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Balbuzards à la réserve de Scandula : U Levante accuse, les bateliers ripostent


Livia Santana le Samedi 2 Juillet 2022 à 21:24

U levante a présenté ce samedi 2 juillet, un rapport sur la reproduction du balbuzard dans la réserve de Scandula. Trois huissiers mandatés par l'association de protection de l'environnement ont relevé les nids de ces oiseaux pêcheurs une fois en mars et deux fois en juin. Durant cette période 13 nids ont été abandonnés. Pour U Levante, la fréquentation des bateaux en serait la cause. Les bateliers dénoncent de fausses informations et estiment que leur présence n'a rien à voir avec la nidification.



Un Balbuzard
Un Balbuzard
Depuis plusieurs années, l’association de protection de l’environnement U levante alerte sur la disparition du Balbuzardpêcheur de Corse, oiseau qui se reproduit à 80% dans la zone Natura 2000, en particulier vers Capu Rossu sur la pointe occidentale de l’île. 

Cette année, l’association, particulièrement inquiète quant à la diminution de l’espèce, a mandaté trois huissiers pour observer les nids des balbuzards à trois dates différentes correspondant au cycle de reproduction du volatile. 
Postés le 23 mars dans des bateaux situés de Cargese à la pointe de la Revelata, les experts ont d’abord effectué des relevés des nids. À ce moment qui correspond à la ponte des œufs, 16 en état de reproduction certaine ont été recensés dont 4 nids actifs dans la réserve naturelle de Scandula. La majorité des éclosions ont lieu entre la fin avril et le début mai.
Plus de deux mois plus tard, le 2 juin, les huissiers sont donc retournés sur site pour recenser à nouveau les nids. Là-basils ont trouvé 7 nids à reproduction certaine (dont 1 nid qui n’avait pas été repéré en mars). Dans la réserve naturelle, seul 1 nid était actif. Une vingtaine de jours plus tard, le 27 juin. Les huissiers recensent 5 nids à reproduction certaine (dont 1 nid qui n’avait pas été repéré avant) et toujours un nid à Scandula. Entre le 23 mars et le 27 juin, le constat est alarmant : 13 nids en échec de reproduction ce qui rapporte à un taux de réussite de seulement 31,25%. 
Dans la réserve naturelle,l’échec est aussi criant : 75% des nids n’ont pas donné d’oisillons. « Je tiens à souligner que le bilan présenté ne tient compte que des nids pour lesquels une certitude de reproduction était acquise. Il ne tient pas compte des nids pour lesquels la reproduction était probable c’est-à-dire avec des oiseaux en vol ou perchés à proximité », souligne Michelle Salotti membre de l’association U Levante.

En cause, « les nuisances des bateaux »


Selon l’association et les constatations des huissiers, les nuisances sonores provenant des bateaux touristiques et de la plaisance viendraient perturber l’oiseau en nidification. Dans son rapport, l’huissier note ainsi : « Quelques minutes après notre arrivée, je distingue une embarcation immatriculée qui s’approche du nid et s’arrête à seulement quelques dizaines de mètres pour l’observer. Je note entendre les cris de l’oiseau à l’approche du bateau. M. Orabi ( Ndlr ; Pascal Orabi, l’ornithologue qui accompagne l’huissier sur l’embarcation) m’indique qu’il s’agit d’un cri d’alarme. »

Alors que le mâle et la femelle quittent le nid, les oisillons qui ne sont plus protégés, seraient vulnérables à la chaleur et ne seraient plus alimentés ce qui mènerait à leur décès. Pour éviter que cela n’arrive, l’association a demandé à la préfecture maritime d’établir un arrêté préfectoral pour instaurer des zones de quiétudes près des nids lors de leur reproduction : de mars à août. 

Ce vendredi 1er juillet, un arrêté préfectoral pris par le préfet maritime de la Méditerranée est tombé. Celui-ci réglemente la navigation et le mouillage aux abords des nids de balbuzard pêcheur jusqu'au 31 août 2022 dans la Réserve naturelle de Scandola. Les navires ne peuvent s’approcher à moins de 250 mètres d’un nid de Balbuzard pêcheur. Mais pour l’association U Levante, ce n’est pas assez. « Il aurait dû être pris avant, parce que nous avons bien vu dans le rapport, que l’hécatombe avait lieu bien avant », regrette la militante.

Les bateliers montent au créneau

Contacté, un batelier fréquentant la réserve naturelle de Scandola estime que les constatations faites lors de ce rapport sont totalement fausses. « Il faut se poser les bonnes questions. Si les Balbuzards sont repoussés par le bruit des bateaux, alors pourquoi les nouveaux nids sont-ils construits à proximité des lieux où il y a le plus de trafic depuis 7, 8 ans ?Comment expliquez-vous qu’en 1975 il ne restait que trois couples alors qu’il y avait moins de touristes et quasiment pas de bateaux à Scandula ? Pourquoi les nids porteurs de petits sont ceux où il y a le plus de fréquentations de bateaux et les nids où il n’y a aucun bateau qui passent sont occupés, mais n’ont pas forcément plus de naissances ? », se questionne l’homme. 

Récemment, le batelier s’est rendu au Mexique. Là-bas, les balbuzards pêcheurs dit « Pandion Haliaetus » installent leurs nids sur les toits des restaurants. « Celui du golfe de Porto est-il différent génétiquement ? Son nom latin doit être Pandion Haliaetus phobus turisticus levantus. Il est allergique à toutes les activités touristiques », ironise le professionnel de la mer. 

Selon les bateliers, le volatile est un prétexte pour empêcher la fréquentation de cet endroit. Face à l’arrêté préfectoral, l’homme reste sans voix. « On sait que les oiseaux ont quitté le nid au mois d’août. Pourquoi nous empêcher de passer à côté d’un nid vide ? C’est une hypocrisie sans nom », s’insurge-t-il. 

En effet, selon les informations recueillies par l’association U Levante, à partir de la première semaine de juillet, les poussins du Balbuzard sont assez âgés pour tenter de réaliser des battements d’aile afin de développer les muscles impliqués dans le vol et se lancent donc à cette époque. 

Pour les professionnels du tourisme, l’arrêté n’empêchera pas les plaisanciers de s’approcher des nids. Or, la plaisance représenterait 85% du trafic dans la réserve naturelle de Scandula.