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Autonomie : Jean-Jacques Panunzi, "pas d'accord pour que la Corse crée ses propres lois"


le Mardi 12 Mars 2024 à 19:54

L’ultime réunion du processus de Beauvau s’est tenue hier soir à Paris avec en guise d’épilogue l’adoption, au terme de 5 heures d’échanges, d’une proposition d’écriture constitutionnelle largement adoubée par la délégation d’élus corses. Face au satisfecit général, deux voix dissonantes se sont toutefois faites entendre du côté de Jean-Martin Mondoloni et de Jean-Jacques Panunzi. Le sénateur de la Corse-du-Sud regrette en effet pour sa part un texte qui introduit une « rupture » avec la République et fustige le pouvoir législatif qui pourrait être dévolu à la future Collectivité autonome de Corse, qui risque de « créer un État dans l’État ». Il explique sa position à CNI.



- Le processus de Beauvau a pris fin hier soir, avec une proposition d’écriture constitutionnelle définitivement adoptée par la délégation d’élus corses et le ministre de l’Intérieur. Ce texte n’a cependant pas reçu votre assentiment. Va-t-il trop loin selon vous ?
- Nous étions partis pour écrire un socle constitutionnel, pour nous permettre dans un deuxième temps d'ouvrir la loi organique afin d’avoir le pouvoir d'adaptation. C'est le pouvoir normatif que nous avons obtenu par la loi de 2002 et que nous n'avons jamais pu exercer à cause du fait qu’il n'était pas constitutionnel. J'ai d’ailleurs répété à l'envi hier soir que la Corse possède ce pouvoir normatif, mais qu'il faut le constitutionnaliser. Il n'y a pas besoin de chercher autre chose. Or, les nationalistes en veulent toujours plus : ils ne sont pas d'accord sur le pouvoir d'adaptation, ils veulent carrément le pouvoir législatif. Je leur ai dit que logiquement, seul le Parlement est habilité à faire et à voter la loi et que pour notre part, une fois qu’une la loi sera votée, si on modifie la Constitution, on pourra l'adapter. Mais je ne suis pas d'accord pour que ce soit la Corse qui crée ses propres lois. La première pierre d'achoppement est donc sur le pouvoir normatif. Ensuite, il y a eu un deuxième sujet sur lequel je n'étais pas d'accord, c'est sur l'écriture du premier article qui pose : « La Corse est dotée d'un statut d'autonomie au sein de la République, qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne et à sa communauté historique, linguistique et culturelle ayant développé un lien singulier avec sa terre ». Cette façon dont les choses sont présentées est très dangereuse, parce que cela va rester dans le socle constitutionnel, et à partir du moment où on parle de communauté historique, linguistique, culturelle, il est question d’un peuple, de la coofficialité et du statut de résident. Donc, cela veut dire que cette interprétation permettra demain aux nationalistes de demander à inscrire dans la loi organique le statut de résident, ce que je ne souhaite pas, la cofficialité, ce que je ne souhaite pas non plus, et la reconnaissance du peuple corse. Et si moi je veux me retourner vers le Conseil constitutionnel pour qu’il juge si cela est légal, ce dernier me répondra que dans le socle constitutionnel il y a la reconnaissance d'une communauté historique et que cela est donc légal. Comprenez où est le piège.
 
- Des points qui, selon vous, pourraient poser problème lors de la présentation du texte au Sénat ?
- Bien entendu, cela ne peut pas passer. C'est impossible, car c'est un principe antirépublicain : on choisit carrément de se séparer de la France. Si vous reconnaissez un peuple, c'est qu'il y a une nation. Le peuple, il n’y en a qu'un, c'est le peuple français. Si vous créez une communauté à l'intérieur de la nation, vous créez le communautarisme qu'on est en train de combattre au niveau national. Et nous, on veut le constitutionnaliser pour la Corse, ce n'est pas crédible ! J’ai soulevé ce problème en disant que moi, le rapport à la terre, je sais de quoi je parle, j'ai été élevé avec mon grand-père qui était berger. Quant à la langue, mes parents m'ont mis à l'école pour non pas apprendre la langue corse, mais le français. Dans un socle qui doit servir d'ouverture de porte à une loi organique, on ne peut pas prendre le risque d’écrire tout cela de cette façon. Il faut être prudent. J’ai dit aux nationalistes que j'étais farouchement opposé à l'écriture de cet article et que j'étais prêt à leur en proposer un autre. Ils n'ont pas accepté. Les nationalistes sont partis d’une proposition qui a été faite par le Président de la République, l’ont détricoté comme ils le souhaitaient et l'ont écrit un petit peu à leur façon. Cela ne m'arrange pas du tout ! Je ne suis pas favorable à l'écriture du premier article et je suis farouchement opposé à l'écriture du troisième article dans lequel, pour ne pas déplaire aux nationalistes, le ministre de l’Intérieur a dit que la Collectivité de Corse peut également être habilitée à fixer les normes, sans préciser s’il s’agit de la norme législative ou de la norme règlementaire. Si c’est la norme réglementaire je vote en faveur, parce que je suis pour le pouvoir d'adaptation. Mais si c'est la norme législative, je ne suis pas d'accord.
 
- Mais on ne saura de quel pouvoir normatif il s’agit que par le biais de la loi organique...
- Bien sûr. Mais une fois que ce principe sera introduit dans la Constitution, en imaginant que demain, lorsqu'on votera la loi organique, les nationalistes aient la majorité au Sénat et à l'Assemblée Nationale sur le principe que la Corse fasse la loi, ce sera acté. C'est la raison pour laquelle moi, je ne veux pas que ce soit inscrit de cette façon dans le socle constitutionnel car le Conseil Constitutionnel nous opposera que cela est écrit dans le socle constitutionnel, qu’ils ont de facto le droit de l'écrire dans la loi organique et on ne pourra rien faire. Maintenant, il va bien entendu y avoir un vote à l'Assemblée de Corse qui sera semblable à celui d’hier soir, puisque les nationalistes sont largement majoritaires. Et ensuite, cela remontera vers le Président de la République qui lui, à ce moment-là, en son âme et conscience, et après avoir pris le sentiment du président du Sénat et de la présidente de l'Assemblée Nationale, verra s'il fait cheminer le texte vers le Parlement ou bien s'il arrête le processus. Désormais, la décision ne nous appartient plus.