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Audience solennelle à la Cour d'appel de Bastia : Trafic de stupéfiants, homicides et violences au cœur des discours


Paule Cournet le Vendredi 19 Janvier 2024 à 20:30

A l’occasion de l’audience solennelle de la Cour d’appel de Bastia et de l’installation du nouveau Procureur de la République, Jean-Philippe Navarre, la Première Présidente de la Cour d’appel de Bastia, Hélène Davo, et le Procureur général, Jean-Jacques Fagni, ont dressé le bilan judicaire de l’année 2023 en Corse.



Ambiance solennelle et protocolaire en cette fin de semaine au palais de justice de Bastia. La salle des Assisses, pleine à craquer, bruisse des conversations feutrées des plus hauts représentants de l’État, de la police, de la gendarmerie, des élus, des bâtonniers et avocats qui, peu à peu, rejoignent leur siège en attendant la Cour.

En cette nouvelle année, l’heure est venue de clore l’année judiciaire 2023 et d’ouvrir la session 2024, « dans un contexte compliqué », rappelle la Première Présidente de la Cour d’appel de Bastia, Hélène Davo, aussi bien à l’international, qu’en Corse, où le « début d’année criminel a déjà marqué les esprits », note-t-elle en référence à la tragique tuerie de Montesoro dans laquelle 4 personnes ont perdu la vie.

Rappelant par ailleurs que 2023 aura été notamment marquée par la visite en Corse et à Bastia, du Président de la République, Emmanuel Macron, en prévision d’une évolution institutionnelle et constitutionnelle des statuts de l’île,  Mme Davo saisit l’occasion pour revenir sur les changements majeurs qui ont rythmé la vie judiciaire à savoir : les remplacements des deux bâtonniers de Haute-Corse et de Corse-du-Sud à qui elle rend un hommage appuyé, le départ en septembre dernier d’Arnaud Viornery, procureur de la République de Bastia, pour le cabinet du Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti en qualité de conseiller spécial et l’arrivée, enfin de son successeur Jean-Philippe Navarre, arrivé dans l’île le 2 janvier dernier et qui a été officiellement installé ce vendredi. 

Et si l’année ne fut pas de tout repos, les points de satisfecit à mettre à l’actif de la juridiction de Haute-Corse sont nombreux : « Les chiffres corroborent une demande de régulation faite par nos concitoyens », estime ainsi la Première Présidente alors que le bilan de l’année écoulée laisse apparaître une activité civile plus importante, même si, forcément, elle est moins médiatique que l’activité pénale.
 

« Une justice de qualité dans des délais raisonnables»
Pour autant, la justice du quotidien fonctionne plutôt bien avec un délai de traitement de 13 mois en moyenne et une baisse des affaires civiles en appel, ce qui fait de la Corse une exception sur le plan national. « Nous sommes une belle exception. Ici, les chiffres nous montrent une architecture où l’appel intervient juste pour refermer. Ailleurs en France, l’appel tient lieu de règlement des litiges », souligne la magistrate du siège qui salue « une justice de qualité, dans des délais raisonnables ».

Sur le plan pénal, l’activité est en augmentation par rapport à l’année précédente avec une hausse des homicides et s’exprime clairement en première instance, avec, pointe toujours la Présidente, « des affaires complexes, aux enquêtes longues, infra-JIRS (juridictions interrégionales spécialisées) ».

La généralisation, début 2023, des Cours criminelles départementales (CCD), confirmées par le Conseil constitutionnel à la fin du mois de novembre dernier pour juger certains crimes à la place des Assises, est une réforme lourde pour une petite juridiction puisqu’elle mobilise 5 magistrats professionnels (sans jury populaire), n’a pas confirmé pour l’heure – les chiffres sont trop récents une accélération du traitement des affaires. « Il semble pour l’instant qu’on ne juge pas plus vite en CCD qu’aux Assises, mais il nous faudra plus de recul », confirme Mme Davo.

Véritable tour de contrôle de l’actualité judiciaire, la Chambre de l’instruction a rendu 332 arrêts et 89 ordonnances en 2023, lui attribuant une activité un peu plus forte qu’en 2022. Bien que l’île ne connaisse pas de délinquance de rue et que la délinquance des mineurs reste faible, des points de sensibilité font mettre l’accent pour 2024 sur la lutte contre les violences intrafamiliales (en hausse l’année passée) avec la création d’un Pôle Vif –Violences intrafamiliales alors qu’une cellule de veille avait été mise en place dès 2022, et sur la lutte contre les atteintes à l’environnement avec l’installation d’un Pôle environnemental au sein du parquet de Bastia.

La priorité : la lutte contre le trafic de stupéfiants
Sans surprise malheureusement, c’est la lutte contre le trafic des stupéfiants qui restera la priorité des services de police et de la justice, priorité inscrite dans la nouvelle circulaire pénale territoriale, la Corse restant, même si elle n’est pas une plaque tournante du trafic, un « lieu attractif » de consommation, et pas seulement lors de la période estivale. Une réalité qui fait dire au Procureur général de Bastia, Jean-Jacques Fagni, qu’il ne suffit pas de faire fleurir, sur les murs, l’inscription « A droga fora », pour lutter contre ce fléau (lire interview par ailleurs).
Une priorité qui ne masque pas l’autre point noir de la criminalité insulaire, celle les violences qui continuent à se perpétuer avec une hausse des homicides et tentatives (24 faits, soit 13 homicides et 11 tentatives) et celle des attentats à l’explosif, au nombre de 65, et d’incendies criminels commis en 2023.
« En Corse, l’État reste incontestablement engagé. Je salue l’énergie du Garde des Sceaux pour allouer plus de moyens à la justice. La justice en Corse n’a jamais été aussi bien dotée », ne manque pas de rappeler Hélène Davo, pour qui « la justice doit être l’affaire de tous », à l’heure où les mouvements populistes remettent en cause son rôle et la place de ceux qui l’exercent dans la société.