines à-venir aux prochaines sessions des différentes collectivités concernées, notamment la Ville de Bastia et la CTC. Ceci, le plus rapidement possible, le temps de finaliser les rapports. Cela nous permettra de lancer les projets dès 2017 et de mener à bien les travaux en 2018 et 2019. Même si comme toute opération immobilière, il y a des risques de retard sur les chantiers, on peut raisonnablement espérer que la quasi-totalité de ce programme de rénovation urbaine sera mené à terme à l’horizon 2020.
 
Propos recueillis par Nicole MARI.
 

La mobilisation des militants d'Inseme per Bastia et des habitants.
La mobilisation des militants d'Inseme per Bastia et des habitants.
Pierre Savelli : « C’est une grande fierté pour nous ! C’est un dossier sur lequel nous avons bataillé, ferraillé pendant dix ans »
 
« Aujourd’hui, nous arrivons à la phase opérationnelle du fameux dossier Puntettu, même si le financement validé par le Comité d’engagement de l’ANRU ne concerne pas que le Puntettu, mais tout le Centre ancien, la rue Letteron, l’espace Gaudin, le rond-point du Palais de justice... C’est une grande fierté pour nous ! C’est un dossier sur lequel nous avons bataillé, ferraillé pendant dix ans. Lorsque nous étions dans l’opposition, on nous reprochait d’empêcher la ville d’avancer. On nous accusait d’être un frein au développement de Bastia. Aujourd’hui, nous prouvons que nous avions raison de le faire. Le projet actuel n’a rien à voir avec celui qui était envisagé précédemment. Notre projet nous a permis de sauver bon nombre de maisons que l’on peut considérer comme faisant partie du patrimoine de la ville de Bastia, et de mettre en œuvre la rénovation de l’école Gaudin et l’aménagement du boulevard Gaudin. Il nous permet, aussi, de construire plus d’appartements et d’apporter plus de mixité sociale. L’an prochain, nous passerons à la phase opérationnelle, mais, d’ores et déjà, nous savons que nous y sommes arrivés. C’est une grande satisfaction et un moment important pour nous. Les militants que nous sommes restés, le président de l’Exécutif et moi, avons eu un petit pincement au cœur parce ce projet a représenté beaucoup d’investissements de notre part et de la part de tous les militants d’Inseme per Bastia ».
 

U Puntettu
U Puntettu
Alain Thirion : « Des efforts sont faits par l’Etat pour soutenir un aménagement global qui correspond aux orientations définies par la Ville dans le Centre ancien »
« Il fallait reprendre l’ensemble de l’opération du PNRQAD et faire en sorte que l’on soit à la fois dans les clous des règlements généraux de l’ANRU. Ce qui a été fait grâce à une dérogation qui a été accordée au niveau central. Il fallait surtout donner de la cohérence à l’ensemble du Centre ancien en y intégrant l’opération Gaudin qui est une opération essentielle de redynamisation de ce Centre. Dans ce cadre-là, nous avons pu, grâce à la mobilisation de l’ensemble des acteurs, donner un contenu technique précis qui fait sens et, également, trouver des financements permettant de boucler cette opération. Des efforts sont faits par l’Etat, par l’intermédiaire de l’ANRU, du PEI et du fonds de soutien aux initiatives locales pour la partie Logirem, pour soutenir un aménagement global qui correspond tout à fait aux orientations définies par la Ville dans le Centre ancien avec la volonté de revitalisation économique et de mixité sociale. Aujourd’hui, c’est le point de départ de la mise en œuvre opérationnelle, c’est-à-dire la phase de lancement pour réaliser les travaux ».