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Autonomie : À l’Assemblée de Corse « un moment décisif pour la Corse »


le Mercredi 27 Mars 2024 à 21:27

Ce mercredi, la session de l’Assemblée de Corse était entièrement consacrée à l’inscription de la Corse dans la Constitution. L’occasion pour l’hémicycle de décortiquer le projet d’écriture constitutionnelle sur lequel les élus corses et le ministre de l’Intérieur se sont accordés le 11 mars dernier. En introduction aux débats, Gilles Simeoni et Marie-Antoinette Maupertuis ont insisté sur la solennité de ce moment pour l’avenir de l’île.



L'Assemblée de Corse s'est prononcée ce 27 mars sur le projet d'écriture constitutionnelle visant à accorder un statut d'autonomie à l'île (Photo : Paule Santoni)
L'Assemblée de Corse s'est prononcée ce 27 mars sur le projet d'écriture constitutionnelle visant à accorder un statut d'autonomie à l'île (Photo : Paule Santoni)
C’est avec plus de trois heures de retard sur l’horaire annoncé que la session de l’Assemblée de Corse consacrée à l’autonomie a débuté ce mercredi après-midi. En cause, un désaccord quant à l’organisation du vote sur le projet d’écriture constitutionnelle sur lequel les élus corses et le ministre de l’Intérieur se sont accordés le 11 mars dernier. Les modalités d’examen du texte ont donc longuement été débattues en conférence des présidents afin de savoir s’il convenait de voter d’un bloc ou alinéa par alinéa, l’obtention du pouvoir législatif faisant l’objet d’un profond désaccord avec le groupe de droite. C’est finalement une solution intermédiaire qui a été choisie, avec un vote en trois temps : l’un pour le bloc concernant les fondements constitutionnels avec les éléments de reconnaissance de la particularité de la Corse, un second pour les capacités normatives, et enfin un troisième pour la consultation populaire des Corses. 
 
De retour dans l’hémicycle, après une matinée de travaux à huis clos, c’est la présidente de l’Assemblée de Corse, Marie-Antoinette Maupertuis, qui introduit ce débat venant clôturer définitivement les deux ans de travaux du processus de Beauvau. « Le fruit de nos réflexions, de nos accords et de nos désaccords est devant vous », lance-t-elle en appuyant sur le fait que cet écrit est le « résultat d’un travail de longue haleine qui après une phase élargie au sein de la délégation de Beauvau a d’abord culminé le 5 juillet dernier lors du vote ultra majoritaire de la délibération Autonomia ». « Jamais auparavant une proposition faite dans cet hémicycle n’était allée aussi loin sur les plans symbolique, politique et juridique », souligne-t-elle en rappelant que le travail s’est ensuite poursuivi avec de nombreuses réunions de la conférence des présidents et du comité stratégique qui ont eu pour objectif de « créer les conditions d’une convergence large en faveur d’un projet de texte constitutionnel ». « Nous pouvons le dire, nous nous sommes donnés collectivement une chance de faire un pas décisif pour la Corse », appuie encore la présidente de l’Assemblée de Corse. 
 
 
« Il n’est pas possible en l’état de la Constitution actuelle de faire reconnaitre un autre peuple que le peuple français »
 
Si elle concède que « beaucoup sera dit sur les 28 lignes » du projet d’écriture constitutionnelle - « certains diront que cela va trop loin, alors que d’autres du côté des nationalistes, diront que le compte n’y est pas » -, elle liste quelques « faits objectifs » qui découlent de cet accord. « Ce texte se propose d’inscrire très clairement la Corse et ses spécificités culturelles, linguistiques et historiques dans la constitution ainsi que le lien à la terre. Ce texte se propose de doter la Corse d’un statut d’autonomie. Ce texte à vocation constitutionnelle renvoie à la loi organique pour la définition des modalités d’application. Ce texte répond dans sa rédaction à deux des objectifs de la famille politique à laquelle j’appartiens : la reconnaissance de nos spécificités et le pouvoir de légiférer », énumère-t-elle en reprenant : « L’absence de mention explicite de peuple corse est un quatrième fait objectifPour autant, au nom des valeurs qui nous animent, des idées qui sont les nôtres, de cette culture que nous avons en partage et de ce que nous sommes au monde au-delà de nos histoires individuelles et collectives, quelqu’un peut-il encore nier qu’il existe un peuple corse ? ». De facto, pour Marie-Antoinette Maupertuis il convient d’ « agir vite pour garantir à ce peuple les conditions de sa survie, de son développement et de son rayonnement ». « Cela passe par l’octroi d’un statut d’autonomie et d’un véritable pouvoir, par l’accession à une responsabilité supérieure devant les Corses et pour les Corses », pose-t-elle. 

 

(Photo : Paule Santoni)
(Photo : Paule Santoni)
Derrière elle, le président de l’Exécutif s’astreint à expliciter l’alinéa 1er de ce projet d’écriture constitutionnelle qui dispose : « La Corse est dotée d’un statut d’autonomie au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres, liés à son insularité méditerranéenne, et à sa communauté historique, linguistique et culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre ». « Il n’y a pas de référence au peuple au corse dans cet alinéa 1er. Je le dis avec force qu’en ce qui concerne le courant politique auquel j’appartiens, nous restons bien évidemment fondamentalement attachés à la notion de peuple corse, parce que nous considérons qu’il est une évidence historique, culturelle, linguistique, sociologique et politique. Mais je dis aussi que tous ceux qui ont travaillé ces dernières décennies pour faire prendre en compte la notion de peuple corse savent bien qu’il n’est pas possible en l’état de la Constitution actuelle de faire reconnaitre un autre peuple que le peuple français », soutient-il, « Dans cet alinéa premier nous avons le socle constitutionnel qui permet à la loi organique à venir de décliner le statut de la langue et le statut de résidence, mais également l’ensemble des politiques dont nous considérons qu’elles sont indispensables, par exemple dans le domaine de la transmission immobilière, le régime dit des arrêtés Miot, ou pour organiser la prise en compte des territoires de l’intérieur de l’île au titre de l’insularité. Cet alinéa premier est un alinéa puissant constitutionnellement et politiquement qui nous permet à nous nationalistes d’être en cohérence avec ce que nous considérons être le fil historique de notre combat. Il est pour nous un pas considérable que je salue ». 
 
« Un point d’équilibre »
 
Poursuivant son explication de texte, Gilles Simeoni indique que les alinéas 2, 3, 4 et 5 « organisent les dispositions constitutionnelles relatives au pouvoir normatif de la Collectivité de Corse ». « Ce pouvoir peut être de deux ordres : soit un pouvoir réglementaire d’adaptation, soit un pouvoir de nature législativeNous votons donc un principe de capacité normative, dont la mise en œuvre sera définie dans ses compétences comme dans les modalités par la loi organique à intervenir », ajoute-t-il en relevant que « ce pouvoir ne sera pas sans limites » et ne pourra s’exercer que  « dans les secteurs et compétences définis par la loi organique » et « sous le contrôle du juge » à savoir le conseil d’État pour le pouvoir réglementaire, et le conseil constitutionnel pour la norme législative, étant précisé que ce dernier « pourra être saisi par l’Assemblée Nationale, son président, le Sénat, son président, le représentant de l’État ou encore un tiers des élus de l’Assemblée de Corse ». « Nous avons donc un système qui a notre sens est équilibré y compris parce qu’il prévoit une progressivité dans les domaines de compétences avec une évaluation que nous avons acté dans le projet d’écriture constitutionnelle », commente-t-il encore en notant que c’est sur ces articles qu’il « subsiste toujours un désaccord » avec une partie du groupe Un Soffiu Novu. 
 
Enfin, le 6ème  alinéa vient pour sa part affirmer la nécessité de consulter les Corses sur ce projet d’autonomie. « C’est in fine la garantie suprême et totale qui doit permettre à chacune et chacun de s’engager au moment où nous allons voter », souffle Gilles Simeoni avant de conclure : « Ce projet d’écriture constitutionnelle forme un tout. Nous ne pouvons pas l’amender ni le modifier. Nous avons trouvé un point d’équilibre y compris avec le Gouvernement et Gérald Darmanin qui a validé ce texte. Ce texte ne signifie pas la fin de du travail politique. Nous avons fait un long chemin, il nous en reste un tout aussi long à faire. Mais le moment que nous vivons aujourd’hui est important et décisif pour la Corse, pour son peuple et pour notre démocratique qui sort renforcée du travail conjoint que nous avons mené ».
 
Derrière ces discours introductifs, chaque groupe a pu faire part de son soutien ou de ses doutes sur ce projet d'écriture constitutionnelle durant un débat de plus de 2h30 (voir par ailleurs).