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Autonomie. Paul-Félix Benedetti : "Je pense qu’il peut y avoir un vote à l’Assemblée de Corse qui aille au-delà de la sphère patriotique"


David Ravier le Mardi 12 Mars 2024 à 19:50

Paul-Félix Benedetti, présent lundi soir à Paris pour la réunion de travail au ministère de l’Intérieur, exprime sa satisfaction quant à l'étape franchie vers une réelle autonomie pour l'île. Le président du groupe Core in Fronte à l’Assemblée de Corse, reconnaît toutefois que le chemin vers la concrétisation de cette autonomie et le transfert des compétences associées sont encore longs.



Crédit photo AFP
Crédit photo AFP
- Un pas significatif vers l’autonomie a-t-il été franchi hier soir selon vous ?
- Je dirais plutôt qu’une étape validante a été franchie dans un dispositif législatif de niveau constitutionnel. Cela ouvre tous les champs des possibles vers une autonomie telle que nous la concevons, c’est-à-dire similaire à celle des îles italiennes, espagnoles et portugaises. Je pense notamment à l’archipel des Açores qui nous a servi de modèle sur la réalité effective des pouvoirs législatifs transférés localement par l’État du Portugal à l’entité autonome des Açores. Toutefois, nous savons que ce n’est qu’une étape et que le chemin est encore long, car nous souffrons d’un archaïsme jacobin au plus haut niveau de l’État et des représentations parlementaires français qui fait qu’aujourd’hui, une partie d’entre eux sont vent debout contre l’autonomie de la Corse.

 

- Au sortir de cette réunion, Gérald Darmanin a une nouvelle fois souligné qu’il n’y a pas de place pour la notion de « peuple », pour le « statut de résident » et la « co-officialité ». Est-ce que finalement on ne reste pas de facto loin d’un processus historique tel que l’attendait le mouvement nationaliste?
Pas forcément, disons plutôt que nous franchissons une étape. Pour avoir un peuple et une officialité, il faut avoir une nation corse, et pour cela, il faut avoir l’indépendance. Nous savons très bien qu’aujourd’hui, les décisions se sont passées à Beauvau, et que ce n’était qu’une simple médiation de haut niveau qui débouche sur ce statut d’autonomie avec une France qui, dans ses articles 1 et 2 de la Constitution, refuse le droit à l’existence constitutionnel des minorités fondées sur la valeur des peuples et sur la valeur d’une langue appartenant à ce peuple. Dans ces conditions, il nous appartient de continuer à nous battre pour arracher politiquement ce droit qui est historique et inaliénable.
Ce que nous avons aujourd’hui, ce sont les fondations. Nous n’avons pas l’autonomie, mais nous avons les plans pour la bâtir sur des bases saines et stables. Deux écueils sont néanmoins à souligner. Le premier, c’est le passage de cette vision constitutionnelle par les fourches caudines du Parlement qui pourront malheureusement l’amputer de son pan fondamental, à savoir la notion d’un pouvoir législatif transféré à la Corse. S’il n’y a pas cela, ce projet deviendra une simple aventure réglementaire, qui conduira vers un peu plus de décentralisation, mais jamais vers une autonomie.

 

- Les champs de compétences qui seront transférés à la future collectivité autonome de Corse sont renvoyés à la loi organique. N’est-ce pas là un certain danger ?
- C’est justement le second écueil dont je souhaitais parler. Si tout ce que nous avons acté hier est voté, il reste encore le problème de fond de la loi organique, qui est le lot commun de toutes les autonomies. Le problème, c’est que nous faisons face à un gouvernement qui n’a pas de majorité. Ainsi, même en arrivant à convaincre les forces politiques françaises du bien-fondé de notre démarche, de la spécificité de la Corse et de ses droits, même s’il est écrit que nous pouvons avoir une autonomie avec des transferts qui sont tout autant dans le pouvoir normatif que législatif, il faudra que tout cela soit acté par une loi organique et que l’on nous donne des transferts efficients, dans des domaines fondamentaux tels que le foncier, l’action économique ou l’action culturelle. Très sincèrement, je pense que nous en sommes loin et qu’il nous faudra beaucoup de persuasion et une force politique cohérente pour y arriver.

 

- Le processus de Beauvau est désormais terminé. Gérald Darmanin a rappelé que le Président de la République exige comme condition sine qua non pour continuer à cheminer vers l’autonomie la recherche d’un consensus au-delà de la famille nationaliste lors du vote à l’Assemblée de Corse. Pensez-vous que cela soit possible malgré les réticences qui subsistent du côté de la droite ?
- Au vu des discussions que nous avons eues pour valider cette première étape sans consensus — car il y a beaucoup de choses qui ne me conviennent pas, mais je considère que c’est un premier pas  vers ce que nous souhaitons —, nous avons réussi à mettre d’accord aussi bien les forces nationalistes représentées à Paris qu’une partie de la droite portée par Laurent Marcangeli. Je pense donc qu’il peut y avoir un vote à l’Assemblée de Corse qui aille au-delà de la simple sphère patriotique.